Lettre d'Erasme Zufferey à Jean-Emile Tamini

Lettre d'Erasme Zufferey à Jean-Emile Tamini

27 mars 1919
Erasme Zufferey, transcription Alain Zuber
Pierre-Marie Epiney

Originaire de Vercorin, M. Alain Zuber nous écrit de Paris pour proposer cette lettre écrite par l'abbé Erasme Zufferey en réponse à son homologue Jean-EmileTamini qui lui avait posé quelques questions sur diverses chapelles d'Anniviers.

Je le cite : "Vous remarquerez à la fin de cette lettre, le ton sarcastique de Zufferey qui à son tour interroge Tamini pour savoir « par quel tour de passe-passe » il fait reculer l'histoire d'Anniviers de façon à y faire entrer les de Granges ?"

Nb:

  • La transcription de la lettre est due à M. Alain Zuber.
  • Le destinataire de cette lettre est l'abbé Jean-Emile Tamini (1872-1942) . Selon ce site, "Il se consacra tôt à l'histoire, surtout à celle du Moyen Age, et collabora au Dictionnaire historique et biographique de la Suisse. Son œuvre foisonnante compte surtout des monographies locales, des biographies (Anne Joseph de Rivaz) et un Nouvel essai de Vallesia christiana (1940)."
  • Cette lettre est déposée aux archives de l'Etat à Sion.
  • C'est une réelle émotion de découvrir l'écriture manuscrite de l'abbé Erasme Zufferey !
  • Ce document fait écho à celui cité en fin de transcription.

Pour accéder à la page 2 de la lettre, cliquez sur ce lien.

Transcription de la lettre

Vissoye, le 27 mars 1919

Monsieur le révérend curé,

Voici ce que je puis répondre à votre demande d'informations.

La chapelle de Mission porte la date de 1731 avec cette mention : Refaturé L N 1839, car en 1838 tout le village de Mission fut brûlé et la chapelle sans doute considérablement endommagée. La chapelle d’Ayer porte la date de 1753. Les gens montrent à une centaine de mètres plus haut, des creux où l'on aurait préparé la chaux pour sa bâtisse.

Impossible d'en savoir davantage, ni s'il existait des chapelles antérieures.

Quant à l'église de Vissoie qui dessert aussi Ayer et dont vous voulez parler sans doute dans votre carte, je n'ai jamais entendu dire qu'elle fut brûlée, et personne n'en sait rien non plus, à moins qu'il faille entendre par là, l'incendie du clocher arrivé en 1784.

En effet une inscription faite dans les pages blanches d'un vieux livre de la bibliothèque du vicariat dit que le 15 octobre 1784, le clocher a été brûlé et cinq cloches fondues. La flèche était couverte en fer-blanc. D'après deux autres inscriptions semblables, c'est dans les années 1777-78 qu’on a couvert le clocher en fer-blanc, et on a pris pour payer les frais, 220 livres de l'autel du rosaire. Après l'incendie de 1784, on a sans doute construit la flèche en tuf dans sa forme actuelle, car lors de la réfection de l'église, on n'a point dérangé le clocher.

Les registres des baptêmes de Vissoie portent la notice suivante pour l'année 1807 (non pas 1805 comme vous dites) [… Texte en latin…] (Écriture d’Etienne Gillet, curé).

L'église démolie n'avait jamais été jugée digne d'être consacrée et on en réclamait la réfection depuis 80 ans : cela suppose une existence d'environ un siècle. Nous arrivons ainsi près de l'année 1700, époque où fut construite la chapelle du château, et le curé Egides Massy, décédé les premières années du XVIIIe siècle a peut-être été l'auteur de tous ces travaux, ainsi que de la chapelle, un peu plus ancienne, de Saint-Jean et les premiers fonds du vicariat. Je n'ai jamais trouvé, non plus, d'écrits précis sur la transformation du château d'Anniviers en chapelle de N. D. de Compassion. Les archives se taisent. Elles parlent toujours d'une église de Sainte Euphémie, d'une chapelle de Saint-Jacques, de St Jean-Baptiste, mais jamais de leur construction.

D'après les mêmes registres des baptêmes, le 2 mai 1808, le curé Gillet lui-même comme délégué de l'évêque, a béni les fondements et posé la première pierre de la future église, le 16 juillet, il posait la dernière pierre de la voûte majeure, à l'entrée du chœur, et à la fin du mois d'août on commençait le toit. Le 4 septembre 1909, Mgr Xavier de Preux, accompagné des chanoines Aloys Amherd* et Augustin Zenruffinen et d'un grand nombre de prêtres et de dignitaires, consacrait solennellement la nouvelle église.

En 1846 on avait célébré une belle fête de la Saint-Maurice, réhaussée par un fort bon sermon donné par le néo-prêtre Jean-Baptiste Zufferey, frère de mon père. Malheureusement, pendant la nuit, des étincelles échappées de l'encensoir causèrent l'incendie complet du maître-autel. Vous aurez bien la bonté de m'adresser une copie de l'article que vous envoyez pour le dictionnaire.

Je tiens surtout à savoir comment vous faites pour reculer l'histoire d'Anniviers et y faire venir les de Granges**.

Salut respectueux.

E. Z.

*Aloys Amherd, recteur de la confrérie du Saint-Sacrement, est connu pour avoir exhorté les fidèles à s'abstenir d'amener leurs chiens à l'église ! Sion 1811 AEV, Otto et André de Chastonay, 127

** les "de Granges" sont une famille noble dont l'origine est de Granges (VS). Citons Boson de Granges qui deviendra évêque de Sion de 1237 à 1243. [source]

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  • Paul-André Florey

    Quel plaisir de pouvoir découvrir l'écriture de l'abbé Erasme Zufferey, notre éminent historien du val d'Anniviers. Merci Pierre-Marie de nous faire profiter de ce document historique.

  • Nicolas Perruchoud

    Document magnifique ! Il réserve une surprise. Erasme Zufferey signale que la consécration de la nouvelle église a été faite le 4 septembre 1909, par les soins de l'évêque Xavier de Preux. Comment envisager une consécration si tardive ? De plus, le prélat mentionné a présidé au destin du diocèse de 1807 à 1817. Distraction d'un érudit de haut vol !

Pierre-Marie Epiney
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21 avril 2020
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