Robert SCHUMANN, Concerto pour piano et orchestre en la mineur, op. 54, Dinu LIPATTI, OSR, Ernest ANSERMET, 1950

22 février 1950
Genève Victoria-Hall
Radio Suisse Romande, R.Gagnaux, sources indiquées dans le texte
Radio Suisse Romande, R.Gagnaux, sources indiquées dans le texte

Robert Schumann n’a publié que trois oeuvres pour piano et orchestre, bien que le piano ait toujours été son instrument de prédilection: le concerto en la mineur, op. 54 (1845), un premier «Konzertstück» Op. 92 (1849) et un deuxième «Konzertstück» Op. 134 (1853).

En 1841, à Leipzig, il compose pour Clara Schumann une Fantaisie pour piano et orchestre [*] qu'il révise à Dresden en 1845, pour en faire le premier mouvement du Concerto en la mineur op. 54

"[...] S’il se résolut à mettre au point un concerto dans les règles, c’est que sa vie, à cette époque, était portée par une sérénité ardente qui fut loin d’être l’humeur la plus constante de sa vie. Une partition en trois mouvements, pour le Schumann de trente-cinq ans, c’est aussi bien un hommage à la stabilité d’une forme qu’un cri de joie devant l’équilibre personnel tout à coup retrouvé après des crises de folie douloureusement maîtrisées (la première remontant à 1833).

L’oeuvre toute entière baigne dans un constant enthousiasme. Le premier mouvement, après quelques mesures d’introduction, fait entendre l’un des thèmes les plus généreux qui soient sortis de la plume de Schumann, et qui portera le morceau tout entier, jusqu’à la cadence pleine d’une belle tension dramatique que suit une coda éclatante et impérieuse. Le radieux intermezzo, avec son solo attendri de violoncelle, est soutenu par une sorte d’émerveillement qui conduit au rondo, exubérant et sûr de lui, avec des ruptures de dynamique et des retours de flamme qui trahissent un état d’esprit fougueux, d’une allégresse rare chez Schumann.Oeuvre sublime qui fait dialoguer avec passion et délicatesse l’instrument soliste et l’orchestre (celui-ci d’une belle étoffe transparente, à cent lieues de la grisaille que certains croient deviner dans l’écriture symphonique de Schumann), le Concerto en la mineur est, selon le compositeur lui-même, «quelque chose entre le concerto, la symphonie et la grande sonate». [...]" cité d'un texte de Christian Wasselin, programme de concert du site de l'OCL.

C’est bien évidemment Clara Schumann qui joua le concerto en première audition. En fait, il connut une double première audition officielle: la première à Dresden, le 4 décembre 1845, sous la direction de Ferdinand Hiller, le dédicataire de l'oeuvre, la seconde au Gewandhaus de Leipzig, le 1er janvier 1846, dans le cadre des concerts d'abonnement, dirigée par Felix Mendelssohn, avec de nouveau Clara Schumann au piano.

(*) La Fantaisie de 1841 se révéla être une impasse: elle fut certes jouée en répétition à huis clos au Gewandhaus dans le courant du mois d’août, Clara Schumann tenant la partie soliste, l’oeuvre ne fut toutefois jamais interprétée en public et aucun des éditeurs sollicités ne se déclara disposé à en imprimer la partition. Les nombreuses modifications que Schumann y apporta par la suite n’y changèrent rien. (d'après un texte de Roman Hinke publié dans ce livret du site Harmonia Mundi).

L'interprétation proposée sur cette page...

René Gagnaux
Schumann_Op54_Lipatti_Ansermet_Radio-Actualites_17_02_1950_No7__244-261
22 février 1950
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Le compte-rendu de Franz WALTER publié le lendemain dans le „Journal de Genève“:

"[...] AU VICTORIA HALL - La rentrée de Dinu Lipatti à l’O.S.R.

