Evocation du curé Francey

novembre, 2020
Pierre-Marie Epiney

Dans cette capsule vidéo, Urbain Kittel (*1931) évoque l'abbé Joseph Francey (1875-1964) qui fut curé de Vissoie durant plus de 60 ans. S'il lui reconnaît un côté "aristocrate" et le respect inconditionnel de ses convictions, il a un souvenir plus mitigé par rapport à sa rigueur, tout particulièrement sa sévérité à l'égard des veuves.

"Hors de l'église, point de salut!" mise à l'honneur par Cyprien de Carthage : telle pouvait être une des devises de l'abbé Francey. Le jansénisme de ses idées a plutôt écarté le jeune Urbain de l'église. Ayant dû servir la messe contre sa volonté, il en garde un souvenir pénible de même que les punitions données par le prêtre pour mater les esprits rebelles.

Voici ce que Bernard Crettaz dit dans son essai : "Le curé, le promoteur, la vache, la femme et le président" paru en 2008 aux Editions Porte-plumes (en page 49) :

Pour maîtriser à la fois la bonne tradition et la bonne modernisation, le curé devine – et la loi cantonale l’y autorise – qu’il doit s’approprier la formation scolaire. Le vrai chef de l’école, ce sera lui : il présidera la commission scolaire, donnera le cours de religion, dictera la présence des régents et des élèves à l’église. C’est encore le curé qui envoie les écoliers en punition à l’église s’ils ont osé jouer durant l’heure du chapelet communautaire.

et en page 65 :

Le Kittel nouveau, après Zurich, après Bergamo, était revenu au pays en faisant profession d’incroyance religieuse. Une bombe ! Même si les Anniviards commençaient à décrocher de la religion traditionnelle et à se « protestantiser », ils s’affirmaient encore tous croyants. Il y aurait donc pu y avoir une affaire religieuse Kittel. Il n’y en aura pas. Anniviers a besoin alors d’une personnalité forte, tant pis pour l’agnosticisme (qui par ailleurs arrange bien des doutes secrets). L’attitude d’Urbain Kittel n’empêche donc nullement les très catholiques responsables des partis chrétiens de la mander comme candidat politique. Et Kittel de devenir promoteur reconnu, président de commune et député au Grand Conseil.

en page 116 :

Le curé et les femmes

Dans l’affirmation de leur pouvoir sur les femmes, les hommes sont activement soutenus par le curé. Lors de conflits domestiques, le curé prend souvent leur parti, la femme étant invitée à se soumettre sans réserve dans les relations sexuelles et la succession des multiples maternités. A la femme battue, le curé conseillait de prendre de l’eau en bouche pour ne pas crier, de même qu’il enjoignait de se taire et de se soumettre lors d’injures et d’agressions conjugales…

Si le curé est également particulièrement dur avec la veuve, la situation la plus flagrante de l’inégalité est celle de la fille-mère. Dans la communauté villageoise, l’abomination retombe toujours sur la femme, bien que l’on connaisse, la plupart du temps, le géniteur (rarement dénoncé). Au début du 20e siècle, le curé de Vissoie faisait ainsi son annonce du haut de la chaire :

« Je viens remplir une tâche terrible. Vous devez vous rappeler mon sermon d’il y a deux ans… Je vous annonce que MM est enceinte et rayée de toutes les confréries dont elle faisait partie. (20 avril 1913) »

Robert Rouvinet rappelait encore cette pratique terrible :

« Quand tout le monde était rentré à l’église, les deux procureurs d’église et le sacristain prenaient cette fille dehors, un d’un côté l’autre de l’autre, et elle avec une bougie allumée, ils l’amenaient au chœur. Et tout le temps de la messe, comme il y avait la Justice avec les manteaux des deux côtés du chœur, elle était à genoux au milieu avec une bougie allumée pour expier la faute après qu’elle était relevée de l’accouchement. »

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Pierre-Marie Epiney
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28 novembre 2020
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