4. Les trois soleils de Lavaux

Catherine Reymond

Les Hommes et les Femmes

Quelques jours plus tard, les hommes et les femmes reviennent. Ils sont en haillons, sales, assoiffés, affamés, sous le choc d’avoir perdu tout ce qu’ils avaient : maisons, cultures, sources et fontaines, troupeaux, tout a disparu à des kilomètres à la ronde.

Alors qu’ils étanchent leur soif dans le ruisseau né des larmes de la Fée, celle-ci apparaît auprès d’eux.

« Hommes, femmes, vous voici bien miséreux ! Comme moi, vous avez tout perdu. Heureusement que vous avez pu sauver vos vies et celles de vos enfants ! Comme vous, je suis anéantie par la perte de ce pays que nous habitions tous ensemble en bonne intelligence. Le Soleil veut bien m’aider à sécher toutes ces montagnes sorties de terre par les caprices du géant. Et vous, m’aiderez-vous à les rendre fertiles, et à reconstruire un jardin plus beau qu’avant ? L’ampleur de la tâche est immense mais peut-être qu’ensemble nous y arriverons. »

« Fée, nous nous souvenons de ton jardin et il n’y en aura jamais d’aussi beau. Nous n’avons pas d’autre choix que de tout recommencer et de nous mettre à l’ouvrage. Nous sommes prêts, avec ton aide, avec celle du Soleil et à la force de nos bras, à rendre cette nouvelle contrée aussi attrayante que possible, pour que nous puissions y élever nos enfants et reconstruire nos maisons. »

La Fée volette d’un enfant à l’autre, répandant un peu de sa poussière de fée qu’ils essaient d’attraper. Les petits lui font fête car ils adorent ses ailes brillantes et lumineuses. La présence des enfants ainsi que les paroles des hommes et des femmes lui redonnent du courage. Par la grâce de ses sortilèges, elle fait revenir les sources qui se mettent à couler par dizaines du haut des montagnes jusqu’au lac.

Petit à petit, grâce au Soleil, la terre s’assèche. Petit à petit, grâce aux innombrables ruisseaux, les eaux boueuses du lac deviennent transparentes. Sur les rives, les hommes reconstruisent des maisons, puis des villages, accrochés aux pentes. La Fée conseille aux hommes et aux femmes, de planter de la vigne, dont le vin, un jour, leur donnera du courage. Ils se mettent à l’ouvrage, suant sous le soleil qui, à l’idée d’épouser sa belle, est devenu brûlant.

Ils déplacent des pierres, des rochers, de la terre. A la force de leurs bras, ils façonnent la surface des montagnes en construisant des murs, et encore des murs, et ils se tuent à l’ouvrage. Au fil des ans et au fil des générations, ils réalisent que les murs reflètent la lumière ardente du Soleil sur les parchets de vigne, aidant à la croissance des grappes. Alors ils construisent tout un monde d’escaliers, de murs, de minuscules parcelles vertigineuses accolées les unes aux autres qui semblent vouloir plonger dans le lac. Toute la région, qui a pris le nom de Lavaux, se transforme avec le temps en un vignoble géant, baigné par les rayons du soleil amoureux.

La Fée règne maintenant sur un jardin tout en pentes et en ruisseaux, bien différent du précédent. Le lac est bleu, les sources ruissellent sur les flancs des montagnes, les plants de vigne ont grandi et donnent à profusion des fruits dorés, que les hommes et les femmes transforment en vin à l’automne. La Fée s’est attachée à cette terre rude qui n’a rien d’un jardin d’agrément mais qui concentre les efforts de chacun.

Un jour, le Soleil s’approche d’elle et lui dit :

« Fée, je vois que ton nouveau jardin a porté ses fruits. Il est temps pour toi de tenir ta promesse et de m’épouser. »

La Fée se sent infiniment triste à l’idée de quitter son nouveau jardin mais sa réponse est prête :

« Soleil, je t’ai donné ma parole et je t’épouserai. Cependant, les hommes et les femmes, qui ont travaillé si dur, ont encore besoin de moi, et moi, je souhaite pouvoir vivre encore un peu dans mon nouveau jardin et boire le vin de nos vignes. Laisse-moi encore vingt-cinq ans, ce qui est à peu près le temps pour les hommes t les femmes d’avoir des enfants et pour la vigne de donner ses plus beaux fruits. Laisse-moi porter à maturité cette création commune, la tienne, la mienne et celles des hommes et des femmes. Accorde-nous ce temps de repos que nous avons bien mérité. »

Le Soleil est bien un peu contrarié par ces paroles, mais il sait que vingt-cinq ans sont peu de chose dans la vie d’un Soleil et d’une Fée.

« J’accepte ce délai, mais sache que si tu le dépasses, je serai si fâché que tes vignes sécheront sur pied et que ton jardin disparaîtra pour toujours. »

Pour être sûr qu’elle tienne sa promesse, il lui offre un petit morceau de son feu, un petit morceau de soleil qui prend au doigt de la Fée la forme d’un anneau d’or. Elle le remercie. Il repart dans sa course.3. Deuxième soleil : les Hommes et les Femmes

Quelques jours plus tard, les hommes et les femmes reviennent. Ils sont en haillons, sales, assoiffés, affamés, sous le choc d’avoir perdu tout ce qu’ils avaient : maisons, cultures, sources et fontaines, troupeaux, tout a disparu à des kilomètres à la ronde.

