Repérage
Au temps du remuage

Au temps du remuage

Collection Isabelle Clivaz Savioz
Michel Savioz

« In rota po Chirro » En route pour Sierre.

Joseph Epiney (1894-1949), papa d'Armand, conduit le mulet à la sortie de l'ancien tunnel des Pontis, en direction de Sierre.

Sur le char, Marie (Marionnette) Florey (1883-1971) avec sa petite Gertrude (1925-2018). Son mari Antoine Florey (1884-1972) suit le convoi...

À lire: Le Val d'Anniviers, par E d o u a r d D E S O R,

Les Anniviards, un peuple de nomades.

Ces déplacements fréquents ont fini à leur tour par développer chez les Anniviards le goût d'une existence un peu nomade, qui pour être incompatible avec le confort, n'en a pas moins ses charmes particuliers. Ils n'apprécieraient que très médiocrement les avantages d'un genre de vie plus commode, mais aussi plus monotone, comme celui de la plupart de nos paysans de la plaine. L'habitude de changer constamment de demeure est tellement générale au val d'Anniviers, que quelques érudits ont voulu y découvrir une preuve de l'origine tartare de ses habitants, un reste de disposition nomade, au lieu d'y voir tout simplement la conséquence de circonstances locales.

Au rythme des saisons

Disons d'abord comment l'année se partage pour les Anniviards. Les premiers travaux du printemps sont consacrés à la vigne. Les neiges ont à peine quitté les coteaux de Sierre au mois de février et de mars, qu'ils descendent à la plaine pour y tailler et fossoyer, et comme il n'est que fort peu de familles qui ne possèdent quelques petits morceaux de vigne, toute la population descend à la plaine. Il ne reste au vallon que les vieillards et les infirmes. Chaque famille est accompagnée de son mulet, qui porte les provisions pour toute la durée de la campagne, car il serait contre la bonne règle de dépenser un sou pour des approvisionnements dans la plaine.

Le labour des vignes terminé, on passe à celui des champs que l'on ensemence ensuite. En attendant, la neige a eu le temps de fondre aussi dans la partie inférieure de la vallée. On remonte alors avec sa pioche pour commencer le labour autour des hameaux. Ce doit être un travail bien rude, à cause de la roideur des pentes. J'ai vu quantité de champs dont l'inclinaison me parut presque effrayante. Ils n'en étaient pas moins garnis de fort beau seigle, mais je doute que nulle part ailleurs qu'au val d'Anniviers on trouvât des moissonneurs pour de pareils champs, surtout lorsque, au lieu de se terminer par une contre-pente, ils s'en vont aboutir aux affreux précipices de la Navisance.

Le mois de juin arrive sur ces entrefaites. La neige a maintenant disparu jusqu'au pied du glacier. C'est le moment de se rendre dans partie supérieure de la vallée pour y faire pâturer dans les endroits précoces et bien exposés, mais que les éboulis empêchent de convertir en prés. Peu à peu on s'élève avec le bétail, à mesure que le soleil d'été fait pousser l'herbe sur les flancs des montagnes. Vers la Saint-Jean, les travaux se multiplient ; il faut se partager la besogne : les hommes montent avec les troupeaux aux alpages supérieurs.

Ils ne tardent pas d'y recevoir la visite de M. le curé, qui s'en va de pâturage en pâturage bénir les troupeaux pour les préserver contre les atteintes des esprits malins. En retour, il reçoit le lait de la journée, dont on fait un fromage à part. M. le curé de Vissoye se préparait à faire sa tournée lorsque j'eus le plaisir de recevoir l'hospitalité chez lui. De leur côté, les femmes redescendent à la plaine vers la même époque pour y faire la fenaison. Comme dans toutes les autres vallées françaises du Valais, les hommes ont seuls le privilège de garder les troupeaux ; les femmes n'y sont pas admises, probablement par suite de la même superstition qui les exclut aussi chez nous de certaines fruitières ; ce n'est que dans les vallées de langue allemande qu'elles participent à cet honneur. Une fois établis dans les pâturages supérieurs, les pâtres ne descendent dans la vallée que de loin en loin et à tour de rôle, pour entendre la messe. Ils s'en retournent le jour même, le chapeau couronné de fleurs que leur ont cueillies leurs compagnes actuelles ou futures. Il faut être pâtre ou amoureux, ou l'un et l'autre, pour faire un pareil voyage en manière de récréation.

La fenaison terminée, les femmes descendent de nouveau à la plaine pour la récolte des céréales, qu'elles transportent à dos de mulet dans les villages. Vient ensuite la fenaison de la vallée même, qui les occupe le reste de la belle saison, commençant par le bas et remontant d'étape en étape, jusqu'au glacier. Et comme chaque famille possède des prés dans ces diverses régions de la vallée, il en résulte que la majorité de la population féminine se trouve successivement réunie à ces différentes stations.

J'aurais bien désiré savoir de mon compagnon de voyage comment on s'y prend au val d'Anniviers pour maintenir la bonne entente dans cette colonie ambulante ; mais il ne put m'édifier sur ce point.

On arrive ainsi au mois de septembre. Vers la fin de ce mois, les pâtres quittent les pâturages supérieurs pour se rapprocher des mayens. Le fromage, produit de l'été, est partagé entre les différents propriétaires, à raison du nombre de leurs vaches.

Édition 1855, Imprimerie de Henri Wolfrath Val_dAnniviers_1855.pdf

Ici, départ de St Jean pour Sierre. Daniel et Cécile Massy avec les enfants Pierre-Marie et Christiane Massy et le mulet Lina. Collection Gertrude Massy. Février 1956

Anniviers, par Hildebrand Schiner
DESCRIPTION DU DEPARTEMENT DU SIMPLONHildebrand Schiner (1754-1819)En 1812, Hildebrand Schiner p...

Ci-dessous dans les années 1950-1960. Je pense en dessous de St-Luc. Photographie Luc Buscarlet, collection Jean-Pierre Genoud.

Dans les années 1920-1930, au bas des virages de Niouc, photographie C. Krebser, collection Jean-Pierre Genoud.

La Maison du Remuage, « maison du souvenir » est habitée par la passion d'un homme, Régis Crettaz. Cette bâtisse, située à Sierre, servait autrefois d'habitation de plaine à des familles anniviardes. Construite en 1726, elle était alors constituée d'une cave et d'une pièce à l'étage. En 1837, le bâtiment s'agrandit d'un étage.

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Michel Savioz
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16 mai 2018
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