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Le vêtement à la mode bon pour la santé ? Le costume national anti-hygiénique ?

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Sylvie Bazzanella

Une des principales armes des ennemis du mouvement en faveur des costumes nationaux est cette assertion toujours renouvelée que les costumes nationaux sont des antiquités malcommodes et anti-hygiéniques, qui doivent laisser le champ libre aux vêtements actuels des femmes, vêtements raisonnables, sains et légers. Est-ce exact ? ou bien le présent veut-il, une fois de plus déguiser sa véritable nature et la montrer meilleure qu'elle n'est en réalité ? Cette question a été traitée dans un article du « Journal médical allemand » par le Professeur de physiologie M. Rubner, Conseiller médical.

Il étudie médicalement et scientifiquement les costumes actuels des femmes, et conclut que très souvent ceux-ci ne peuvent avoir la prétention d'être salutaires à la santé. Particulièrement dans les contrées du nord des Alpes ils sont absolument insuffisants contre le froid, l'humidité, le vent, etc... Le Professeur Rubner prouve qu'une grande partie du corps est à peine protégée avec la mode actuelle, et que les sous-vêtements manquent tout à fait ou sont à peine représentés par un semblant de vêtement.

Cette insouciance à propos des vêtements n'est pas compensée par l'endurcissement du corps; c'est pourquoi de graves maladies, des refroidissements sérieux sont à l'ordre du jour. Quantité de femmes doivent au froid de fâcheux changements dans leur santé et la diminution des corpuscules rouges dans le sang. Dans certaines contrées il a été prouvé que le chiffre de la mortalité des femmes de 20 à 26 ans s'est élevé d'une façon sensible à cause des modes insensées.

Les conclusions du Dr Rubner feront réfléchir ceux qui, pendant l'hiver cruellement froid qui vient de finir, ont jeté un seul regard sur les petites robes courtes jusqu'aux genoux, les bas de soie artificielle et les autres accessoires de la toilette féminine. La beauté de l'indispensable pis-aller des bottes russes et des guêtres n'est pas à discuter. Elles seront la risée des générations de 1950.

Mais la mode a aussi la prétention de créer une mode naturelle et hygiénique du corps lui-même. Avec ses sveltesses exagérées elle contraint beaucoup de femmes à se contenter d'un minimum de nourriture. Cette cure de faim chronique affaiblit les nerfs et diminue la force de résistance contre la maladie. Mais il y a plus; la ligne moderne exige du corps féminin une véritable déformation. Jadis la taille fine était à la mode, et pour l'obtenir on employait le corset. Aujourd'hui les hanches étroites et quasi masculines sont exigées, et pour les avoir on emploie des ceintures de caoutchouc et autres mécanismes qui pressent les hanches de façon anormale.

Donc, il résulte de tout cela que la mode actuelle prétend à tort jouer un rôle bienfaisant pour la santé. De pareilles conclusions sont aussi erronées aujourd'hui que jadis. Ce que la mode veut avant tout est le développement d'un certain type de femmes à l'esthétique, au goût du jour, de femmes qui paraissent n'avoir pour raison de vivre de ne s'écarter jamais des prescriptions de la mode. « Il faut souffrir pour être belle », ont dit les belles de tous les temps en supportant avec plaisir les souffrances imposées par leur vanité. Et les choses n'ont pas changé !

Et les costumes nationaux ? Corsages serrés, lourdes jupes, manches raides, coiffes fatigantes ? Mais où les porte-t-on encore ainsi ? Qui croirait que les costumes suisses modernes, qu'on ne connaît pas encore très bien, dérivent d'une pareille collection d'instruments de martyre ? Regardons une fraîche et florissante jeune fille en costume national. Elle a des souliers commodes et raisonnables que nous comparons avec les chaussures, les talons insensés que nous voyons sur l'asphalte des villes. Elle a des bas solides et agréables, une jupe large qui laisse les pieds et tous les mouvements libres et qui permet de porter les sous-vêtements appropriés aux saisons. Voilà un corps de femme normal, avec un corsage normal aussi ! Il n'y a pas de corset sur sa chemise de toile ! Sur la tête, elle porte un chapeau léger, ou une coiffe, s'il fait froid ou si le vent souffle. Dieu sait qu'un costume ainsi est infiniment plus sain qu'une toilette à la mode et lui sera supérieur dans la plupart des cas. Les amies des costumes, qui portent leur costume seulement exceptionnellement, et le reste du temps subissent la douce tyrannie de la mode devront convenir qu'elles ne sont pas moins bien dans leur costume que dans leurs toilettes citadines.

© Revue Costumes et Coutumes, no 9, 1929
Article publié avec l'aimable autorisation de la Fédération nationale des costumes suisses.

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Sylvie Bazzanella
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8 décembre 2012
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