Mystères et Bacchantes

17 octobre 2018
Fêtes des Vignerons, Vevey
Guillaume Favrod

Cet article aurait pu traiter des barbes et des hallebardes des Cent Suisses mais les membres de la plateforme leur ont préféré les Bacchantes. Qui donc sont ces femmes mystérieuses qui accompagnent le dieu de la vigne et du vin, Bacchus, lors des Fêtes des Vignerons ?

8siem7iedem.s3.amazonaws.com/u... Une bacchante de la Fête des Vignerons de 1977. Campiche Gygax © Confrérie des Vignerons

Dans la mythologie, Bacchus (ou Dionysos) n'est pas seulement le dieu de la vigne et du vin mais aussi celui des excès, de la fureur et de la démesure. Sur les représentations et dans les descriptions, il est régulièrement accompagné de Ménades (en Grèce) ou de Bacchantes (à Rome). Ces dernières sont des femmes qui célèbrent ses Mystères, des cultes secrets, aussi connus sous le nom de Bacchanales. Ces célébrations comportaient à l'origine un caractère orgiaque, voire sexuel, auquel de nombreux Romains s’opposeront, stigmatisant et condamnant les adeptes de ce culte. Les Bacchantes héritèrent ainsi d’une réputation bien sulfureuse et le terme, tout au long du Moyen Age et même encore de nos jours, conserva un caractère négatif, oblitérant souvent le caractère primitif de ces réunions religieuses.

8siem7iedem.s3.amazonaws.com/u... Les Vendanges-Bacchantes et Bacchus-Dionysos de la Fête des Vignerons de 1999. Groupement des photographes veveysans © Confrérie des Vignerons

Mais qu’en est-il lors des Fêtes des Vignerons ? Les Bacchantes sont l’un des rôles, avec les faunes, Silènes et d’autres encore, qui composent la troupe de Bacchus. A Rome comme à Vevey, les Bacchantes sont victimes d'une certaine forme de censure. Avant 1905, sous la pression et les critiques piétistes, le rôle ne sera jamais attribué à des jeunes femmes mais toujours à des hommes travestis. René Morax lui-même critiquera cette censure dans sa pièce Le Choix d’une déesse, une comédie sur la première Fête des Vignerons et le choix de la figurante qui incarnera Palès. Ainsi, il faudra attendre près deux siècles après l’apparition de Bacchus et de sa troupe dans les Parades de la Confrérie des Vignerons en 1730 pour que des femmes incarnent enfin les Bacchantes lors de la Fête des Vignerons de 1905. C’était le dernier rôle féminin qui étaient encore joué par des hommes.

8siem7iedem.s3.amazonaws.com/u... La Bacchanale de la Fête des Vignerons de 1865 où ne figurent que des hommes © Confrérie des Vignerons

Au 20e siècle, la situation est bien différente. En 1999, les Vendangeuses-bacchantes mais aussi les Ménades sont présentes et encadrent la divinité automnale. Naturellement, il n’était pas question de représenter une orgie sulfureuse pendant le spectacle. Néanmoins, la plupart des mises en scène des Fêtes des Vignerons intègrent une Bacchanale dans leur déroulement et les chorégraphies, notamment en 1977, rappellent le caractère furieux et les excès de l’ivresse que symbolisent Bacchus et son précepteur Silène. Mais ces Bacchanales figurent une toute autre symbolique ! Dans un compte rendu des trois jours de représentations de 1865, publié sous le titre de Souvenir de la Fête des Vignerons, on peut lire au sujet de la Bacchanale de cette édition :

[O]n ne saurait l’oublier, elle se grave dans le souvenir, elle s’y présente avec une persistance que relève toujours un incident nouveau, un caractère, une expression, un rien qui devient un monde et que l’on n’a pas remarqué la première fois : elle initie le spectateur à une partie des mystères antiques, elle justifie les anciens, s’ils avaient besoin de l’être, du culte qu’ils rendaient à l’une de leurs plus belles créations poétiques : un dieu qui a horreur du sang des hommes, qui donne l’exemple de la fidélité, qui ne condamne point l’humanité à la mortification, aux privations, qui ne lui prêche point la résignation à la servitude, mais qui l’élève à la dignité, à l’aisance et lui enseigne la frugalité, la sobriété.

8siem7iedem.s3.amazonaws.com/u... La Bacchanale de la Fête des Vignerons de 1955 © Confrérie des Vignerons

Car après tout, c’est ici que réside toute la symbolique des Bacchantes et de Bacchus. Des rôles joviaux et une danse festive, symboles à la fois des excès mais plus simplement de la vie et de la joie que procure le vin et la vigne. D’ailleurs les différentes Bacchanales représentées lors des Fêtes des Vignerons conserveront toujours ce caractère jovial et bon-vivant ! Cette danse est une invocation du dieu Bacchus, qui vient ponctuer les durs labeurs de l’été et des vendanges, afin d'annoncer une période de « Fête » avant le repos de l’hiver. Les Bacchantes n'en sont que les émissaires et les invocatrices, un rôle qu'elles jouaient déjà dans l'antiquité lorsqu'elles chantaient et criaient pendant les Bacchanales le terme Évohé (du latin verbe latin ovo qui signe "triompher" et donna le terme "ovation") pour invoquer le triomphe de Bacchus.

Couverture : Les Bacchantes, chromolithographie d'Ernest Biéler, 1905 © Confrérie des Vignerons.

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Guillaume Favrod
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28 novembre 2019
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