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Maurice RAVEL, La Valse, OSCCP, Ernest ANSERMET, 1947

6 octobre 1947
Decca
René Gagnaux

Hommage à la mémoire d' Ernest ANSERMET, 2019, VIIIa

L'idée première de «La Valse» remonte à 1906 déjà: Maurice Ravel éprouvait pour la valse «une sympathie intense et toute particulière pour (ses) rythmes admirables, et pour la joie de vivre qui s'y exprime». On retrouve d'ailleurs ce type de danse dans plusieurs autres de ses oeuvres: dans «L'Heure Espagnole», «Ma Mère L'Oye», «L'Enfant et les Sortilèges» et - bien sûr - dans les «Valses Nobles et Sentimentales».

Maurice RAVEL, extrait d'une photo d'Albert Harlingue et Roger-Viollet

Maurice Ravel, alors âgé de 30 ans, envisageait de composer un poème symphonique pour le ballet, avec une apothéose de la valse. L'idée lui était venue lors d'une conversation avec le chorégraphe Diaghilev. Dans leur correspondance ils nomment ce projet «Wien», en hommage au compositeur viennois Johann Strauss (*). Ce projet est toutefois interrompu par la Première Guerre Mondiale. À la fin de celle-ci, Maurice Ravel - très marqué par ce terrible cataclysme - traverse une longue période de dépression, agravée par la mort de sa mère, qu'il chérissait. Pendant un certain temps il cesse même de composer. En février 1919, il recommence toutefois de travailler sur «La Valse».

(*) "[...] En composant La Valse je ne songeais pas à une danse de mort ni à une lutte entre la vie et la mort. ... J'ai changé le titre, Wien, en La Valse, qui correspond mieux à la nature esthétique de la composition. C'est une extase dansante, tournoyante, presque hallucinante, un tourbillon de plus en plus passionné et épuisant de danseuses, qui se laissent déborder et emporter uniquement par la valse. [...]" Ravel dans un interview du De Telegraaf, 30 sept. 1922, repris dans Orenstein, p.345. (Arbie Orenstein, [ed.] Maurice Ravel: lettres, écrits, entretiens. Paris, Flammarion, 1989).

En décembre 1919, Maurice Ravel se retire chez des amis en Ardèche, où il termine de composer «La Valse»: l'oeuvre est achevée en mars 1920 (écrite d'abord pour piano, ensuite transcrite pour deux pianos et finalement orchestrée, selon M. Marnat, Maurice Ravel (Paris : Fayard, 1986), p. 474).

Son argument est résumé par un court texte très connu, publié en exergue de la partition: «des nuées tourbillonnantes laissent entrevoir par éclaircies des couples de valseurs. Elles se dissipent peu à peu: on distingue une immense salle peuplée d'une foule tournoyante. La salle s'éclaire progressivement. La lumière des lustres éclate au fortissimo. Une Cour impériale, vers 1855.». Le cataclysme de la guerre lui fait cependant revoir son projet d'hommage aux fastes de la valse viennoise de Johann Strauss: il conçoit alors son oeuvre comme «une métaphore de la grandeur, de la décadence, puis de la destruction de la civilisation»: à l'image romantique et fastueuse de la cour viennoise du XIXe siècle, illustrée par les Valses de Strauss, succéde l'image d'un monde décadent, menacé par la ruine et la guerre.

La première audition de l'oeuvre a lieu en concert le 12 décembre 1920, l'Orchestre des Concerts Lamoureux étant dirigé par Camille Chevillard: en concert parce que Diaghilev avait refusé de représenter La Valse aux Ballets Russes, arguant (en avril 1920, lors de l'écoute d'une exécution privée par Ravel et Marcelle Meyer de la version pour deux pianos) que «C'est un chef-d'oeuvre, mais ce n'est pas un ballet. C'est de la peinture de ballet!», une réaction que rapporte Francis Poulenc dans son livre «Moi et mes amis» (édition La Palatine, 1963, p. 177) et qui fut à l'origine d'une brouille entre Ravel et Diaghilev.

Les différentes chroniques rapportent des réactions très partagées: pour Capdevielle «La Valse est une sorte de névrose exaspérée», Lindenlaub écrit au contraire que «La Valse envoûte et crée un [...] vertige, des angoisses, des détresses. Cette frénésie montante et lugubre, la lutte entre ce Johann Strauss qui ne veut pas mourir et cette course à la ruine qui prend une allure de danse macabre. Ravel a retrouvé les valses d'antan au milieu des ruines, du vide du temps présent». (passages cités d'après cette page du site coge.org)

Sur «La Valse», Christian Goubault écrit:

"[...] La Valse fut conçue initialement pour piano seul, mais avec des indications instrumentales exigeant une troisième portée, injouable par un seul exécutant, puis pour deux pianos, avant de connaître son état orchestral définitif. Ces versions sont presque identiques, à part une mesure ajoutée dans la transcription orchestrale et une modification de la mesure finale où le rythme fut changé au cours d'une répétition d'orchestre avec Ernest Ansermet. Aux quatre croches/noire de la version pour deux pianos, Ravel substitue un quartolet de noires dans la mesure à trois temps, ce qui rend le paroxysme final encore plus troublant.

