Les créateurs des Fêtes des Vignerons

24 janvier 2019
Fêtes des Vignerons, Vevey
Guillaume Favrod

Apothéloz, Morax, Debluë, Hemmerling, Zuber, Fost, Hostettler, de Senger, Grast... la liste est longue !

Des metteurs en scènes aux auteurs, des costumiers et costumières aux compositeurs et compositrices, ils ont laissé leurs empreintes sur chacune des éditions. Si au 18e siècle, costumes, chants et textes sont directement repris des traditions littéraires, chorales et populaires de l’époque, l’originalité des Fêtes se fait toujours plus grande au fil du 19e et 20e. Chacun à leur manière, ils ont marqué l’histoire des Fêtes des Vignerons et pendant une semaine, ces créateurs sont mis à l’honneur sur la plateforme grâce aux articles du web-éditeur, aux archives publiées par les membres et à des documents inédits provenant des archives de la Confrérie des Vignerons !

Une brève histoire de ceux qui créent la Fête

Ils sont maîtres à danser, musiciens, compositeurs, artistes, peintres, écrivains, poètes, architectes, chorégraphes, costumiers et metteurs en scène. Voici un rapide historique des différents auteurs et créateurs de la Fête des Vignerons.

1797 : La première Fête… une transition

Il est difficile d’évoquer les créateurs de la première Fête des Vignerons pour la simple et bonne raison qu’ils n’étaient pas spécifiquement désignés. Aucun maitre à danser (chorégraphe de l’époque), compositeur ou costumier n’est mentionné dans les archives de la Confrérie des Vignerons. Ces rôles sont assumés pour l’essentiel par les conseillers de la société qui établissent l’ordre de la parade, choisissent les chants, les musiques et les textes et distribuent des accessoires et des rubans de couleurs aux vignerons et aux figurants.

8siem7iedem.s3.amazonaws.com/u... Ordre de la parade de 1797. Extrait de la Description de la Fête des Vignerons de 1797 © Confrérie des Vignerons

1819 : Un archétype

Une commission est désignée pour organiser le Couronnement, la Parade et les différentes stations (arrêts) qui composent la Fête des Vignerons. Si les Conseillers choisissent encore les textes et les chants interprétés, un maître à danser, le genevois David Constantin, coordonne les chorégraphies et un compositeur, David Glady, un strasbourgeois et veveysan d’adoption, arrange les partitions pour les différents corps de musique mais n'écrit aucune partition originale. L’ordre de la parade est quant à lui l’oeuvre d’un conseiller : Jean-Philippe Walter, marchand drapier et surtout lieutenant-colonel de l’artillerie fédérale. Les costumes sont ceux de l’époque. Ils sont agrémentés de rubans, d’emblèmes vignerons. Les divinités et leurs accompagnant(e)s sont les seuls à revêtir des costumes de théâtre et des couleurs aux diverses saisons pour créer une unité d’ensemble.

8siem7iedem.s3.amazonaws.com/u... Cortège de la Fête des Vignerons de 1819. Extrait du livret de la Fête des Vignerons de 1819 © Confrérie des Vignerons

1833 : Les costumes

La troisième Fête des Vignerons ressemble beaucoup à la seconde, sans grands changements dans les contenus et les chorégraphies (David Constantin reprend du service). Pour la première fois, Samuel Glady, le fils de David, compose plusieurs partitions originales. Mais la principale révolution est celle des costumes. Un peintre est chargé de la conception des costumes et des décors. Le paysage et peintre veveysan (d’origine allemande), Christian Gottlieb, dit Théophile Steinlen (grand-père de Théophile Alexandre Steinlen) dote le cortège d’une unité vestimentaire. Les couleurs, les accessoires, rien n’est laissé au hasard même si la confection de ces derniers reste encore en partie assurée par les figurants eux-même !

