LS Story: Marcel Parietti, du Jura au LS (1ère partie) Repérage

1 juillet 2020
David Glaser, reporter FONSART

Marcel Parietti est un illustre nom du foot lausannois et suisse des années 70 et 80. D’ailleurs, malgré le temps qui passe, l'homme est toujours influent au sein des instances du foot suisse ainsi qu'à la Maison du sport vaudois à Leysin. Un endroit tout trouvé pour se rencontrer et parler sport professionnel un jour d'été 2020 entre deux vagues de COVID-19. Marcel Parietti est de cette génération de joueurs qui ont vu les clubs professionnels se structurer lentement mais sûrement. A l’époque de son long bail avec le LS entre 1972 et 1984, le Jurassien a pu s’appuyer sur une équipe de sympathiques masseurs pour soigner ses bobos, mais guère plus. Un club comme le LS fonctionne de manière beaucoup plus précise sur le dossier médical des joueurs de nos jours. Et ce même si Lausanne ne joue toujours pas dans la même catégorie de clubs que le Bayern, le PSG, le Real ou Manchester United.

David Glaser, reporter FONSART
Parietti en 1981 avec le LS
Parietti en 1981 avec le LS

notreHistoire.ch : Le Lausanne Sport ressemblait à quoi structurellement quand ils vous ont recruté en 1972 ?

Marcel Parietti : Il y avait déjà une très bonne organisation dans ce club, vraiment digne de la première division. Un club qui avait une direction. Le président était un entrepreneur. Ces dirigeants de clubs à l'époque venaient souvent du monde de l’immobilier. Les présidents s’appelaient Amstutz, Souris ou encore Truan, des personnes issues du milieu économique local. Pour le Servette FC à Genève, c’était la même chose. Si on prenait tous les grands clubs, c’était l’immobilier qui était le premier secteur concerné par l'investissement dans le domaine du football. A GC (ndlr: Zurich Grasshoppers), ils avaient leur « Club du jeudi », des entrepreneurs de toutes branches et le spectre était plus large. Au niveau administratif, il y avait un secrétariat général et à côté de ça une structure médicale assez simple. Ce n’était pas des physiothérapeutes, ni des médecins. On avait des masseurs. Ils étaient comme nous, ils travaillaient à côté. On avait donc une bonne structure administrative et financière pour les contrats. Ce n’était pas des budgets exorbitants, un peu de sponsoring, les ventes de billets et des soutiens de ces personnalités qui prenaient la présidence, c'est tout.

David Glaser, reporter FONSART
Parietti façon Panini
Parietti façon Panini

Vous avez connu Kiki Prior, dont on m'a beaucoup parlé, le masseur historique du Lausanne Sport alors ?

Oui, Kiki (ndlr: dont le fils Nicolas travaillait à la Pontaise il y a encore quelques semaines) était représentant dans une entreprise de chocolat. Il y avait trois-quatre masseurs qui savaient ce qu’était le mercurochrome, le dolpyc, le fortalis et c’est tout. Ils nous massaient les lendemains de matchs. Si on risquait le claquage, on savait qu’il fallait mettre de la glace, ça se passait comme ça. Il y avait quand même un médecin du club. On allait dans son cabinet si vraiment on avait quelque chose de sérieux. La structure médicale s'arrêtait là. On avait surtout un entraîneur professionnel de haut niveau mais ils n’étaient pas reconnus à l'époque. Personne du grand public ne connaissait leurs noms contrairement aux joueurs.

Les archives de la RTS
27 décembre 1981

Qui étaient vos entraîneurs ?

Louis Maurer qui avait entraîné l’équipe suisse et l’Olympique de Marseille mais aussi d'autres grands entraîneurs comme Paul Garbani, Miroslav Blažević, Charly Hertig, Péter Pázmándy, Radu Nunweiller...

Comment vous prenez votre place au LS ?

