Le revenant invisible
Vissoie
Rencontre avec Joseph Savioz, le sherpa du Grand Mountet
Le revenant invisible
Tous les huit ans, la « Fête cantonale des guides » est organisée par les guides d’Anniviers. En 1980, cette célébration a eu lieu du 21 au 22 juin à Zinal. En prélude à cet événement, l’Union internationale des associations de guides de montagne s'est réunie au Flathôtel de la station anniviarde. Le programme incluait également une démonstration de techniques alpines au Belvédère, un site de paroi rocheuse verticale situé en face de Zinal sur la Navizence, effectuée par les guides chevronnés Daniel Ruppen et Serge Lambert.
Des guides engagés
Comme c’est le cas dans toutes organisations, chaque guide doit prendre part à une commission : accueil, cortège, cantine, invités, démonstrations, animation, etc.
Un guide illustre et chaleureux
Deux mois plus tôt, je rencontrais à Vissoie, Joseph Savioz, (1928-2012), guide, gardien d’été à la cabane du Grand Mountet, directeur de l’Ecole suisse de ski à St-Luc et sculpteur sur bois à ses heures. L’homme avait fait plus de 100 fois le Rothorn de Zinal. Par le passé il avait roulé sa bosse dans l’hôtellerie et parlait plusieurs langues. Un être chaleureux aux talents multiples : « On a réunion ce soir. Viens avec nous ! ».
Dans le carnotzet de Joseph
C’est ainsi que je me suis retrouvé dans le carnotzet de Joseph à Vissoie en compagnie de deux autres guides : Guy Genoud (1942-2022) de Vissoie et Serge Lambert de Vercorin (l'époux de l’artiste dentelière Catherine Lambert). Je profitais pour charrier Guy qui avait le même nom et prénom que le conseiller d’Etat valaisan Guy Genoud, le salaire en moins !
Ces trois guides étaient précis, méticuleux, soignaient chaque détail, échangeaient des idées, des suggestions. Ils étaient aussi parfaits et compétents que les trois hommes du Grütli.
En partageant le verre de l’amitié, Joseph Savioz me posa abruptement cette question : "Crois-tu aux revenants ?" Je répondis que chaque grand-père raconte des histoires de revenants à ses petits-enfants ! "Eh bien, me fit-il, voici ce qui m’est arrivé à la cabane du Grand Mountet alors que j’étais gardien"
Une histoire (authentique) de revenant
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La saison d’été touchait à sa fin et les jours raccourciraient. Les clients étaient de plus en plus rares. Je devais néanmoins assurer le gardiennage. Un soir, alors que j’étais seul, j’entreprenais divers travaux domestiques. Puis, vers 22h00 j’allais me coucher. Vers minuit on frappa à la porte de la cabane. Je me réveillais en sursaut et criait : « Entrez, c’est ouvert ! ». Il faut savoir qu’en haute montagne les cabanes et les refuges sont toujours ouverts. Personne n’entra ! Alors je descendis précipitamment du dortoir et ouvrit la porte. Rien ! J’appelai. Personne ne répondit. Je retournai me coucher.
Vers 3h00 du matin, même scénario. On frappe à la porte. Je me lève, j’ouvre : personne ! Je remarque néanmoins que le temps s’est gâté et qu’il neigeotte. Je retrouvai difficilement le sommeil et me levai tôt le matin. En ouvrant la porte de la cabane, je découvris avec stupeur dans la neige un chapelet de pas humains qui entouraient la cabane. Mais il n’y avait ni début, ni fin de traces. Comme si une personne avait été déposée là et s’était ensuite envolée. Ce fait m’a beaucoup troublé. J’en ai même parlé à des médecins, à des prêtres et à des psychologues car je suis loin d’être un mystique. J’ai simplement rapporté ce fait qui pour moi demeure un mystère total.
Clin d'oeil à Tintin
En pensant au témoignage de Joseph Savioz, je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec l’album d’Hergé Tintin au Tibet, publié par les éditions Casterman en 1960. Hergé, de son vrai nom Georges Rémi (1907-1983), a séjourné à maintes reprises aux Marécottes (à l’Hôtel Mille Etoiles pour être précis) et a pris part aux vendanges à Plan-Cerisier sur la commune de Martigny-Combe. On sait qu’aux Marécottes il a réalisé des croquis de montagnes pour son album en cours de dessin. N’aurait-il pas rencontré Joseph Savioz lors d’une visite à la Foire du Valais ? Voilà un autre mystère !
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Le carnotzet de papa notrehistoire.ch/entries/N9Yda...
Les trois guides n'en étaient pas à leur coup d'essai. En effet, le Journal de Sierre du 24 décembre 1970 rapporte une première hivernale remarquable dans le val d’Anniviers:
« Le lundi 21 décembre 1970, au premier jour de l'hiver, les guides Guy Genoud, Serge Lambert et Joseph Savioz ont réussi l'ascension de la face sud de la Pointe de Mourti, dans le val d’Anniviers. Cette ascension, de quatrième et cinquième degré, présente des parois verticales de plus de 100 mètres. L'escalade s'est déroulée dans d'excellentes conditions et les guides sont retournés dans la vallée le soir même. C'était la première fois que cette imposante face était escaladée en hiver. » Il est question ici de la Pointe de Mourti orientale, qui atteint 3563 mètres d'altitude et est notamment accessible depuis le glacier de Moiry. La Pointe de Mourti occidentale culmine, quant à elle, à 3529 mètres.
La presse ne précise pas si, une fois au sommet, les guides ont pu apercevoir le Père Noël arrivant sur son traîneau tiré par des rennes.
Exactement, papa avait gardé l'article...