Une famille royale vivant à Pregny
Une famille royale vivant à Pregny
Invasion de la Belgique
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, la Belgique est envahie par l'Allemagne nazie en mai 1940. Le roi des Belges Léopold III (1901-1983) prend la décision de rester en Belgique avec son gouvernement, alors que l'armée belge se replie en France et au Royaume-Uni. Après la défaite rapide de l’armée belge, Léopold III se rend aux Allemands en mai 1940, espérant éviter une destruction totale du pays. Cet acte est perçu par une grande partie de l'opinion publique comme une capitulation, ce qui provoque une intense polémique. Le roi, restant en Belgique sous contrôle allemand, devient un prisonnier de guerre. Il est interné avec sa famille à Laeken puis transféré en Allemagne, où il demeure jusqu’à la fin de la guerre en 1945.
Le comportement de Léopold III pendant la guerre suscite une fracture dans la société belge. D’un côté, une partie de la population le soutient, estimant qu’il agit par souci de préserver la Belgique et de limiter les souffrances infligées par l’occupant. De l’autre, une large majorité estime qu'il trahit son pays en se rendant aux nazis, abandonnant son peuple à l'occupation.
Naissance de la question royale
Le gouvernement belge en exil, dirigé par Pierre Dupong (1885-1953), adopte une position hostile à Léopold III. En 1944, après la libération de la Belgique, le gouvernement provisoire, soutenu par les partis sociaux-démocrates, libéraux et communistes, met en place une régence sous la direction du frère de Léopold III, le prince Charles (1903-1983), pendant que le roi est encore captif des Allemands.
Le roi et sa famille sont libérés par l’armée américaine le 7 mai 1945 à Strobl, en Autriche, où les Allemands les avaient déplacés. À ce moment, il ne reprend pas immédiatement ses fonctions de roi, le pays étant sous régence. Mais il se fait de plus en plus pressant sur la question de son retour au trône.
Le roi ne peut pas rentrer immédiatement en Belgique après sa libération, une partie du personnel politique et de la population belge s'opposant à son retour tant que ne se règle pas la question fondamentale de savoir s’il aurait dû quitter le pays en 1940 pour poursuivre la lutte plutôt que de se constituer prisonnier. De plus, il refuse de rentrer en acceptant les conditions imposées par le gouvernement, notamment celle de prononcer et de rendre publique une déclaration rédigée par ce dernier, dans laquelle il devrait rendre un vibrant hommage aux Alliés et aux résistants tout en condamnant fermement l’occupation allemande.
Manifestation favorable au retour du roi à Courtrai (Belgique).
Exil en Suisse
Arrivant directement d'Autriche, le roi Léopold III demande l'hospitalité au comte Richard II Pictet-Pourtalès-Puget (1887-1975) dans son château du Reposoir à Pregny (GE).
Le château du Reposoir.
Le livre Pregny, commune genevoise et coteau des altesses de Guillaume Fatio raconte son arrivée à Pregny :
Le mardi 3 octobre 1945, à six heures, à la tombée de la nuit, les grilles d'entrée du parc du Reposoir s'ouvraient sans bruit; elles laissent passer quatre voitures automobiles, dont trois portaient des plaques étrangères, qui se rendaient directement à la maison d'habitation. Les portes se refermèrent aussitôt et tout rentra dans le silence sans aucune manifestation. Seul la bise faisait entendre son gémissement coutumier. Après un long trajet, les voyageurs éprouvaient le besoin d'un peu de repos. Venant d'Autriche, le roi Léopold III de Belgique avait demandé l'hospitalité au compte Richard Pictet dans sa belle demeure de Pregny. Après de multiples vicissitudes, supportées stoïquement depuis le mois de mai 1940, le souverain revenait dans un pays où le vent de la liberté n'avait jamais cessé de souffler et où son père, le roi Albert Ier, aimait à séjourner et à se détendre dès qu'il pouvait quitter la Belgique. Léopold III était accompagné de son épouse, la princesse de Rethy, du prince héritier Baudouin, âgé de quinze ans, de la princesse Joséphine–Charlotte, jeune fille de dix-neuf ans, du prince Albert, ainsi que du petit prince Alexandre, né du second mariage. Le représentant de la Belgique à Genève et les membres de la suite, déjà installés, accueillirent leur roi et lui présentèrent les délégués des autorités genevoises, tandis que les jeunes enfants du souverain faisaient la connaissance de leur nouvelle demeure. Il était prévu que le roi Léopold séjournerait six mois à Genève pour se remettre de tous les vicissitudes de la guerre mondiale et c'était M. de Lantsheere, secrétaire des biens privés de la maison royale, et le professeur Pirenne, conseiller politique du roi, qui avaient été chargés du choix d'une résidence appropriée. À côté de la beauté du site et du confort de la maison, Le Reposoir offrait l'avantage d'être à proximité d'une ville où les enfants pourraient poursuivre leurs études.