En 1972, pour Lausanne, j’étais un peu trop polyvalent. Alors Louis Maurer m’a mis sur le côté droit, j’étais plus un joueur défensif qu’offensif. Donc, j’ai joué libéro, stoppeur, arrière-gauche. Je me suis raté avec l’équipe nationale car on m’a fait jouer arrière-droit. Après deux minutes on perdait 2 à 0 contre l'Allemagne de l'Ouest. J’ai aussi joué milieu de terrain, mon poste de prédilection. J’y étais souvent. A ce poste, vous vous appliquez autant dans le comportement défensif que dans le comportement offensif.

Quel genre de relations vous aviez avec les entraîneurs du LS en général, et avec votre entraîneur Blažević en particulier?

J’ai commencé capitaine au temps d’Hertig. On discutait entre nous, pas que de nous mais de l’équipe, à un moment donné on parlait bien sûr du style de jeu, du comportement offensif et défensif. Il faut reconnaître le qualités de Blažević en ce qui concerne l’entraînement en semaine. Mais dans le coaching des matchs, il y avait des choses invraisemblables qu'il mettait en place. Il avait mis le gardien de l’équipe nationale Eric Burgener en centre avant avec le LS pour un match. D’accord, il a marqué en première mi-temps, mais après on a perdu 7-3. Il y eu quelques difficultés ensuite avec Blažević. On a joué une fois contre Chênois, en ligue A à ce moment-là, et on lui a dit “Attention, devant ils ont deux joueurs, Manai et Duvillard, qui courent le cent mètres en huit secondes.” Et Blažević nous fait une tactique en jouant à trois derrière. Après 15 minutes, il y avait 2-0 pour Chênois. Donc, de nouveau, on s'est réorganisé parce qu'il a eu beau crier, tout à coup, on a décidé de jouer à quatre derrière. Lui, il ne changeait pas d'avis! Et des fois entre nous dans l’équipe on se disait “Écoute, Joseph tu restes maintenant et on joue à quatre, et on s’organise entre nous.” On est quand même revenu assez vite à 2-2, et on est resté bloqué sur ce score. On se dit qu’un entraîneur sent qui lui obéit ou pas. Il y a cette relation. Je me rappelle avoir eu une discussion encore avec Blažević, lui demandant ce qu’on devait faire dans le système défensif. S'il devait passer un message à l'équipe ensuite, je préférais que ce soit un de mes messages.

Et pour votre relation aux joueurs du LS en tant que capitaine?

Capitaine, c’est une affinité avec l’entraîneur, mais aussi cela vient avec l'ancienneté. Vous n’êtes pas capitaine six mois après votre arrivée au club en général. On voit qu'une équipe qui va mal, c'est quand vous avez en l’espace de trois à quatre mois cinq capitaines successifs, c’est mauvais signe. Et c’est arrivé au Lausanne dernièrement. Il y a pu y avoir des relations avec les joueurs assez étonnantes en tant que capitaine, des moments cocasses. J’ai été expulsé une fois dans ma vie avec le LS. Et c’était un peu par la faute de mes coéquipiers. On jouait un match amical aux Seychelles, on était au camp d’entraînement contre l’équipe nationale. Et c’était invivable à cause de l’arbitrage, l'ambiance... C’était un match amical, mais pour eux, il y avait toute l’île qui était autour du terrain à les soutenir. A un moment donné, l’arbitrage ne signalait plus les « hors-jeu ». Il y a eu des échauffourées entre les joueurs adverses et Gabet Chapuisat. Il s’était pris un coup au nez. Il y a donc eu des mots, du genre "espèce de connard ", il y a eu des insultes plus graves comme "retourne dans ton arbre". L’arbitre me dit de dire aux joueurs qu'ils ne doivent pas traiter les joueurs adverses de "canards". Alors qu’on ne disait pas canards mais bien "connards". Alors bon, moi je regroupe les joueurs et je leur dis d’arrêter de traiter les joueurs adverses de "canards". Bien sûr, il y en avait qui rigolaient, ce que l’arbitre n’a pas trop aimé. Et ça a continué. La deuxième fois, l’arbitre me redit que je devais repasser le message. Ce que j’ai fait, et ils ont de nouveau rigolé. Je fus expulsé.