8siem7iedem.s3.amazonaws.com/u... Les costumes dessinés par Théophile Steinlen. Extrait du dépliant de la Fête des Vignerons de 1833 © Confrérie des Vignerons

1851 : Une partition originale

Alors que la Fête prend en ampleur et qu’elle attire toujours plus de monde à Vevey, elle est pour la première fois dotée d’une partition originale complète. Pour l’interpréter, une harmonie et des chœurs sont créés et engagés. Le compositeur genevois François Gabriel Grast en est l’auteur et dirige avec ses assistants les quelques 800 choristes qui l’interprètent. La Fête n’est plus une simple parade mais un spectacle qui prend des airs d’opéra. La conception de la Fête des Vignerons prend une tournure toujours plus artistique ! Un poète, Jules Mülhauser coordonne l’écriture du livret (qui reste une oeuvre collective) alors que Pierre Lacaze réalise les costumes et les décors et que les figurants sont dirigés par le maître à danser genevois, Benjamin Archinard.

8siem7iedem.s3.amazonaws.com/u... François Grast © Confrérie des Vignerons

1865 : On prend les mêmes et on recommence

Peu de changement ont à relever en 1865. Les mêmes compositeurs, auteurs, maître à danser et costumier sont engagés. Le laps de temps relativement réduit entre les deux Fêtes explique notamment la reconduite du quatuor de créateurs. Même si les costumes d’époque cèdent leurs places à de véritables costumes de théâtre, la Fête des Vignerons de 1865 est surtout celle des rebondissements financiers. Son organisation devient onéreuse et les finances de la Confrérie des Vignerons ne suffisent plus à en assurer le financement. Malgré ces problèmes pécuniaires, le succès est au rendez-vous. Les spectateurs arrivent en masse et les critiques comme celles de Théophile Gautier au sujet des danses dirigées par Benjamin Archinard

8siem7iedem.s3.amazonaws.com/u... La Fête des Vignerons de 1865. Gouache de tiers © Confrérie des Vignerons

1889 : « Lyobamania »

Même si les armaillis sont présents depuis 1819, la dernière Fête du 19e siècle est marquée par la première interprétation du Ranz des vaches en solo par le notaire bullois, Placide Currat. Il séduit la foule : «M. Currat a chanté le Ranz des vaches d’une façon merveilleuse. Il s’est avancé tranquille, la pipe aux lèvres, au bas des estrades et, dès les premières notes, tout le monde a été empoigné. […] Le liauba montait puissant, mélancolique, impersonnel, doux dans la grande enceinte; les yeux se mouillaient ; on avait ce sentiment si rare et si fugitif du beau parfait » (Gazette de Lausanne, 5 et 12 août 1889). La Fête de 1889 marque aussi la distinction grandissante entre parade et spectacle. L’architecte veveysan Ernest Burnat, déjà en charge des décors, s’occupe également de la mise en scène. Benjamin Archinard dirige les ballets pour la troisième fois depuis 1851 et le compositeur genevois Hugo de Senger, secondé par le compositeur veveysan Henri Plumhof.

8siem7iedem.s3.amazonaws.com/u... Le Ranz des vaches interprété par Placide Currat lors de la Fête des Vignerons de 1889 © Confrérie des Vignerons

1905 : La première création originale

En 1903, trois vaudois, les Morgiens René et Jean Morax et l’Aiglon Gustave Doret, sont engagés pour créer de toute pièce le texte, les décors et la musique. Ils dotent le spectacle d’une oeuvre textuelle, musicale et picturale résolument romande, dont la haute qualité n’est pas à remettre en question. Si le livret et les partitions s’écartent de l’avant-gardisme du début du 20e siècle, le succès est au rendez-vous.

8siem7iedem.s3.amazonaws.com/u... René Morax, Jean Morax et Gustave Doret © Confrérie des Vignerons

1927 : Sans risque

Suite au succès retentissant de la précédente édition, les trois créateurs vaudois sont à nouveau approchés. Gustave Doret reprend l’aventure mais les frères Morax déclinent. La crise que traverse la viticulture vaudoise à cette époque poussent les créateurs à revenir aux heures de gloire de cette dernière et à placer la Fête dans un décor et des costumes du 18e siècle. Le chroniqueur et romancier genevois Pierre Girard rédige le livret et le peintre Ernest Biéler, déjà présent pour assister Jean Morax en 1905, élabore costumes et décors. Son oeuvre restera célèbre et ses tableaux s’arrachent encore aujourd’hui.

