Maison de maître « Les Ormeaux »
Maison de maître « Les Ormeaux »
Photographie de la façade est de la maison de maître « Les Ormeaux », prise en 1954.
Toponymie
Le nom de la propriété tire son origine des ormeaux, trois fois centenaires, qui se dressaient fièrement au pied de la terrasse de la maison. De nos jours, ils n'existent plus.
Histoire
La création du domaine est relativement récente. Auparavant, le terrain appartient à Marc-François Vuaillet (1785-1811), maire de Pregny de 1800 à 1808, puis à son fils Louis-Valentin. Ce terrain ne constitue alors qu’une partie de leur vaste domaine, dont la maison principale s’élève à l’emplacement des actuelles dépendances du Château de Pregny.
Construction de la maison
En 1834, Georges Haldimand (1781-1851), rentier, s’installe à Pregny en provenance directe de Londres. Issu d’une famille d’Yverdon dont la plupart des membres sont établis à l’étranger, il acquiert la partie sud du domaine voisin de la Villa Perrot auprès de Louis Perrot-de Pourtalès (1785-1865). Pour étendre son futur domaine, il achète une série de parcelles situées sur les pentes du coteau. Entre 1835 et 1836, il fait construire une maison de maître dans le style Tudor (néo-gothique anglais). Cette maison est peut-être l'œuvre de Jacques-Louis Brocher (1808-1884).
En septembre 1850, la propriété est vendue à Jean Alphonse Favre (1815-1890), qui s’y installe l’année suivante.
Pour célébrer leur arrivée dans la commune, les Favre organisent une grande réception dans leur domaine, réunissant les officiers des troupes suisses stationnées à Genève, la Société helvétique des sciences naturelles, ainsi que les membres du Congrès du christianisme social et celui des orientalistes. Les Favre apprécient également d’orchestrer la fête annuelle de l’école, avec au programme goûter, mât de cocagne, courses et remise de prix, ballons et feux d’artifice.
Profondément marqué par l’isolement des familles protestantes dans ce village à forte tradition catholique, il décide de créer, en 1852, une école primaire dans une petite maison située au fond de son domaine. Les cours ont lieu tous les jeudis, et le catéchisme est organisé chaque dimanche, avec la participation des adultes également invités. Les habitants accèdent à l’école par le Chemin des Chèvres.
Bien que la commune ait construit une école primaire publique en 1835, rendant théoriquement inutile « l’école des Ormeaux », Jean Alphonse Favre estime qu’elle doit perdurer, car l’enseignement religieux n’est pas inclus dans le programme officiel. Ainsi, les cours du jeudi et le catéchisme sont maintenus. Il fait alors détruire la petite maisons initiale et transfère son école protestante dans une dépendance du domaine, qu’il fait aménager spécialement à cet effet.
En 1856, Jean Alphonse Favre acquiert une partie du domaine voisin appartenant à la famille Saladin, situé de l’autre côté du Chemin des Chèvres. Désireux d’unifier les deux propriétés, il entreprend des travaux pour modifier le tracé supérieur du chemin, intégrant ainsi les deux domaines en un seul ensemble.
Les visites aux Ormeaux
Jean Alphonse Favre fait la connaissance de la duchesse d’Orléans et de ses fils en 1852, chez les Bontems, au château de Penthes. Dès lors, des relations amicales s’établissent entre les deux familles et leurs alliés. Le 26 mai 1863, Louis d’Orléans (1845-1866) et François d’Orléans (1854-1872) rendent visite aux Favre aux Ormeaux, suivis d’une autre visite d’Henri d’Orléans (1822-1897), de Marie-Caroline de Bourbon-Siciles (1822-1869) et de François d’Orléans le 17 août 1867. Ces relations se poursuivent avec de nouvelles rencontres aux Ormeaux en 1868 et 1869. Une anecdote raconte qu'en 1874, Léopold Favre, fils aîné de Jean Alphonse, accompagne Henri d’Orléans à la gare de Chambésy. En lui ouvrant la portière d’une voiture de première classe, il tombe par hasard sur Napoléon-Jérôme Bonaparte (1822-1891). Pris de surprise, Léopold referme immédiatement la portière.
La réception la plus originale, et sans doute l’une des plus marquantes, reste celle organisée en l’honneur de Nassereddine, shah de Perse, aux Ormeaux, le 20 juillet 1873. Toute cette aventure est relatée dans cet article, qui en détaille chaque aspect : notrehistoire.ch/entries/qNWj0...
Jean Alphonse Favre a quatre enfants : Ernest (1845-1925), Léopold (1846-1922), Edouard (1855-1942) et Catherine (1851-1932), cette dernière étant mariée à Théodore Turrettini (1845-1916). C’est Edouard qui hérite de la propriété des Ormeaux en 1881 et y réside avec son épouse, Mathilde Gautier (1862-1941). À sa mort, ses sept enfants héritent à leur tour de la propriété, qu’ils revendent en 1951 à l'État de Genève.
Le domaine, divisé en deux par la Route de Pregny, pousse l'État à vendre la parcelle située au nord de cette artère à la commune de Pregny. Celle-ci est alors aménagée en terrains avec serres, exploités par Louis Brüll, horticulteur-fleuriste, ainsi qu’en terrain de sport communal. Dans les années 1990, lorsque M. Brüll prend sa retraite, le terrain reste une friche, en attendant la possibilité d’y construire de nouveaux bâtiments administratifs pour la commune. Finalement, en 2024, ce terrain est réuni avec le terrain de sport voisin pour former un seul et même ensemble, où un pumptrack est aménagé.
La maison de maître est louée depuis les années 1960 à la Mission permanente de France et du désarmement auprès des Nations Unies.
En 1963, l'État cède la partie sud du domaine, adjacente au Chemin des Chèvres, à l'industriel français Marcel Dassault (1892-1986). Ce dernier y fait construire une maison, conçue par l'architecte Arthur Bugna (1921-1983).
Le 16 octobre 1987, la maison de maître, les dépendances et le domaine sont inscrits à l'inventaire du Département des Travaux publics de la République et canton de Genève.
La maison de maitre et son domaine en 2020.
Sources :
- Guillaume Fatio, Pregny, commune genevoise et coteau des altesses, 1947, pp. 244-255.
- Guillaume Fatio & Raymond Perrot, Pregny-Chambésy, commune genevoise, 1978, pp. 235-245.
- République et canton de Genève, Département des Travaux publics, Arrêté approuvant l'inscription à l'inventaire du domaine des Ormeaux, 1987.
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