David Glaser, reporter FONSART
Le portrait de Parietti en vignette adhésive
Le portrait de Parietti en vignette adhésive

Un match inoubliable ?

Dans le match, il y a eu quelques autres soucis, par exemple Eric Burgener est sorti parce qu'il y avait une balle qui traînait. Un enfant a shooté dans la balle avant qu’Eric puisse la prendre. Les cinq mille spectateurs ont rigolé pendant vingt minutes. Et dix minutes après, le gamin est revenu et Eric qui est un solide gaillard a dit “Attends mon petit...”, et à ce moment-là il a couru et l'a bousculé. Le gamin est tombé... Et là, il y a eu un silence ! On s’est dit “on est morts.” Le match amical fini, on a mangé avec l’équipe adverse. On a reçu d’ailleurs quelque chose de particulier. Si vous allez aux Seychelles, c'est un fruit qui s’appelle Coco-Fesse. Vous ne pouvez pas l'exporter. Ou alors vous devez payer 2 à 300 dollars.

David Glaser, reporter FONSART
Fritz Künzli et Eric Burgener dans le vestiaire enfumé
1979
Fritz Künzli et Eric Burgener dans le vestiaire enfumé

Quelle est votre meilleure année avec le LS?

La meilleure année. Celle où on a été le plus compétitif. C’est en 78-79 avec Blažević. Là on rate le titre de très peu. On finit deuxième ou troisième, on avait une équipe pour faire le titre. Elle était extrêmement compétitive. En majorité suisse-allemande, j’étais pratiquement le seul romand en fin de compte. On avait une super équipe, on avait Fritz Künzli, Marcel Corniolet, Walter Seiler, la majorité était des alémaniques. Moi j’avais signé trois ans, Miroslav Blažević et Eric Burgener aussi. Mais malheureusement, une fois que je suis revenu de vacances, quatre-vingt pour cent de l’équipe était partie. On avait un équipe pour faire le titre l’année suivante je pense. Une polémique est née. Il fallait rendre le club aux Vaudois et aux Lausannois... Alors on a recherché quelques joueurs du coin. Et ça a affaibli l’équipe. On est revenu dans le premier tiers du classement au fur et à mesure. Mais nous n'étions pas compétitifs pour le titre. Je pense qu’on aurait pu l’avoir ce titre. Cette période de la fin des années 70, cela reste l'apogée de ma carrière. Je fus appelé en équipe de Suisse pour un match officiel contre l'Allemagne de l'Ouest.

C’est votre seul match officiel avec la Nati?

Oui pour des matchs avec le sélectionneur René Hüssi. On avait perdu 4 à 2. Le Blick suivait beaucoup GC où jouait Christian Gross avant le LS. Le journal disait « que font ces Welsche en équipe nationale » en parlant de Christian qui était zurichois et n'avait jamais été appelé avant. Lausanne avait une équipe compétitive. Hüssi, je le comprends, il avait son équipe déjà bien installée. D'ailleurs, je me rappelle avoir été sélectionné contre l'Ukraine à Kiev et je n'avais pas quitté mes moonboots de tout le match. C'était la philosophie, on ne changeait pas les stars à cette époque-là. Contre la Tchécoslovaquie, il avait prévu de me faire jouer, à Zurich. Mais moi je me suis blessé à deux minutes de la fin du match Zurich-Lausanne juste avant.

Vous avez plutôt fait carrière avec les jeunes de l’équipe suisse en fait. non?

Non, mais j’ai joué vingt fois avec l’équipe suisse B.

(A suivre)

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25 novembre 2020
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