Cette photographie faisait partie des archives des descendants de Rodolphe Bonjour, le jardinier de Bonmont. Au dos, une inscription: la cloche de l'Eglise de Bonmont, "essai de ma part". Clocher de l'Abbatiale en 1935.

C'est un document qui a sa valeur car j'ai eu bien de la peine à trouver des indications concernant cette cloche et surtout je n'en ai pas d'autre image. En 1935, l'Abbaye de Bonmont est encore possession de la famille Sautter et elle ne sera classée monument historique qu'en 1942 bien avant sa restauration par l'Etat de Vaud en 1982.

François Bucher dans son livre Notre Dame de Bonmont (Benteli-Verlag 1957) indique que le Prieuré de Bonmont disposait à l'origine de 2 cloches. A ce propos, il est difficile de reconstituer l'endroit où elles se trouvaient, mais, malgré l'interdiction de construire une tour ordonnée par le Chapitre général en 1157 -les données archéologiques citées par Bucher parlent pour l'existence d'une structure, probablement plus modeste, future base du futur clocher de 1488, pour y placer une ou des cloches ; en 1404, deux nouvelles cloches furent acquises. Elles prirent place dans le clocher édifié dès 1488. Après la conquête bernoise, vers 1537, Nikolaus Zurkinden, le commissaire général bernois pour le Pays de Vaud vendit trois d'entre elles à Genève, et la quatrième, la plus petite, dédiée à St Sébastian fut conservée jusqu'à nos jours.

Cette dernière porte une inscription latine en caractères gothiques relevée en 1942 par le successeur de Rodolphe Bonjour, Gustave Emery

I.H.S. AUTEM TRANSIENS PER MEDIUM EORUM IBAT

(verset de Luc4/30, narrant que lors de la prédication de Jésus dans la synagogue de Nazareth, les habitants menacent de le tuer et Luc écrit: Jésus passa au milieu d'eux et s'en alla. Le choix de ce passage par le prieur pourrait peut-être faire référence à la situation difficile du monastère.

Et cette autre inscription

ORA PRO NOBIS BEATE SEBASTIAN

identifiant la cloche comme gardienne contre la peste, puisque Saint Sébastien était invoqué dans le diocèse de Genève comme protecteur contre cette maladie. Elle porte curieusement la date de 1453 (?) .

Le recours aux cloches dans la vie monastique remonte à l'époque carolingienne pour se généraliser et s'étendre dans toute l'Europe. Pour ceux que l'histoire des cloches dans l'histoire monastique intéresse, ce texte de Aurélien Jourdier édité en ligne par le précieux Persée

La vie monastique est réglée avec une grande minutie par les sonneries campanaires.Chaque acte est marqué par le son de la cloche. L’utilisation si particulière des cloches

par les moines sépare nettement les instruments monastiques de leurs soeurs séculières.Les usages se recoupent partiellement, mais une particularité forte se dégage des cloches cénobitiques : elles ordonnent la vie au lieu de la rythmer et sont donc placées dans tous les endroits emblématiques du monastère et pas seulement dans le clocher.L’apparition de l’horlogerie donne une capacité nouvelle à mesurer le temps