Alors qu’ils étanchent leur soif dans le ruisseau né des larmes de la Fée, celle-ci apparaît auprès d’eux.

« Hommes, femmes, vous voici bien miséreux ! Comme moi, vous avez tout perdu. Heureusement que vous avez pu sauver vos vies et celles de vos enfants ! Comme vous, je suis anéantie par la perte de ce pays que nous habitions tous ensemble en bonne intelligence. Le Soleil veut bien m’aider à sécher toutes ces montagnes sorties de terre par les caprices du géant. Et vous, m’aiderez-vous à les rendre fertiles, et à reconstruire un jardin plus beau qu’avant ? L’ampleur de la tâche est immense mais peut-être qu’ensemble nous y arriverons. »

« Fée, nous nous souvenons de ton jardin et il n’y en aura jamais d’aussi beau. Nous n’avons pas d’autre choix que de tout recommencer et de nous mettre à l’ouvrage. Nous sommes prêts, avec ton aide, avec celle du Soleil et à la force de nos bras, à rendre cette nouvelle contrée aussi attrayante que possible, pour que nous puissions y élever nos enfants et reconstruire nos maisons. »

La Fée volette d’un enfant à l’autre, répandant un peu de sa poussière de fée qu’ils essaient d’attraper. Les petits lui font fête car ils adorent ses ailes brillantes et lumineuses. La présence des enfants ainsi que les paroles des hommes et des femmes lui redonnent du courage. Par la grâce de ses sortilèges, elle fait revenir les sources qui se mettent à couler par dizaines du haut des montagnes jusqu’au lac.

Petit à petit, grâce au Soleil, la terre s’assèche. Petit à petit, grâce aux innombrables ruisseaux, les eaux boueuses du lac deviennent transparentes. Sur les rives, les hommes reconstruisent des maisons, puis des villages, accrochés aux pentes. La Fée conseille aux hommes et aux femmes, de planter de la vigne, dont le vin, un jour, leur donnera du courage. Ils se mettent à l’ouvrage, suant sous le soleil qui, à l’idée d’épouser sa belle, est devenu brûlant.

Ils déplacent des pierres, des rochers, de la terre. A la force de leurs bras, ils façonnent la surface des montagnes en construisant des murs, et encore des murs, et ils se tuent à l’ouvrage. Au fil des ans et au fil des générations, ils réalisent que les murs reflètent la lumière ardente du Soleil sur les parchets de vigne, aidant à la croissance des grappes. Alors ils construisent tout un monde d’escaliers, de murs, de minuscules parcelles vertigineuses accolées les unes aux autres qui semblent vouloir plonger dans le lac. Toute la région, qui a pris le nom de Lavaux, se transforme avec le temps en un vignoble géant, baigné par les rayons du soleil amoureux.

La Fée règne maintenant sur un jardin tout en pentes et en ruisseaux, bien différent du précédent. Le lac est bleu, les sources ruissellent sur les flancs des montagnes, les plants de vigne ont grandi et donnent à profusion des fruits dorés, que les hommes et les femmes transforment en vin à l’automne. La Fée s’est attachée à cette terre rude qui n’a rien d’un jardin d’agrément mais qui concentre les efforts de chacun.

Un jour, le Soleil s’approche d’elle et lui dit :

« Fée, je vois que ton nouveau jardin a porté ses fruits. Il est temps pour toi de tenir ta promesse et de m’épouser. »

La Fée se sent infiniment triste à l’idée de quitter son nouveau jardin mais sa réponse est prête :

« Soleil, je t’ai donné ma parole et je t’épouserai. Cependant, les hommes et les femmes, qui ont travaillé si dur, ont encore besoin de moi, et moi, je souhaite pouvoir vivre encore un peu dans mon nouveau jardin et boire le vin de nos vignes. Laisse-moi encore vingt-cinq ans, ce qui est à peu près le temps pour les hommes t les femmes d’avoir des enfants et pour la vigne de donner ses plus beaux fruits. Laisse-moi porter à maturité cette création commune, la tienne, la mienne et celles des hommes et des femmes. Accorde-nous ce temps de repos que nous avons bien mérité. »

Le Soleil est bien un peu contrarié par ces paroles, mais il sait que vingt-cinq ans sont peu de chose dans la vie d’un Soleil et d’une Fée.

« J’accepte ce délai, mais sache que si tu le dépasses, je serai si fâché que tes vignes sécheront sur pied et que ton jardin disparaîtra pour toujours. »

Pour être sûr qu’elle tienne sa promesse, il lui offre un petit morceau de son feu, un petit morceau de soleil qui prend au doigt de la Fée la forme d’un anneau d’or. Elle le remercie. Il repart dans sa course.

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  • Richard Mesot

    "On dit de chez-nous qu'à trois soleils l'on doit que la vigne soit vin et le raisin si doux"

    C'est les premiers mots du chant qui s'intitule "Les Trois Soleils" . Texte composé par Stéphane Blok et la musique de Maria Bonzanigo. Ce chant sera interprété par le Grand Choeur de la Fête des Vignerons. Il fait l'éloge de cette magnifique région qu'est Lavaux.

  • Catherine Reymond

    Merci de votre commentaire, c’est une jolie phrase, en attendant d’entendre le chant!

Catherine Reymond
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11 juin 2019
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