Serge Lama

27 novembre 1967
Emission Carrefour
Les archives de la RTS

Il y a deux hommes en Serge Lama, relève le commentateur de Carrefour qui l'interroge en novembre 1967: le chanteur rythmé, tendance yéyé, et l'homme plus mélancolique qui a cotoyé Barbara à qui il adresse cette chanson.

Serge Lama était de passage à la TSR pour parler du recueil de poèmes qu'il vient de publier chez Anne Carrière. L'occasion était trop belle de lui présenter ce document.

Votre première impression à vous revoir ainsi?

Serge Lama: c'est très émouvant et drôle de se voir comme son fils! Car j'ai l'impression d'être mon fils. Je vois surtout ce que j'étais à l'époque, un jeune homme avec cette espèce de fausse assurance et, en même temps, une grande volonté qui m'a permis de surmonter mon accident et d'arriver là où je suis aujourd'hui.

Je suis plutôt heureusement surpris. Dans cet extrait, je chante en play-back - ce que je ne sais pas faire, ça se voit - et je m'étonne de l'énergie incroyable que j'arrivais à y mettre. Et dans la gestuelle aussi, et mon langage un peu châtié…

Cette interview a été tournée deux ans après mon accident. J'ai subi quatorze opérations et je marchais encore avec une canne à ce moment-là. Je venais de remonter sur scène à l'Olympia. Je crois que cela se sent dans ma manière de répondre. Il y a un mélange de volonté et de désespoir, avec ce regard noir de corbeau que j'ai un peu perdu avec le temps.

Vous faites référence à la solidarité des autres artistes.

Oui, c'est une règle bien réelle. Quand vous êtes tombé, on vous aide. Mais quand vous êtes debout, on vous fait tomber! Je ne peux pas dire mieux, c'est la vérité. Je crois que c'est un des rares métiers artistiques où cette solidarité existe. Elle est plus rare dans le milieu littéraire.

Vous venez de publier un livre de poèmes qui sont à la fois des textes sentimentaux et érotiques. C'est un peu osé, non? Quel est l'accueil de la critique?

Vous savez, j'ai passé ma vie à être critiqué. Mon livre a un bon accueil auprès du public, moins auprès de la critique. Les journaux intellectuels ne m'aiment pas. Déjà qu'ils n'aiment pas mes chansons… C'est le lot des chanteurs populaires d'être plus attaqués que les autres. Moi, j'ajoute un autre handicap: je suis inclassable. J'ai un coté pamphlétaire, romantique, désespéré, chansonnier rigolo, comique, tout ça ensemble, ça ne rentre pas dans le budget intellectuel de certains! L'intelligentsia ne peut pas comprendre que je chante «Les petites femmes de Pigalle» et que j'écrive des poèmes. J'ai beaucoup d'aspérité qui agacent.

La chanson que vous interprétez est un hommage à Barbara.

Oui, Barbara, c'est une rencontre due au hasard. Je suis entré au Cabaret de l'Ecluse le 11 février 1964, un cabaret très coté rive gauche. Barbara était la star de l'Ecluse, moi j'ouvrais le spectacle. Cette année-là, Barbara a fait Bobino en vedette américaine, c'est-à-dire qu'elle lançait la première partie et chantait huit-neuf chansons avant Brassens. Quand il s'est agi de construire le spectacle, le directeur cherchait un gars et Barbara lui a dit que je pouvais faire l'affaire. Je me suis donc retrouvé en numéro un, avant Brigitte Fontaine, Boby Lapointe, Barbara et Brassens.

Quel regard portez-vous sur la chanson française actuelle?

Je crois que la chanson traditionnelle à texte a toujours son public. Regardez le succès de Benabar, Delerm… C'est une vrai satisfaction. Mais qui peut dire comment cela va évoluer alors que nous vivons une période de grands changements? Propos recueillis par Claude Zurcher

Serge Lama, Sentiment, Sexe, Solitude, Editions Anne Carrière

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15 septembre 2016
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