Nos autorités veulent éduquer le peuple

1 décembre 1798
Autorités du Léman
Albin Salamin

Bulletin officiel du Directoire Helvétique & des autorités du Canton du Léman

Message sur l'éducation Nationale

Il n'est que trop connu, dans quel état déplorable se trouvent les écoles de campagne dans presque toute l'Helvétie. Dans beaucoup d'endroits, il n'y a point de bâtiments pour les écoles, dans beaucoup d'autres, ils sont incommodes, insuffisants ou mal sains. Les régents sont mal payés. Ils manquent eux-mêmes des connaissances qu'ils doivent communiquer à leur disciples. Les objets d'enseignement sont par leur nature et leur nombre au-dessous des besoins et de l'homme qui doit sentir sa dignité et du citoyen qui doit connaître ses droits et remplir ses devoirs. La méthode d'instruction est absurde, la discipline tantôt trop sévère, tantôt trop relâchée et toujours insuffisante. La notion de liberté, confuses et mal dirigées, ont porté dans cette partie de nos relations sociales, comme beaucoup d'autres, l'anarchie et la licence.

Il est urgent qu'ont remédie à ces maux et que les lacunes les plus évidentes de l'instruction populaire, soient remplies aussitôt que possible.

Ce n'est que quand nos Concitoyens verront que leur éducation et leur perfectionnement moral nous tient à coeur, que nous aimons à les instruire dans toutes les connaissances dont nous avons éprouvé nous-mêmes l'influence salutaire; quand ils verront que notre but n'est pas uniquement d'en faire des sujets tranquilles, soumis et des instruments aveugles du gouvernement; mais quand ils apercevrons que nous voudrions leur procurer les mêmes jouissances, leur assurer les mêmes avantages que des études régulières et la culture de l'esprit nous ont procurés à nous-mêmes; quand ils verront que nous tâchons de nous donner en eux par une instruction soignées et morale des juges éclairés et sévères, ce n'est qu'alors qu'ils se persuaderont que la révolution n'est pas simplement un changement de dynastie ou un déplacement d'anciens dominateurs auquel le caprice du fort en a substitué d'autres mais qu'elle est une véritable régénération de l'Etat, un événement d'où date l'ère d'une bonne organisation sociale qui a le respect de l'homme pour base, le bien public pour but et le perfectionnement de la nature humaine pour résultat. C'est alors que leur vue s'agrandira et qu'ils la détourneront de dessus les maux passagers que les froissements révolutionnels ont causé, pour la porter sur le tableau sublime de l'homme, rendu à ses droits, à sa dignité, à ses espérances et replace dans la carrière de lumières et de vertus, d'où les passions et les préjugés l'avaient écarté.

Votre premier soin, Citoyens Représentants sera donc de pourvoir à une instruction qui embrasse toutes les classes du peuple et qui prouve à chaque citoyen les moyens de cultiver ses forces physiques, intellectuelles et morales jusqu'au degré où il puisse embrasser et suivre avec facilité une vocation qui le rende nécessaire à ses concitoyens et qui le mette en état de faire des échanges de secours suffisants à son entretien et à celui de sa famille. Cette instruction civique sera organisée de manière que la méthode même dont on se servira pour communiquer aux élèves les connaissances les plus nécessaires à l'homme et au citoyen, tende à développer les forces intellectuelles des écoliers et à les habituer à un activité morale et indépendante.

Les objets d'enseignement seront plus ou moins nombreux, en raison de l'habileté des maîtres et de la multiplicité des ressources. Il parcourra tous les degrés de développement dont les localités, le progrès des lumières et l'accroissement des moyens le rendront susceptible depuis, les écoles purement élémentaires qui se borneront aux rudiments, jusques à celles qui embrasseront toutes les connaissances utiles aux citoyens. Dans les communes qui présenteront les moyens, on tâchera de réunir des écoles d'industrie avec les instituts d'enseignements.

L'instruction civique sera uniforme, générale et gratuite pour les élèves sans fortune. Son but est la garantie de l'égalité des droits contre l'inégalité des moyens. Elle doit mettre les citoyens à même de connaître leurs droits et de remplir leurs devoirs. Celui qui ne l'aura pas reçue, ou qui n'aura pas prouvé qu'il a atteint le degré de capacité auquel elle mène, ne devrait pas être admis, ni à l'exercice de ses droits politiques, ni à une fonction publique quiconque. Car comment ses concitoyens pourront-ils s'assurer qu'il a la faculté et la volonté d'user de ses droits, pour le bien de la chose publique, s'il n'apporte pas cette garantie des écoles d'instruction civique?

Gazette de Lausanne, 1 décembre 1798

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Albin Salamin
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15 mars 2010
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