Ravel n'était pas satisfait de l'orchestration du début de sa partition dont il n'entendait pas les premières mesures dans les enregistrements discographiques et radiophoniques. Il avait l'intention d'y remédier en rendant l'instrumentation plus transparente et de diriger lui-même la nouvelle version. Ce fut Manuel Rosenthal qui, avec l'approbation du compositeur, retoucha discrètement ce début dont «le micro ne veut pas».

Un tremblement ondulant pp presque inaudible - auquel s'ajoutent des pizzicati graves - aux contrebasses avec sourdine et divisées en trois pupitres, se propage aux violoncelles, à la 1re harpe et aux timbales. Sur ce sourd grondement s'impriment des lambeaux mélodiques joués par les bassons et prolongés par des trémolos sur la touche des violons et des altos, ou en alternance par des cors.

D'autres fragments mélodiques apparaissent aux altos, puis aux flûtes, en doublure aux hautbois, enveloppés dans des glissandi des contrebasses, dans des traits des clarinettes et de la 3e flûte (trait chromatique en trémolo), dans des roulements de timbale et dans des trémolos des cordes.

Tout semble s'organiser, mais, au contraire, la musique se désagrège: il ne reste plus qu'une tenue du 1er basson et un trille grave des contrebasses, au moment où disparaît la nuée tourbillonnante des danseurs [...]".

Voir aussi cette page du site articlassique.blogspot.com pour une autre courte description de l'oeuvre.

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Ernest Ansermet dirigeant «La Valse» de Maurice Ravel, un splendide court métrage de Jean-Jacques Lagrange, réalisé en 1957 pour la Radio Télévision Suisse Romande et que vous pouver visionner sur cette page de Notre Histoire.

Ernest Ansermet enregistra La Valse de Maurice Ravel quatre fois pour le disque. D'abord à deux reprises - 1947 et 1953 - avec l'Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire de Paris (OSCCP), puis deux fois avec son Orchestre de la Suisse Romande, en avril 1958 (**) et en avril 1963. Il existe en outre un certain nombre d'enregistrements faits en concert.

(**) il s'agit de séances d'enregistrement des Tableaux d'une Exposition et de La Valse, mais qui ne sont pas parus, Ernest Ansermet n'ayant été apparamment pas satisfait du résultat: les disques auraient été les SXL 2018, LL 3071 et CS 6045 - ainsi que CEP 565 pour La Valse seule, sur un petit 17 cm 45 tours -, mais qui ne sont pas parus. Du moins en ce qui concerne La Valse: l'enregistrement des Tableaux d'une Exposition fut refait en novembre 1959, et publié.

Son premier enregistrement avec l'OSCCP est paru sur 78 tours, puis fut repris sur 33 tours; le deuxième enregistrement est paru uniquement sur 33 tours.

Le premier enregistrement fut fait au Kingsway Hall de Londres. Les données sur la date de l'enregistrement divergent notablement selon les sources. hector.ucdavis.edu indique la date du 6 octobre 1947, ainsi que scona.ch, qui a probablement repris les mêmes données. La parution plus récente sur CD - Cascavelle VEL 3319, 4e CD - indique par contre octobre 1949.

Si l'on se base sur les données de Michael Gray on constate qu'Ernest Ansermet se trouvait bien à Londres en octobre 1947: Michel Gray indique qu'il enregistrait la symphonie de Psaumes avec le London Philarmonic Orchestra, également au Kingsway Hall. Également en octobre 1947, Charles Munch enregistrait au Kingsway Hall avec l'OSCCP.

À partir de 1948 l'OSCPP a fait tout ses enregistrements à la Maison de la Mutualité de Paris: ceci incite donc à considérer la date du 6 octobre 1947 comme étant la plus plausible. Il semble en effet peu probable que l'OSCCP se soit déplacé à Londres en 1949, seulement pour enregistrer La Valse. En outre le Gramophone Archive cite ces deux 78 tours dans la page 5 du numéro d'août 1948.

La discographie Decca de Philip Stuart confirme la datation du 6 octobre 1947.

Le second enregistrement fut donc fait à Paris, Maison de la Mutualité, en juin 1953: il appartient à une petite série d'enregistrements qu'Ernest Ansermet effectua dans la période 8, 12, 15 au 19 et 22 au 25 juin 1953, données confirmées par la discographie Decca de Philip Stuart.

L' enregistrement que vous écoutez... Ce premier enregistrement paraît d'abord sur 78 tours - AR11617-20, Pr: Victor Olof Eng: Arthur Haddy, en août 1948, resp. juillet 1949 T5114-15 = LA93 - puis fut publié sur 33 tours*, parution en août 1949 sur le LONDON LLP 22, couplé avec 'Le Boléro', Charles Munch dirigeant l'Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire.* Une publication était prévue pour 1950 sur le DECCA LXT 2526, mais ce disque n'est jamais sorti.

Maurice Ravel, La Valse, Poème chorégraphique pour orchestre, Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire de Paris, Ernest Ansermet, 6 octobre 1947, London, Kingsway Hall

Provenance: Radiodiffusion

Pour l'enregistrement suivant, de 1953, écouter l'audio https://www.notrehistoire.ch/medias/117402

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René Gagnaux
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23 janvier 2019
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