Petite histoire de la Cité Aldrin
Petite histoire de la Cité Aldrin
Sierre - Petite histoire de la Cité Aldrin
La Cité Aldrin – Projet de 1972 – Une expérience de tours préfabriquées.
Le contexte : les trente glorieuses
À partir de 1965 et pendant les années qui suivent, la Suisse entre dans une ère de prospérité considérable. Cette période, surnommée les "Trente Glorieuses", dure de 30 à 35 ans. L'industrie du tourisme explose et une multitude de travailleurs étrangers arrivent en vagues successives : d'abord les Italiens, rejoignant ceux partis dans les années 1950 pour la construction des barrages, suivis par les Espagnols, quelques Turcs, puis les Portugais. La chute du mur de Berlin marque ensuite l'arrivée de migrants de l'ex-Yougoslavie, ainsi que des Macédoniens, Polonais, Roumains, Albanais, Kosovars, Tchèques, et autres.
L’économie tourne à plein régime
À partir de 1965, le Valais se lance dans une construction effrénée. Des remaniements parcellaires aux infrastructures telles que routes, ponts, tunnels, stations d'épuration, réseaux d'égouts, systèmes d'eau potable, sans oublier les chalets et les immeubles de vacances, les téléphériques de la Plaine Morte et du Mont-Fort, ainsi que les téléskis de Zinal en Anniviers et d'autres lieux comme Crans-Montana, Aminona, Vercorin, Chandolin, Grimentz, ... : c'est vraiment l'ère des Trente Glorieuses.
L'usine d'aluminium de Chippis et les laminoirs de Sierre recrutent massivement, employant au total 2000 ouvriers. L'usine s'étend même jusqu'à Steg. En 1974, les frères Maus érigent la Placette à Noës, le premier grand centre commercial du Valais, qui sera renommé MANOR en 2000, contraction de MAus et NORman. Les deux commerçants Maus et Norman s'étaient associés pour fonder le grand magasin.
Le 1er septembre 1974, la ville de Sierre lance les Bus Sierrois, un réseau de trois lignes qui convergent vers le centre-ville. L'État du Valais construit un trottoir reliant Noës à Sierre pour absorber le dense trafic piétonnier. C'est le commencement de la mobilité en transports publics pour cette longue commune (de La Raspille au Pont de Bramois, cela représente 15 km).
Deux ans plus tôt, en 1972, la commune de Granges fusionne avec Sierre, portant le nombre d'habitants de la nouvelle commune à 12 000 et faisant d'elle la deuxième ville du Valais après Sion, bien qu'elle ait depuis perdu ce rang.
De 1970 à 1980, la répartition de la population active du Grand-Sierre est la suivante : 4% dans le secteur primaire, 45% dans le secondaire et 51% dans le tertiaire, témoignant d'une économie assez équilibrée.
L’habitat
L'équation est claire : un travailleur et sa famille nécessitent un logement. Cependant, Sierre n'a pas su s'aligner sur la tendance de la construction et anticiper les besoins. Quelques bâtiments à loyers modérés ont été érigés, mais ils restent insuffisants. Des personnes se sont regroupées pour former la coopérative « Aurore », permettant l'achat d'appartements sur plan dans de petits immeubles de six logements. Malgré cela, la pénurie de logements est criante, poussant certains ouvriers à résider dans des caravanes aux campings Swiss Plage à Salquenen et Robinson à Granges.
Le promoteur
Un habitant de Sierre, nommé Charly Bonvin, a acquis 13'000 m2 de vignes en zone agricole à Sierre ouest, au lieu-dit Les Potences, une colline historiquement utilisée pour pendre les criminels du district de Sierre depuis l'époque féodale. Il envisage de construire quatre tours jumelles.
Pendant qu'il planifie et prépare les plans de construction, et obtient un changement de zonage, Neil Armstrong et Buzz Aldrin atterrissent sur la lune le 21 juillet 1969.
Inspiré par cet événement, Charly Bonvin a une idée originale pour promouvoir la vente des appartements. Sans demander la permission à Buzz Aldrin, il nomme le complexe « Cité Aldrin » et lance une publicité proclamant :
« Des appartements lunaires à des prix terriens ! ».
