Oui, les skieurs d'Haïti brillent en Suisse (2e partie)

17 janvier 2020
David Glaser, reporter FONSART

Suite de l'article.

Le seul compétiteur Haïtien aux JOJ de Lausanne 2020, Mackenson Florindo (photo de couverture) a fini 51ème du slalom géant lundi sur 77 concurrents au départ. Le jour suivant, en recherchant les limites de sa performance avec un départ très engagé, il est sorti du parcours dans l'épreuve du slalom (avec les piquets), mais là n'est pas le plus important. Le projet de la Fédération Haïtienne de Ski (FHS) est de montrer à travers le ski une image positive du petit pays antillais avec des athlètes Haïtiens installés proche de la montagne, principalement en Suisse ou en France. Thierry Montillet, un skieur de France voisine fait partie de l'aventure. Il nous explique les enjeux avec beaucoup de décontraction. La présence Haïtienne à Lausanne a été une belle réussite médiatique et a généré beaucoup de message de soutien et d’encouragement, dix ans après le tremblement de terre majeur qui a coûté la vie à 200'000 personnes en Haïti. Le travail de la FHS rappelle que les Haïtiens sont capables de bouger des montagnes, et notamment nos montagnes vaudoises.

“Ce fut un très bon moment" raconte Mackenson Florindo au site du CIO. "Je me suis fait des amis, l'épreuve était difficile, mais je suis content avec mon résultat. Cela a été une aventure excitante et importante pour moi car je n'ai jamais pensé que j'allais être ici. Quand je suis venu ici, je savais bien que ça allait être difficile mais j'ai fait de mon mieux. Je sais ce que je dois améliorer et je vais travailler là-dessus". C'est le discours d'un champion, plein de modestie. Le Haïtien Florindo, résident en France a amélioré le rang déjà historique obtenu par la Genevoise Céline Marti il y a deux ans aux Mondiaux d’ARE 2019.

"Nous sommes une petite fédé" explique Thierry Montillet, l'un des deux acteurs majeurs de la FHS responsable de la sélection nationale Haïtienne en ski qui a pris ses quartiers cette semaine sur Lausanne avec la délégation Haïtienne. "Même si nous avons peu de moyens, l’idée du projet est de trouver des solutions pour que Haïti soit présent dans les plus grands événements internationaux en ski. On peut aussi avoir de l’aide logistique de la part des grandes fédérations de ski comme la Suisse ou la France"

Investissement personnel

"Il y a quelques années, nous avons organisé un événement autour d’une course internationale en coopération avec la Suisse, avec un habillage Haïtien complet pour tout le weekend : une exposition d’art, de la musique, un buffet, de la soupe servie aux participants, une remise des prix et une commémoration du séisme patronnée par l’ambassadeur d’Haïti à Genève et le représentant officiel du Valais. Ce fut une super réussite qui a ravi tout le monde. Pour l'anecdote, cela a tout de même représenté au final un investissement sur fonds propres de 4000 francs, que j'avais prévu en réserve mais pour plusieurs événements. L'organisateur a trouvé cet événement tellement réussi qu'ils nous a demandé de revenir l'année suivante. Mais je lui ai répondu qu'après avoir pris la cartouche financière en une seule fois, ce ne serait pas possible (rires)."

Le soutien du président de la fédération suisse de ski (SWISSSKI) Urs Lehmann est très positif. " Urs Lehmann qui nous a accueilli est avenant avec la petite fédé haïtienne, la même chose de la part de son homologue français à la FFS Michel Vion. Nous sommes néanmoins une fédération indépendante, on ne doit jamais rien à personne, c’est ce qui nous permet de garder une autonomie sur l’esprit Haïtien différenciant et le côté positif permanent qui nous caractérise."

