Elle aura fait rêver de nombreuses générations de figurantes et figurants, comme de spectatrices et spectateurs des Fêtes des Vignerons. Palès est apparue pour la première fois lors de la première Fête des Vignerons de 1797 alors que d’autres allégories et divinités comme Bacchus (1730), Cérès (1747), Noé (1778) ou encore Silène (1783) étaient déjà présentes lors des parades de la Confrérie des Vignerons au 18e siècle. En 1797, la Confrérie s’apprête à célébrer la première Fête des Vignerons et elle a complètement restructurer sa parade selon les quatre saisons. Mais il lui manque une allégorie : celle du printemps. La déesse Palès fut choisie mais non sans un certain mystère...

Palès s'apprête à entrer dans l'arène de la Fête des Vignerons de 1999. Philippe Pache © Confrérie des Vignerons

Palès : un choix

Déesse des bergers dans la mythologie greco-romaine, Palès est aussi la protectrice de l’économie rurale. D’ailleurs les poètes appellent « favoris de Palès » les cultivateurs comme les bergers et la Confrérie des Vignerons l’intégrera comme telle dans sa célébration des vignerons-tâcherons.

Les Fêtes que les Romains célébraient tous les ans en l’honneur de cette déesse se nommait les Palilies. C’était proprement la fête des bergers qui la solennisaient pour chasser les loups et les écarter de leurs troupeaux. Dès le matin de ce jour, le peuple procédait à sa purification avec différents parfums. Ensuite, on faisait un sacrifice non sanglant à la déesse; on lui offrait du lait, du vin cuit et du millet, et une festin suivait le sacrifice. (Sabine Carruzzo-Frey, Patricia Ferrari-Dupont, Du Labeur aux Honneurs : Quatre siècles d’histoire de la Confrérie des Vignerons et de ses Fêtes, p. 153).

Le char de Palès, chromolithographie, Ernest Biéler, 1905 © Confrérie des Vignerons

Un symbole de paix et de liberté ?

Mais pour d’autres Palès a une toute autre fonction. Alors que l’Europe est agitée par des troubles politiques, la Confrérie des Vignerons souhaite intégrer un tableau consacré à la "Paix" à leur nouvelle Fête de 1797. Enthousiastes, les Conseillers et leur nouvelle Abbé-Président, Louis Levade, ont ainsi prévu : « d’admettre à la Parade, une division relative à la Paix, considérant que quoi qu’elle ne soit pas analogue à l’agriculture, la Paix lui est toujours favorable » (Troisième Manual de la Confrérie des Vignerons, 3 juillet 1797).

Alors que Leurs Excellences de Berne censurent ce tableau, la Confrérie intègre la déesse Palès dans sa parade et plusieurs auteurs et spécialistes, comme Charles Apothéloz, y voient une allégorie déguisée de la Liberté, allusion aux troubles politiques de l’époque. Mais il semble bien que tout le monde n’y vit que du feu en 1797 ! Henri Debluë, le librettiste de la Fête des Vignerons de 1977 dira d’ailleurs à ce sujet que « c’est très vaudois de célébrer la liberté par un symbole que personne ne comprend » (24 Heures, édition du 30-31 juillet 1977).

La troupe de Palès, François Boçion, lithographie de Collioud (Vevey), publiée par G. Blanchoud, libraire et éditeur à Vevey, 1851 © Confrérie des Vignerons

Toute une troupe...

Quoiqu’il en soit, depuis 1797, Palès apparait lors des différentes Fêtes des Vignerons, accompagnées de sa troupe dans laquelle figurent Bergers et Bergères, une Prêtresse, des enfants de choeurs, un Autel mais aussi des Canéphores (jeunes femmes portant des présents à la déesse), des faucheurs et des faneuses, dont les rôles féminins sont souvent tenus par des hommes lorsque les milieux religieux piétistes, comme en 1833. La composition de la troupe évoluera au fil des Fêtes en y intégrant notamment des Jardiniers et Jardinières (1819) et les Armaillis (1851).

Le grand-prêtre de Palès en 1889. B. Dellmann © Confrérie des Vignerons

Palès quant à elle, est régulièrement interprétée par une jolie jeune femme brune et elle était généralement choisie parmi les jeunes filles de la Bourgeoise veveysanne, comme une grande partie des divinités.

Palès en 1889 © Confrérie des Vignerons

En 1905, l’auteur et metteur en scène de la Fête des Vignerons, René Morax, écrivait en collaboration avec plusieurs veveysans, habitués des planches et amateurs, la pièce Le Choix d’une déesse. Elle prend place au moment de la première Fête des Vignerons en 1797 et, sous forme de comédie, expliquait comment la déesse avait été choisie dans une bonne famille de la bourgeoise veveysanne, dont les membres s’opposaient à la Fête qu’ils jugeaient de « mascarade », de « fête d’ivrognes », en critiquant vivement les divinités, contraire aux bonnes moeurs chrétiennes de l’époque.

Le char de Palès en 1905. F. Boissonnas © Confrérie des Vignerons

La pièce, qui a été jouée pour la première fois le 23 février 1905 au théâtre de Vevey, soit quelques mois avant la Fête des Vignerons, est un reflet des critiques du début du 20e siècle mais permettaient aussi de mettre en avant aussi d’autres nouveautés qu’intégraient René Morax, comme le fait que tous les rôles féminins soient joués par des femmes alors que jusqu’en 1889, nombre de ces rôles étaient encore joués par des hommes déguisés, comme les Bacchantes par exemple.

Les prêtresses de Palès en 1927 © Confrérie des Vignerons

Il convient naturellement de ne pas faire de Palès une allégorie de la féminité ou de la liberté. Il ne faut pas oublier que si la Confrérie des Vignerons ajoute régulièrement des allégories ou des symboles pagano-chrétiens à sa parade, il s’agit avant tout d’agréments et d’ornements darmaturgiques, qui servent non seulement à étoffer la parade ou la Fête mais aussi à rappeler les origines de la viticulture et de l’agriculture. Après tout, la Confrérie des Vignerons place au coeur de sa célébration les vignerons-tâcherons et leur savoir-faire et il ne faut pas oublier non plus qu’en 1797, en même temps que Palès, apparait le Couronnement de ces ouvriers qui oeuvrent toute l’année au bon entretien des cultures.

Palès (Florence Faure) et les enfants-ceps de la Fête des Vignerons 1999. Philippe Pache © Confrérie des Vignerons

Couverture : Palès. Groupement des photographes veveysans © Confrérie des Vigneronsu