8siem7iedem.s3.amazonaws.com/u... Ernest Biéler au moment de la construction de l'arène de 1927 © Confrérie des Vignerons

1955 : La Fête des Vignerons à l’internationale !

Après-Guerre, la mode est aux vacances, aux films hollywoodiens et une question se pose : faut-il encore organiser une Fête des Vignerons ? L’enjeu est critique puisqu’il faut y intéresser non seulement les Romands mais également les étrangers pour s’assurer de son succès. La Confrérie des Vignerons engage alors deux Veveysans, deux Français et un Zurichois pour créer et mettre en scène la Fête. Vaudois, le compositeur Carlo Hemmerling et le poète Géo H. Blanc garantissent l’authenticité de la manifestation. Le Parisien Maurice Lehmann, administrateur de la RTNL, est chargé de la direction artistique. Grâce à lui, les pas légers des danseurs étoiles de l’Opéra de Paris et les sabots des chevaux de la Garde Nationale française foulent la Grande Place veveysanne. Les costumes sont ceux du décorateur et costumier français Henry-Raymond Fost qui leur donne un faste tout hollywoodien. La mise en scène, confiée au Zurichois Oskar Eberlé, n’a rien à envier aux péplums.

8siem7iedem.s3.amazonaws.com/u... Une séance de dédicace en 1955 © Confrérie des Vignerons

1977 : Une mise en scène en péril

Alors que le compositeur Jean Balissat est désigné en 1972 et que le poète montreusien, Henri Debluë est choisi en 1973, la création de la 10e Fête des Vignerons est marquée les démissions de deux metteurs en scène successifs. En janvier 1974, le Français Marcel Maréchal est engagé mais renoncera à son poste moins de deux mois après. L’affaire sera relayée par la presse et posera de nombreux problème d’organisation. En juin, c’est l’Italien Bruno Nofri qui est désigné à suite en juin en même temps que l’artiste chaux-de-fonnier Jean Monod (André Albert Jeanmonod) qui se chargera de la création des décors et des costumes. En mars 1976, suite à de nombreux différents, Nofri démissionne. C’est finalement le metteur en scène vaudois Charles Apothéloz qui le remplace. Pour certains, le metteur en scène de la « Fête des Vignerons de la Côte » n’avait pas sa place à Vevey mais pour d'autres, il aura sauvé cette 10e édition et réussi un véritable coup de maître avec Balissat, Debluë et Monod.

8siem7iedem.s3.amazonaws.com/u... Charles Apothéloz tenant le script de la Fête des Vignerons de 1977. Charles Guignard © Confrérie des Vignerons

1999 : Mémoire vivante...

Les préparatifs de la dernière Fête des Vignerons du 20e siècle commencent en mai 1991 lorsqu’une commission préparatoire est nommée. La Confrérie des Vignerons est prudente. La rude organisation de 1977 est encore dans les mémoires. Le metteur en scène genevois François Rochaix est d'abord engagé comme conseiller artistique en 1992 et finalement comme Concepteur en 1993. Les autres suivent en 1994 : l'auteur, François Debluë (le neveu d'Henri) ; les compositeurs Jean-François Bovard, Michel Hostettler et Jost Meier ; le scénographe Jean-Claude Maret, du chorégraphe Serge Campardon (assisté par la danseuse Florence Faure qui joue Palès) et la costumière Catherine Zuber... la première femme a être engagée parmi les créateurs de la Fête des Vignerons. Alors que la musique des trois compositeurs détonne et qu'elle n'est pas du goût de tous, le savant mélange opéré par François Rochaix et son équipe artistique séduisent le public... même si le spectacle a parfois été jugé un peu trop intellectuel par certains ?

8siem7iedem.s3.amazonaws.com/u... François Debluë, auteur de la Fête des Vignerons de 1999. Groupement des photographes veveysans © Confrérie des Vignerons

Et en 2019 ? Rendez-vous sur le site de la Fête des Vignerons 2019 pour les découvrir.

Vous devez être connecté/-e pour ajouter un commentaire
Pas de commentaire pour l'instant!
Guillaume Favrod
60 contributions
28 novembre 2019
251 vues
1 like
0 favori
0 commentaire
2 galeries