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Photo de Mackenson Florindo OIS/CIO/Simon Bruty

"On respecte parfaitement les règles du ski international," continue Thierry Montillet. "Nous n'avons pas un pays d'accueil attitré, on se finance nous même sans solliciter de fonds haïtiens en limitant les dépenses au strict nécessaire. Les moyens financiers viennent de nos fonds propres, des familles d'athlètes, de la FIS qui nous verse ce qui nous revient en droits télévisés, puis nous nous appuyons de temps en temps sur des sponsors quand on a cette opportunité. Un sponsor recevait des appels de ses clients, intrigués par le fait que dans sa communication il indiquait qu'il sponsorisait la Fédération Haïtienne du Ski. Cela crée de la curiosité, donc du contact, c’est bon pour leur business. Et puis il y a Rossignol, notre sponsor historique qui nous équipe en paires de ski, le PDG de la marque française a été sympa avec nous."

"La nouvelle étape, le Comité Olympique Haïtien se rapproche de nous et le chef de mission de la délégation Haïtienne à Lausanne, Marc Arthur DROUILLARD, nous a dit en découvrant concrètement le projet "c'est incroyable ce que vous faites". Il a proposé de nous mettre en avant en Haïti. C’est vrai que le ski vu d’Haïti, c’est un peu loin mais quand il s’agit de la présence du drapeau aux JO, c’est une autre dimension qui revêt une importance particulière pour les compatriotes. Nous avons eu aussi une rencontre avec le président du CIO Thomas Bach. Mais notre approche est d'y aller pas à pas et de ne pas aller forcément courir les cocktails avec les gens très importants. On pense que la voie médiatique avec nos athlètes est la meilleure solution. C'est positif et en prise directe avec le sport. On aime aussi les histoires comme "Cool Runnings" ("Rasta Rocket" pour la version française) et cette équipe de bobsleigh jamaïcaine qui a marqué la terre entière aux jeux d'hiver et dans les cinémas du monde entier.

Dans le derby caribéen, "les derniers sont les premiers"

"On aimerait faire un derby caribéen au bobsleigh avec la Jamaïque. C’est un très beau projet qui est dans les cartons mais qui nécessitera de gros investissements et du temps. En attendant, on l'a déjà organisé 2 fois en ski lors des championnats du monde de Ski, la compétition à l’intérieure de la compétition. La Jamaïque était représenté par Michael Williams alias « Jamaica Mike Ski» qui a été opposé à Jean-Pierre Roy, notre "Rasta Piquet" Haïtien. On les a battus la première fois sur le chrono et malgré cela, les Jamaïcains ont reçu cette "coupe des Caraïbes". Des journalistes qui suivaient avec intérêt ce derby sont venus vers nous en disant qu'on avait fait le meilleur temps et qu'il y avait erreur. Mais on leur a répondus avec malice que dans notre "Cool Runnings Cup", le vainqueur n'était pas forcément le premier."

Eviter la caricature

"Nous ne voulons pas proposer une vision caricaturale mais nous voulons marquer les esprits de façon positive pour Haïti, nous marrer en restant sportivement sérieux pour donner l’envie à d’autres jeunes Haïtiens de se développer comme nous à l’international dans tous les sports."

"Pour détecter les jeunes athlètes Haïtiens en ski, nous organisons chaque année le dernier weekend mars une course de détection qui se nomme JE SKIE POUR HAITI. C’est ouvert à tout le monde, les Haïtiens de cœur et d’origine, aux bons skieurs comme à ceux qui sont en progression. Peu importe le temps à la course, le challenge c’est se faire plaisir en famille, entre amis, en ski ou en snowboard ou en télémark et passer un bon moment façon ambiance Haïtienne. Certains descendent déguisés. Lors de la dernière édition, nous avions 14 jeunes Haïtiens de moins de 14 ans dans la course. C’est magique ! Et le moment le plus fort, c’est la soirée avec la remise des médailles : tout le monde est le vainqueur de son propre challenge pour Haïti et le budget médaille et coupes est impressionnant, autant que les yeux des jeunes quand ils reçoivent leur coupe. C’est ça l’esprit du ski Haïtien, la performance de chacun à son niveau et le plaisir. Et quand on le veut avec motivation, cela devient possible, on déplace les montagnes… pour Haïti."

Par David Glaser

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16 janvier 2020
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