A Rougemont, une coutume vivace; la confection des "merveilles" pour la fête des Brandons Repérage

1 janvier 1961
© Clara Henchoz-Mottier
Sylvie Bazzanella

Par Mme Clara Henchoz-Mottier, Château-d'Oex

Rougemont cède à la vogue des téléfériques, des télécabines et des pistes de skis. Malgré cet esprit ouvert au modernisme, les gens de ce beau village alpestre sont attachés corps et âme à plusieurs coutumes et traditions ancestrales. Il est ainsi des Brandons, cette fête qui se célèbre chaque année le dimanche qui suit le mardi gras ou le mercredi des cendres.

A cette occasion, on n'allume plus les feux sur les montagnes, comme autrefois, mais la population garde jalousement la pratique de confectionner, en grande quantité, pour ce dimanche-là, des sortes de crêpes nommées dans le pays des « merveilles » ; ce sont en effet de merveilleuses friandises, si bien nommées.

Quelques maîtresses de maison se groupent chez l'une d'elles et, à la veillée, préparent des corbeilles pleines de ces pâtisseries appétissantes. Tous en dégustent à midi, à trois heures, le soir de la fête, et cela continue les jours suivants, parfois pendant une semaine. Chez soi, on mange les merveilles, de préférence avec le café au lait.

Les auberges en faisaient à profusion et les offraient généreusement à leurs hôtes avec un bon vin blanc. Les pintes du village ne désemplissaient pas ce jour-là. Les abus ont tué cette large hospitalité des anciens aubergistes. C'est bourse déliée qu'aujourd'hui les amateurs de merveilles viennent se régaler à Rougemont, le dimanche des Brandons. De partout, on accourt, de Château-d'Oex, de Rossinière, de Gessenay, des vallons, des fermes reculées : on se retrouve entre parents et amis. La fête se termine par le bal, un bal qui dure longtemps, où jeunes et vieux s'en donnent à cœur joie.

Le lendemain, parfois, la fête continue, mais les jeunes filles n'y paraissent pas, … on me le certifie, mais je suis en droit de me demander si quelques-unes ne font pas exception.

Le dimanche des Brandons, les enfants du village s'affublent de visagères (masques simples et sans recherches) pour aller de maison en maison, quêter des merveilles et des bricelets.

J'ai une aimable voisine ; elle est de Rougemont. Elle a gardé de sa jeunesse la bonne habitude de confectionner des merveilles pour le dimanche des Brandons. Chaque fois elle m'en offre une belle « platelée ». C'est du reste d'elle que je tiens la façon de s'y prendre pour faire les véritables merveilles de Rougemont. La voici :

« Versez dans votre écuelle de terre cuite, bien tiédie, un verre de vin blanc tempéré ; cassez douze œufs et ajoutez une petite pincée de sel, cent grammes de beurre frais et si vous voulez corser le goût une « giclée » d'eau de cerises. Avec de la farine fleur et tamisée, faites votre pâte, que vous travaillez longtemps (deux heures au moins, disent les bonnes ménagères). Après cela la pâte doit reposer trois à quatre heures de temps dans un local bien chaud. Ayez soin de couvrir la pâte d'un linge pour qu'elle « ne mette pas la croûte » (qu'elle ne se durcisse pas à la surface au contact de l'air).

« Etendez ensuite votre pâte et découpez à la roulette des bandelettes de trois centimètres de large et assez longues pour en faire de belles boucles bien recoquillées. Etendre, étendre, étendre encore les bandes jusqu'à les rendre transparentes. Immergez une minute dans l'huile bouillante et retirez la merveille adroitement, délicatement, au moyen de deux bâtonnets. Enfin saupoudrez de sucre sans ménagement et remplissez vos corbeilles ! »

Tiré de : © Folklore Suisse - Bulletin de la Société suisse des Traditions populaires. Bâle 1961, 51 e Année

Avec l'aimable autorisation de Monsieur Ernst J. Huber.

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