Charles Pictet de Rochemont, Homme politique et diplomate
Charles Pictet de Rochemont, Homme politique et diplomate Repérage
Charles Pictet de Rochemont, Homme politique et diplomate, 1755-1824
L'avenue Pictet-de-Rocheront est située, à Genève, dans le quartier des Eaux-Vives. Perpendiculaire à l'avenue de Frontenex, elle relie la rue Versonnex à la route de Chêne.
Charles Pictet est né à Genève le 21 septembre 1755 à Cartigny GE. Son mariage, en 1786, avec Adélaïde Sara de Rochemont lui confère le nom de Pictet de Rochemont.
Son père, également prénommé Charles, (1713-1792) a été colonel aux Pays-Bas. Sa mère se nomme Marie, née Dunant. De retour à Genève, les Pictet s'installent à Cartigny.
Le jeune Charles Pictet grandit dans une famille aristocrate, ouverte et tolérante. Après des études au Collège puis à l'Académie, il se distingue à la carrière militaire. En 1775, Charles Pictet gagne la France où il sert dans le régiment de Diesbach et dans la compagnie Lullin de Châteauvieux.
De retour à Genève, il entre en 1788 au Conseil des Deux Cents et en 1790 devient auditeur.
Il commande un des deux quatre bataillons de la Milice bourgeoise et rédige à l'intention de la troupe des Instructions d'exercice qui seront rééditées pour la Garde nationale qui succède à la milice.
En 1792, Charles Pictet commande la « Légion genevoise » et fait partie de l'Assemblée nationale. La France révolutionnaire, dont les troupes ont envahi la Savoie, est aux portes de Genève qu'elle menace d'annexer. L'indépendance est sauvée provisoirement, mais l'Ancien Régime ne résiste pas à l'avance révolutionnaire. Un « comité provisoire de sûreté » composé de treize citoyens suspend de ses fonctions le gouvernement en place et proclame l'égalité politique entre toutes les catégories de la population. Genève a vécu sa révolution en décembre 1792. En 1794, Jean François de Rochemont, beau-frère de Charles, est condamné à mort et exécuté. Pictet est, lui, condamné à une année de détention domestique.
En 1798. Charles Pictet acquiert un domaine de 75 hectares à Lancy, aujourd'hui la Mairie de Lancy. Pictet de Rochemont se spécialise dans l'élevage des moutons mérinos auxquels il accorde le plus grand soin. Dans son domaine lancéen, il cultive également le maïs, qu'il introduit à Genève. Son exploitation agricole est florissante et ses techniques (agricoles) copiées.
Parallèlement à cette vie paysanne (il travaillait lui-même aux champs), Pictet de Rochemont écrit beaucoup. Il fonde en 1796 une revue, la bibliothèque britannique, qui deviendra ensuite Bibliothèque universelle. Pictet y tient la rubrique agricole de 1796 à 1815.
La défaite napoléonienne de 1813 clôt la parenthèse française (1798-1813). Genève est libérée le 30 décembre (1813) par les troupes autrichiennes du comte Ferdinand Bubna Von Littiz. Un gouvernement provisoire proclame la restauration de la République le 1er janvier 1814. Le texte de la proclamation est sans doute l'œuvre de Pictet de Rochemont, qui le lit dans une ville en liesse.
Au plan stratégique, l'objectif premier des nouvelles autorités genevoises est de faire de Genève un canton suisse. Pictet de Rochemont est un fervent partisan de l'adhésion de Genève à la Confédération suisse. C'est ainsi naturellement que Pictet fait partie de la députation envoyée à Bâle en janvier 1814 pour demander aux souverains alliés la reconnaissance de l'indépendance genevoise et sa réunion à la Confédération avec un territoire agrandi.
Cette première expérience diplomatique de 1814 sera suivie de celles de Vienne et Paris en 1815 et Turin en 1816. Charles Pictet de Rochemont sera en effet, avec François d'Ivernois, le grand négociateur des modifications territoriales nécessaires à l'adhésion de Genève à la Confédération helvétique.
La première conférence de Paris, en 1814, est un échec. La France dont le négociateur est Talleyrand, refuse en effet de céder le Pays de Gex. Lors du Congrès de Vienne (octobre 1814-avril 1815), La France reste inflexible sur les demandes territoriales genevoises. Les négociations reprennent à Paris en août 1815. Genève est désormais intégrée à la Confédération helvétique depuis le 19 mai 1815 et le duc Richelieu a succédé à Talleyrand.
Fort de soutien de la Suisse (la Diète fédérale l'a nommé comme plénipotentiaire), Pictet de Rochemont voit sa position diplomatique renforcée. Grâce aussi à l'appui du comte Capo d'Istria, les succès remportés sont éclatants.
La totalité du Pays de Gex n'est certes pas acquise, mais six communes gessiennes, dont Pregny et Versoix, sont incluses au territoire genevois, ce qui assure à Genève une frontière avec la Suisse.
La réussite de Pictet de Rochemont est complétée par la déclaration solennelle du 20 novembre 1815 des plénipotentiaires des puissances réunies à Paris (France), Grande-Bretagne, Russie, Prusse, Autriche) de reconnaître que « la neutralité perpétuelle de la Suisse et son intégrité territoriale étaient conformes aux vrais intérêts politiques de l'Europe. » (Citoyens de Genève, citoyens suisses, 1998, p.21). Rédigée par Pictet de Rochemont lui-même, cette déclaration consacre la neutralité suisse au plan européen et lance la tradition des « bons offices ».
Pour négocier le dossier des territoires de la rive gauche du lac, Pictet de Rochemont est envoyé à Turin en 1816 par le canton et la Confédération. Un nouveau succès attend le négociateur genevois : vingt-quatre communes savoyardes et sardes (dites « communes réunies ») sont intégrées au territoire genevois, le roi de Sardaigne acceptant les cessions territoriales prévues par les protocoles de Vienne et de Paris. A la zone franche du Pays de Gex s'ajoute désormais celle de Savoie.
Charles Pictet de Rochemont a parfaitement réussi la mission diplomatique qui lui avait été confiée, à savoir désenclaver Genève. A l'été 1816, il regagne son domaine agricole et retourne à l'élevage des moutons mérinos.
Nommé conseiller d'Etat honoraire en 1815, la Diète helvétique décréta le 18 juillet 1816 que Pictet de Rochemont « avait bien mérité de la Confédération suisse et s'était acquis les droits les plus sacrés à l'estime et à la reconnaissance publiques ».
Membre du Conseil représentatif (l'ancêtre du Grand Conseil), Pictet de Rochemont gade un vif intérêt pour la vie publique. En 1821, il rédige De la Suisse dans l'intérêt de l'Europe, chef d'œuvre de diplomatie et de critique militaire.
Charles Pictet de Rochemont décède le 28 décembre 1824 à Lancy GE, à l'âge de soixante-neuf ans.
Texte tiré du livre : Des noms et des rues célèbres à Genève édité par la Chancellerie d'Etat.
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