Granges autrefois-aujourd'hui
Granges autrefois-aujourd'hui
Passé, présent
Granges, un abbé génial, des canaux et des doryphores
En 1939, année où le Dr. Léo Wehrli de Zurich a pris la photo en noir et blanc, le territoire à l'est du Bourg de Granges se composait principalement de prairies, de jardins, de cultures de pommes de terre, de maïs, de légumes, ainsi que de quelques rares arbres fruitiers.
Un abbé providentiel
Les habitants de Granges doivent la création de ces terrains herbeux, destinés au fourrage du bétail, à un prêtre. En effet, en 1800, l’abbé français Jacques Terrasse, sulpicien (selon Wikipedia : Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice fondée à Paris par Jean-Jacques Olier de Verneuil), est nommé curé de Granges. L’homme d’église constate immédiatement le désarroi de la population entourée de marécages infestés de moustiques favorisant le paludisme.
Il rassembla les hommes les plus robustes, affirmant que « Dieu leur viendrait en aide », et leur expliqua qu’en construisant des canaux de drainage, il serait possible d’assainir la plaine. (Note : voici quelques noms : Canal de la Rèche, Canal Neuf, Canal des Lavoirs, Canal de Chippis, etc). Ainsi, ces terres riches en sédiments fertiles laissés par le Rhône lors de ses crues devinrent très prospères. Voilà pour l’histoire !
Arriva le doryphore
En 1939, le Valais fut frappé par le doryphore, un parasite attaquant principalement la pomme de terre. Le conseil communal obligea les cultivateurs, en l’absence de produits insecticides efficaces, à ramasser manuellement les larves et les insectes adultes.
Plantons la vigne, la voilà la jolie vigne
C’est à cette époque que se manifeste une expansion effrénée du vignoble. On défriche et rase les sommets de toutes les collines dont les flancs sont bien exposés au soleil. La photographie du Dr. Wehrli illustre ces taches blanches destinées à accueillir chasselas, petite-arvine, humagne, pinot noir et gamay.
Arriva la fusion
Au fil des années, 1972 constitue un tournant important avec la fusion des communes de Granges et Sierre. Dès lors, le petit bourg situé à 10 km de Sion et à 8 km de Sierre devient une cité-dortoir, un cadre idéal pour l’habitat selon les promoteurs, qui affirment : « À la campagne, mais proche des villes ». De 800 ménages en 1972, la population a aujourd’hui dépassé les 2000. Dès lors, un urbanisme galopant s’étend constamment vers l’Est, le long de la Route du Robinson, nommée ainsi non pas en référence à Robinson Crusoé, mais au patronyme d’une famille neuchâteloise propriétaire d’une ferme devenue aujourd’hui le Camping Robinson.
Passé-Présent
Granges, la prairie dite « Rière château » a été assainie par le curé Jacques Terrasse et ses paroissiens. Photo Dr. Léo Wehrli, Zurich
La photo prise le 19 mars 2025 au même endroit: Les habitations se multiplient. arbellay
Collection privée.
La comparaison des deux images est parlante. Pour le doryphore, le ramassage manuel m'a particulièrement interpellé. A ce propos, voici ce que l'on peut apprendre dans le Bulletin de la Société vaudoise des sciences naturelles, n°59, cahier 239, 1936-1937 sous la plume de H. Faes:
"(extrait) Concernant les mesures de destruction, sitôt les premiers insectes ou larves découverts, on procède au ramassage complet des parasites; puis on brûle les fanes, arrosées de pétrole ou de benzine, sur le champ. Le terrain est désinfecté par une injection de sulfure de carbone (120 gr. au m2), puis arrosé de benzol (5 litres au m2). En même temps que ces opérations s'effectuent, les cultures de pommes de terre sises autour des taches doryphoriques reçoivent des pulvérisations arsenicales, à raison de 1000 litres à l'hectare. La largeur de la zone de protection ainsi traitée dépend de l'importance du foyer. Quelques lignes de pommes de terre sont ensuite replantées, comme plantes-pièges, sur les surfaces détruites; si l'insecte réapparaît,les mêmes traitements sont appliqués à nouveau."
Voir "LES PROGRÈS DE L'INVASION DORYPHORIQUE" doi.org/10.5169/seals-272459
En lisant ce traitement de choc, on constate que la pollution des sols était le dernier des soucis. Je ne suis pas parvenue à savoir avec précision quand on a pu disposer d'insecticides fiable dans la lutte contre ce nuisible. Je me demande si la Suisse disposait déjà d'une solution contre l'essor du doryphore lorsque le Plan Wahlen a été imaginé.
Complément très utile ! Merci Valérie.
5 l de bensol au mètre carré et 120 g de sulfure de carbone, le tout agrémenté de pulvérisations arsenicales, à raison de 1000 litres à l'hectare : que restait-il du sol après une telle "thérapie de choc" ?
Alors que nous habitions hors du village de Rechy, enfants, nous suivions avec attention les divers traitements infligés aux jardins voisins infestés. Aucune conscience de la toxicité de ces opérations!
"L'urbanisme galopant" dont parle Charly Arbellay à propos de Granges se vérifie aussi pour Réchy en pleine explosion immobilière. L'augmentation démographique de la commune de Chalais est spectaculaire : 1100 habitants en 1900, 1800 en 1940, près de 4000 en 2025. Les conséquences sont multiples : envolée du prix des terrains à construire, infrastructures à adapter aux nouveaux besoins. Et surtout transformation de villages où existaient de nombreuses formes de vie associatives en localités dortoirs anonymes. Une révolution est en cours dans un pays qui se densifie à un rythme accéléré sans pour autant s'embellir.