Nouvelliste, 27 juin 1972
Il fait de nombreuses promesses dans la publicité, comme la construction d'une chapelle, qui ne seront pas tenues.😊… !
La construction : du préfabriqué
En 1972, après avoir obtenu le dézonage agricole et le re-zonage en terrain à bâtir, Charly Bonvin s’entoure des gens de la technique : André Zufferey, architecte à Sierre et Louis Bonvin, ingénieur à Sierre. Le promoteur confie la préfabrication des deux premières tours jumelles à l’entreprise Bodenmüller à Viège.
Des chiffres
Voici quelques chiffres pour les deux premières tours jumelles prénommées « Aldrin A et B » :
- 1972 - année de construction des premiers tours jumelles (celles qui sont proches de la route cantonale et voisine du magasin Lidl)
Coût : 8 millions de francs pour les deux tours Aldrin A et B.
50'000 m3 de béton.
Aldrin A = 14 étages, hauteur 47 mètres
Aldrin B = 10 étages, hauteur 35 mètres
Total = 400 à 500 personnes y vivent dans les 260 appartements, chambres et studios. - Lors de la construction des deux premières tours, la question de la sécurité en cas d'incendie, initialement non résolue, est soulevée. En effet, en cas d'incendie, les pompiers ne disposent pas d'échelle suffisamment haute pour atteindre les 47 mètres de la tour Aldrin A. Une solution temporaire est mise en place : chaque balcon est équipé d'une trappe et d'une échelle permettant de descendre au balcon inférieur, et ainsi de suite jusqu'au sol.
Une réputation douteuse
Ces appartements ne sont pas exceptionnels : mal isolés, mal conçus, mal insonorisés et trop exposés aux vents violents de foehn à Sierre. De plus, ils attirent une population multiculturelle et désargentée, des courtisanes et des individus de divers horizons.
Dans les années 1980-1990, la Cité Aldrin jouissait d'une mauvaise réputation, marquée par plusieurs drames et accidents mortels.
(Fait insolite : pendant le Ramadan, des musulmans ont abattu un mouton dans leur baignoire, jusqu'à l'intervention de la police qui les a dirigés vers un abattoir approprié).
Depuis, des améliorations ont été apportées ! En 2022, tout fonctionne normalement et avec sérénité. Il semble que tout ait été amélioré pour le mieux.
Et puis... la faillite
Des logements destinés à des ouvriers sans ressources... et soudain, la promotion immobilière fait faillite. Elle chute et finit par être traitée par l'office des poursuites de Sierre.
Pendant ce temps, l'entreprise Bodenmüller à Viège a poursuivi la préfabrication des éléments pour les deux autres tours jumelles. Ces éléments ont été entreposés sur un terrain vague à Viège pendant plusieurs années, en attente d'une résolution de la faillite.
La Cité des Glariers
C'est à ce moment que l'entrepreneur de l'usine de préfabrication Bodenmüller à Viège a pris la décision de construire la Cité des Glariers, un projet d'un standing supérieur et sans rapport avec la Cité Aldrin. Pour lui, c'était l'unique option, même si cela impliquait le risque de tout perdre en cas de faillite.
La Tour Grand'Air
Après les Cités Aldrin et des Glariers, la construction d'immeubles-tours a marqué une pause.
Plus tard, la Tour Grand’Air a émergé dans le quartier de Maison Rouge, conçue par l'architecte Raymond Baud de Sierre. À l'opposé d'Aldrin, Grand’Air se distingue par sa conception soignée, son haut standing et la qualité irréprochable de ses services.
Merci pour cette page de l'histoire récente de Sierre-Ouest ! Je ne regarderai plus ces tours de la mène manière...
La présence de ces deux tours qui font écho aux trois tours d'Aminona ne peut manquer d'interpeller le passant, voire le choquer. Cette excellente analyse permet d'en comprendre le contexte. Bravo ! Ajoutons que, depuis, en terme de ratés d'ordre architectural, on est bien servi.