Les concerts populaires de l’OCL soufflaient leurs cinquante bougies au Métropole

2 juin 2013
Lausanne
Martine Desarzens
Martine Desarzens

Durant toute sa vie de musicien, Victor Desarzens s'est inlassablement engagé pour que la musique soit accessible à tous.

Très jeune chef d'orchestre de l'OCL qu'il venait de fonder, il décide que Radio-Lausanne devrait également proposer à la radio de passer sur les ondes les enregistrements des concerts de l'OCL pour qu'ils puissent être écoutés en famille le dimanche.

Victor Desarzens ayant gagné la confiance des responsables du service Radio-Lausanne, et grâce à Edouard Moser, premier chef du service musical à Radio-Lausanne qui a soutenu et encouragé Victor Desarzens pour la création du premier ensemble de Radio-Lausanne devenu ensuite l'OCL, puis pour la retransmission des concerts sur les ondes courtes, dans l'émission "L'heure musicale", en 1942 il n'était pas rare que la famille se réunisse au complet autour de la radio placée au salon.

Photo; Edouard Moser

Victor Desarzens peut petit à petit s'exprimer totalement, et avec quel enthousiasme dans l'émission L'heure musicale, née le 27 septembre 1942, cette émission permet aux mélomanes d'entendre, à la fin de l'après midi dominicale, tous les quinze jours, certaines très belles œuvres interprétées par l'OCL. Edouard Moser a mené à bien les modalités commerciales afin que ni les concerts d'abonnement ou les disquaires ne se sentent pénalisé par ces diffusions à la radio.

Les programmes sont élaborés de manière a être aussi complémentaires que possible de ceux donnés en ville par l'OCL, ces derniers étant également diffusés. Le principe adopté était le suivant; dans chaque programme devait figurer au moins une oeuvre que l'on ne pouvait pas entendre au concert ou acheter chez le disquaire !

Puis dès les premiers enregistrements à Radio Lausanne, mon père a obtenu d'Edouard Moser que le public puisse y assister gratuitement. Le studio était toujours archi comble......l'ambiance était extraordinaire, le public parlait avec les musiciens, il y avait une proximité favorable aux échanges; mon père adorait cela, il aimait tant ces partages.

La musique classique entre dans les foyers. Cela réjouis Victor Desarzens, il fait des programmes adaptés aux enfants. Mais il sait bien que seules quelques familles disposent d'un poste de radio ; il lui faut plus, il veut rendre accessible la musique classique à tous. Juste après ces années de guerre, la musique n'était pas un divertissement, mais plutôt vécue comme une "nourriture".

Lors des 25 ans de l'OCL mon père Victor Desarzens reconnaissant écrit ces lignes:

.."Au sentiment de joie que j'éprouve en ce jour anniversaire du premier concert public de l'OCL, s'joute celui de la reconnaissance qui va à ces amis de la première heure qui, partageant ma foi dans le pouvoir spirituel de la musique, m'ont aidé à créer cet orchestre : à Edouard Moser, Marcel Besençon, au Dr. Frenand Cardis, à Paul Piguet, Florian Cosandey, Charles Clément, Albert Mermoud, Gustave Doret, August Capt, Roger de Cérenville, Emanuel Faillettaz, Gottlieb Suter, le professeur Pautrier et à ces musiciens qui, le 28 janvier 1943, se groupaient en toute modestie et avec ferveur sur la scène de la Maison du Peuple"....

Après les années de luttes pour que l'OCL survive financièrement, donc cruciales dans la vie de Victor Desarzens et déterminantes pour sa carrière de chef d'orchestre à la tête de son orchestre, celui-ci à peine porté sur les fronts baptismaux par des parrains attentifs et que l'orchestre commençait à prendre de l'assurance et s'affirmer peu à peu, au grès des concerts, mon père n'a eu de cesse que la Ville de Lausanne autorise que les répétitions générales du lundis soient ouvertes au public gratuitement.

Face aux autorités sur la défensive, il a défendu l'accès gratuit à ces répétions pour les familles, les classes avec la détermination d'associer les lausannois à la vie musicale de sa ville.

Porté par une conviction, un enthousiasme et une volonté inébranlable, Victor Desarzens réussi à surmonter les craintes (légitimes) des autorités qui craignaient que cette ouverture au public provoque du bruit, du désordre et des nettoyages après ces répétitions !

Les premières répétitions publiques ont commencé à La Maison du Peuple. Myriam Tétaz journaliste lausannoise, se souvient avec émotion que l'Ecole supérieur de jeunes filles de Villamont permettait de fréquenter les répétitions des lundis matins à la Maison du peuple où elle se rendait avec plusieurs de ses camarades et des élèves du Conservatoire.

Dans le choix des programmes Victor Desarzens glissait entre des oeuvres de Bach, Vivaldi ou Mozart, Rameau, des compositeurs contemporains comme Frank Martin, Olivier Messian, Paul Hindemith, démarche courageuse pour l'époque, mais mon père, avec raison, a toujours dit qu'il avait très confiance dans le public lausannois !

