Antarctique (10) Bactériologie
Dès son arrivée à Snow Hill, Erik Ekelöf pressent qu'ici, à la limite extrême entre la vie et la mort, se joue un combat passionnant. L'incroyable lutte menée par la vie organique pour subsister dans ce climat sidérant.
C'est avec l'enthousiasme d'un pionnier qu'il entreprend de décrire minutieusement ces formes extrêmes de vie.
Patiemment, jour après jour, durant les vingt-deux mois passés à Snow Hill, il isolera les particularités de la flore bactérienne de la terre, de l'air, et de la mer.
Photo G. Bodman
Erik Ekelöf au microscope 1902
Les recherches demandent patience, soin, ingéniosité, vigilance et ténacité:
- J'ai travaillé toute la journée en bactériologie et je n'arrive pas, aussi mystérieusement que cela puisse paraître, à empêcher que la température dans le thermostat ne grimpe au-dessus de 19 degrés, au détriment de mes cultures en gélatine qui ont été détruites plusieurs fois déjà.
Parfois, il survient de petits accidents:
- La lecture de "Strix" m'a fait oublier la lampe à pétrole sous le four. J'ai été rappelé à mon travail au moment où le papier du filtre a pris feu. Toute la pièce a été envahie par la fumée, rendant la maison inhabitable pour un bon moment.
La recherche, c'est aussi un travail routinier et monotone :
- J'ai teinté les bactéries.
- J'ai filtré la gélatine.
- J'ai stérilisé la gélatine, la dernière gélatine n'était pas stérile, je dois me débarrasse d'intéressant prélèvements que j'ai recueillis dans le ravin, près du glacier.
- Cela devient vraiment difficile de travailler tous les six, enfermés par la tempête. Comme il fait de plus en plus sombre, l'utilisation du microscope n'est possible que quelques heures par jour. Je vais essayer d'installer une lampe…
- Sobral est difficile. Il casse des choses autour de lui. Il a cassé une très belle plaque photographique qui appartenait à Nordenskjöld et un tube de verre de mon laboratoire.
- Aujourd'hui, je pensais aller chercher des échantillons de terre, mais le temps ne le permet pas.
- Je suis seul avec Bodman toute la journée. Les autres sont en excursion. Je nettoie les coupelles de Pétri une partie de la matinée.
Ce que le bactériologue redoute le plus, c'est l'invasion des moisissures. On avait isolé les pièces de la maison avec du papier cartonné, mais il se forme de la condensation à l'intérieur de l'habitat et cette humidité chaude favorise le développement de moisissures. Le carton humide est un substrat idéal pour leur prolifération. On décide alors de l'arracher, de nettoyer et de désinfecter les parois de la hutte avec de la formaline.
Afin de préserver les cultures bactériologiques de l'infection, des règles très strictes sont établies. Lorsque le chercheur travaille avec des tubes ouverts ou des coupelles, il demande que toutes les portes soient closes. Au moment de la manipulation, les personnes présentes dans la pièce ne doivent ni se déplacer, ni s'approcher de l'expérience.
Photo Ekelöf
Laboratoire de bactériologie à Snow Hill (1902-1903)
Des lectures scientifiques orientent et soutiennent ses recherches. Durant les longues heures, captif de la nuit polaire, à la lueur d'une lampe à pétrole, Erik étudie les nombreux ouvrages de bactériologie qu'il a emportés avec lui et s'inspire, pour la classification, des travaux du bactériologue allemand, Walter Migula (1863-1938).
Mais la recherche a aussi ses applications pratiques :
A Snow Hill, vers la fin du premier hiver, le pain commence à manquer. Mais il y a encore de la farine, le médecin-bactériologue confectionne du levain, à partir de germes de pommes de terre. Ce pain est considéré par tout le monde comme bien meilleur que le précédent.
toujours aussi intéressant !!!
Erik Ekelöf était un homme admirable, son choix de vie était extraordinaire ! Lire son journal est passionnant. on découvre chez cet homme une grand humilité et un bon sens rare. Il est vrai que pour survivre dans une telle aventure il faut être "un athlète" complet ! J'aime l'histoire du pain !