On retiendra ce dixième concert de l’abonnement comme une date mémorable de notre vie musicale, non pas tant parce qu’il marquait le retour d’Amérique d’Ernest Ansermet que parce qu’il nous valait la rentrée tant attendue de Dinu Lipatti. On sait qu’une insidieuse maladie l’a retenu trop longtemps loin de nous, et l’absence de cet artiste que Genève a adopté s’est fait cruellement sentir, que ce soit dans les salles de nos concerts dont il était devenu l’habitué ou que ce soit en notre Conservatoire, où son départ a laissé un grand vide. Car ce que Lipatti nous a apporté, ce n’est pas seulement l’éclat d’une merveilleuse technique de pianiste, mais encore et surtout une riche personnalité dont le rayonnement a quelque chose de très pur, de très lumineux. C’est bien ce que nous retrouvions hier soir tout au long du Concerto de Schumann que Lipatti interprétait non seulement avec son admirable maîtrise, son toucher extraordinairement cristallin, mais encore avec une noblesse d’accent et une dignité dans l’émotion qui firent passer à travers toute la salle un souffle infiniment poignant. On imagine les ovations sans fin qui saluèrent Dinu Lipatti qui, abondamment fleuri, a senti, je l’espère, toute l’admiration, la reconnaissance et l'affection qui d’un élan unanime montait du public vers lui.

Après la Symphonie en ut mineur de Beethoven, et après avoir eu un concerto pour piano en ut mineur de Mozart, nous avons entendu hier, en début de programme, une «Cinquième Symphonie en ut mineur» de... Haydn. De cette tonalité dont le caractère a la réputation de se prêter particulièrement à l’expression tragique — tonalité de prédilection de Beethoven et qui nous a transmis maints accents douloureux de Mozart — Haydn semble tirer prétexte à nous confier d’emblée des choses fort graves. Mais il ne s’appellerait plus Haydn s’il prenait longtemps au sérieux ses velléités dramatiques qui bien vite se parent du plus aimable des sourires. Mais cette musique n’en a pas moins de véritable grandeur, qui sait mettre tant de grâce, tant de charme à effleurer en mineur des pensers qui ne peuvent se résoudre à la mélancolie.

Exécution fort soignée, avec de-ci de-là des inflexions un peu bien appuyées.

Le retour d’Amérique de M. Ansermet l'an dernier avait été pour notre chef l'occasion, grâce à une prestigieuse interprétation de la Mer, de Debussy, de mettre une fois de plus en lumière un des aspects les plus riches de sa personnalité. Hier soir, c’est toute la seconde partie du concert qui était consacrée à Debussy. L’idée était heureuse de faire entendre successivement et intégralement les trois «Images»: Gigues, Ibéria et Rondes de Printemps que généralement on exécute séparément. Elles forment cependant un ensemble parfaitement équilibré et qui résiste victorieusement à la monotonie. On eût pu craindre pourtant qu’une succession aussi prolongée d’impressions sonores d’un caractère si semblable n’engendrassent quelque lassitude. Il n’en fut rien, et à ce point de vue l’ordre choisi par M. Ansermet, qui sans s’attacher aux numéros respectifs plaçait Ibéria en fin de programme était des plus judicieux, et d’un climat à l’autre la progression et les alternances furent parfaites. Il serait vain de détailler l’interprétation; je n’ai pas le souvenir d'en avoir entendu de plus achevée. Rarement Ernest Ansermet m’a paru plus maître de la matière orchestrale debussyste qu’il modèle avec une aisance et un raffinement incomparables. Avec quel doigté ici, il recrée en des tons toujours plus fondus, en des teintes toujours renouvelées l'atmosphère limpide d’une France doucement ensoleillée, celle mystérieuse et élégiaque d’une Ecosse de légende, celle enfin d’une Espagne bigarrée et voluptueuse! Et avec quelle souplesse et quelle virtuosité l’orchestre lui répondit. [...]"

Proposé ici est l'enregistrement d'origine fait par Radio Genève, en pure mono, tel que diffusé et rediffusé à la radio - et non l'enregistrement hélas manipulé par Decca pour donner une impression de stéréo, afin de pouvoir mieux le commercialiser sur disque.

Robert Schumann, Concerto pour piano et orchestre en la mineur, op. 54, Dinu Lipatti, Orchestre de la Suisse Romande, Ernest Ansermet, Genève, Victoria Hall, 22 février 1950

Allegro affettuoso..........15:25 (-> 15:25)

Intermezzo......................04:38 (-> 20:03)

Allegro vivace.................10:28 (-> 30:31)

Provenance: Radiodiffusion

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René Gagnaux
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14 octobre 2022
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