Ces répétitions générales ont rencontré un immense succès ! Voir et écouter la répétition publique : http://www.notrehistoire.ch/video/view/1564/

Ecolier, Henri Louis Matter, musicologue et journaliste lausannois, « courbait » le collège les lundis de répétitions, mon père lui avait donné une de ses baguette de chef!!

Ci-dessous article hommage au chef d'orchestre, écrit par le même Henri Louis Matter devenu musicologue et journaliste.

J'ai souvent croisé des musiciens qui m'ont confié qu'enfants ils étaient venus avec leur classe assister aux répétitions et que cela leur avait donné le goût de la musique.

Non content de ce succès, en 1950, Victor Desarzens s'attèle à son rêve; celui de proposer l'organisation de concerts populaires et d'offrir des auditions gratuites aux familles lausannoises, sa ténacité et fougue font que ses démarches aboutissent!

Son projet visait un double objectif, celui d'ouvrir les portes du Théâtre Municipal aux familles et celui de permettre aux musiciens de l'orchestre de jouer en soliste.

Pour ne pas donner plus de travail aux musiciens de l'orchestre, mon père donnait le même programme que celui du lundi soir sans la grande symphonie. Un concert plus court, environs d'une heure.

Victor Desarzens était un chef connu pour avoir toujours beaucoup travaillé ses programmes.

En 1953 mon père a obtenu que la Municipalité de Lausanne subventionne ce qu'il a voulu appeler «Les concerts populaires» ; concerts du dimanche matin, pour lesquels toutes les places de la grande salle du Théâtre municipal étaient offertes pour un prix unique et très réduit.

Le premier concert a lieu le 23 septembre 1953 ; dès le début, la salle de concert est archicomble.

Ecouter concert populaire, violoncelle Gux Fallot : http://www.rts.ch/archives/tv/culture/3443199-concerto-de-haydn.html

Ces concerts ont attirés un public de plus en plus nombreux, celui des abonnements, les enfants des écoles et les familles.

Victor Desarzens établissait avec soin des programmes très variés, avec parfois une œuvre qui s'adressait spécifiquement aux enfants, toujours nombreux, tel que le Babar de Poulenc.http://www.notrehistoire.ch/photo/view/41924/

Presque à chaque concert mon père expliquait au public quelle œuvre il allait découvrir ou écouter, il s'adressait toujours d'abord aux enfants; comme la Symphonie des jouets de Joseph Haydn, il faisait jouer les instruments, Pierre et le Loup de Prokofiev ; le chat était la clarinette, le grand-père le basson etc...

L'OCL pratiquait un style de musique ouvert à tous. Lorsqu'il donnait une œuvre contemporaine, il essayait dans la mesure du possible d'inviter le compositeur.

Le prix des places, l'heure, l'atmosphère moins rituelle que celle des concerts d' abonnement, attirait les familles, les jeunes et ceux qui n'aimaient pas sortir le soir. Ces manifestations permettaient au public de faire connaissance avec les musiciens, puis que les solistes, pris au sein de l'Orchestre, étaient mis en valeur avec une oeuvre de leur choix.

Dès le début, ces manifestations musicales ont remportés un très grand succès. Elles se déroulaient devant des salles souvent archi-combles composés d'un public de jeunes et d'enfants accompagnées par leurs parents.

Ces concerts étaient ensuite répétés dans une ville du canton ou dans les écoles.

Aujourd'hui ces concerts existent toujours et s'appellent concerts OCL du dimanche, le prix de l'entrée est un peu plus élevé, mais pas beaucoup, le principe de faire jouer en soliste un musicien de l'orchestre à persisté.

Le 13 octobre 2002, l'OCL fêtait les 50 ans des concerts populaires au Métropole.

Christian Zacharias dirigeait avec en soliste Edouard Jaccottet dans la symphonie No 32 en sol majeur de Wolfgang Amadeus Mozart.

Christian Zacharias, chef de l'OCL

Edouard Jaccottet, violoniste

Nous avons assisté à ce concert en famille.

Photo; tout à gauche, ma tante Andrée Desarzens,http://www.notrehistoire.ch/photo/view/52630/ violoniste et femme de Georges Desarzens. Le bébé, Mathieu Argenta, http://www.notrehistoire.ch/member/mathieu-argenta/ mon petit fils a assisté au concert sans "broncher", il est le premier arrière petit fils de Victor Desarzens.

Beaucoup d'émotions de joie et d'admiration pour ces magnifiques combats de notre père !

Dans cette interview Victor Desarzens rend un bel hommage de remerciement à la Ville de Lausanne; http://www.notrehistoire.ch/group/victor-desarzens/video/1017/

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  • Renata Roveretto

    Chère madame Martine Desarzens, juste encore deux liens à signaler, error 404 pour les deux avant derniers. Mais surtout je voudrais vous dire encore une fois merci pour vos excellents dossiers toujours très bien imagés et surtout très touchants