La vie à Pregny
Pour se sortir de ses préoccupations, le jeu de golf offre au roi une distraction et un sport dans lequel il excelle, d'autant plus que la princesse de Rethy, elle aussi, est une joueuse émérite. Le club d'Onex est peu éloigné et accessible par des routes pittoresques. Suivant les traces de son père, Léopold III est un fervent alpiniste qui aime gravir les parois de rochers. Il se délasse enfin, avec un professeur émérite, dans des entretiens sur les mathématiques, sujet qui l'intéresse tout particulièrement.
Les membres de la famille royale de Belgique se mêlent simplement aux coutumes de vie de la commune de Pregny, se promenant dans le village, achetant leur pain chez le boulanger ou assistant à la messe de l'église catholique.
Dès le début de leur séjour, les membres de la famille royale de Belgique vinrent assister aux offices en la modeste église de Pregny, se mêlant, avec la plus grande simplicité, aux autres fidèles. La messe de minuit de 1945 laissera un souvenir inoubliable aux paroissiens. En effet, en cette nuit de Noël, le roi, la princesse de Rethy et leur enfants prirent part au service devant un autel orné magnifiquement de lilas blancs offerts par la princesse.
Des habitants de la commune racontent également que le jeune Baudouin aime accompagner le facteur dans sa tournée de distribution.
Côté diplomatique, le roi Léopold III reçoit plusieurs personnalités au château durant son exil, parmi lesquelles sa sœur, la princesse Marie-José d'Italie (1906-2001), ainsi que le Premier ministre belge Achille Van Acker (1898-1975).
La famille royale belge quitte le château du Reposoir en 1948 pour un autre lieu de résidence.
Référendum belge de 1950
En 1950, après une période de réflexion, Léopold III décide de demander à revenir officiellement au pouvoir. Ce retour divise profondément le pays.
Les partisans du roi, appelés les Léopoldistes, estiment qu’il a agi dans l’intérêt de la Belgique et qu’il devrait retrouver son trône. Ils sont principalement issus de la droite, de l’aristocratie et du clergé, et trouvent que la régence et les gouvernements précédents ont eu trop d'influence. Ils voient en lui un symbole d'indépendance et de souveraineté nationale.
Les opposants, appelés les Antiléopoldistes, sont surtout issus des partis libéraux, sociaux-démocrates et communistes. Ils considèrent que le roi a trahi le pays en se rendant aux nazis et qu'il ne mérite plus la confiance du peuple belge. La question de sa légitimité est donc mise en débat.
Face à cette situation de crise, le gouvernement belge décide de recourir à un référendum pour trancher la question du retour de Léopold III. Le référendum de 1950 a lieu en mars et, bien que le roi recueille une majorité de voix pour son retour (près de 57 % des suffrages), les résultats sont loin d’être unanimes. La Belgique est profondément divisée : certains départements (surtout flamands) votent massivement pour son retour, tandis que d'autres (surtout en Wallonie) votent contre.
Les résultats du référendum ne suffisent pas à résoudre la crise. La division est trop profonde, et la tension monte à travers le pays. De violentes émeutes éclatent à Bruxelles et dans d’autres grandes villes, opposant les partisans du roi aux opposants. Les syndicats, notamment dans les régions wallonnes, organisent des grèves pour protester contre le retour du roi, et des manifestations de rue ont lieu. Le pays est en proie à une forte instabilité.
Départ de la Suisse
À la suite du résultat favorable au retour du roi, la famille royale belge se prépare à quitter définitivement la Suisse pour la Belgique. N'oubliant pas l'accueil chaleureux des habitants de Pregny, la famille royale commande à l'artiste Jérém Falquet (1885-1956) un tableau représentant le Baptême du Christ. Ce dernier, peint le 1er juillet 1950, est ensuite offert à la paroisse catholique de Pregny. Il est actuellement exposé au fond de l'église, sous la tribune, à gauche en entrant.
Abdication de Léopold III
De retour au pays et face à l'intensification de la crise, Léopold III, très contesté et sous pression, décide d’abdiquer en faveur de son fils Baudouin. Le 11 août 1951, il abdique officiellement, mettant fin à la Question royale. Baudouin devient alors roi des Belges à l'âge de 20 ans, et le pays entre dans une période de calme relatif.
Sources :
- Guillaume Fatio, Pregny, commune genevoise et coteau des altesses, 1947, pp. 335-338.
Mémoires d'ici fait peau neuve!
Le centre de recherche et de documentation du Jura bernois inaugure samedi 22 mars ses nouveaux locaux à Saint-Imier. notreHistoire.ch a rencontré Sylviane Messerli, directrice de l’institution, et Frédérique Zwahlen, documentaliste, pour faire le point sur cette mutation. Elles nous disent aussi quelques mots de la Bible de Moutier-Grandval exposée à Delémont.