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Le nomadisme en Anniviers

Ignace Mariétan
Ignace Mariétan

Le texte qui suit est un extrait de la "causerie donnée à Zinal le 18 juillet 1932" par l'abbé Ignace Mariétan (1882-1971), président de la Murithienne et Docteur honoris causa de l'université de Lausanne (1937). Pour en faciliter la lecture, j'ai introduit des intertitres.

Le texte intégral se trouve à cette page. Il convient de lire ce texte avec les yeux de cette époque (1932).

Le nomadisme ou remuage

Le nomadisme est lié à toute industrie pastorale, il s'est restreint peu à peu à mesure que les vallées se peuplèrent et que les terrains se divisèrent. Dans les autres vallées des Alpes, il se limite à conduire les animaux de la vallée à la montagne et de la montagne à la vallée ; l'habitation permanente reste au village.

Dans le val d'Anniviers, les migrations sont à longue distance, à nombreuses étapes fixes et se distribuent sur tout le cours de l'année.

On descend en plaine

Au début du printemps plus de 2000 personnes se transportent à Sierre, constituant de vrais villages comme Villa, Muraz, etc. L'attraction des pays de vigne sur les gens de la montagne est fréquente en Valais mais nulle part ailleurs elle n'a entrainé le déplacement de populations entières. A mesure que la végétation monte on retrouve les Anniviards dans les villages distribués surtout vers le milieu de la vallée qui se prête le mieux à l'installation humaine. Chaque famille possède au moins trois bâtiments : maison d'habitation, grange avec écurie et un grenier sur pilotis (raccard) pour les provisions. On cite des familles qui possèdent jusqu'à une soixantaine de bâtiments épars dans la vallée.

On se rend aux mayens

On conduit ensuite le bétail d'altitude en altitude dans les « mayens» qui sont des pâturages de printemps et d'automne. Tantôt les constructions sont de simples granges avec écurie, tantôt elles sont des maisons d'habitation. La teinte bronzée du bois de mélèze leur donne un très bel aspect.

Pierre-Marie Epiney
13 juillet 1908

On va sur l'Alpe

Et enfin c'est l'alpe, seconde station au-dessus du village. Les alpages atteignent 2800 m. Ils appartiennent à des groupements de particuliers ou « consortages ». Les constructions sont rudimentaires : une cave pour le fromage et le beurre, une pièce où l'on fait le fromage et où logent les pâtres et un « parc » pour le bétail.

Des coutumes très originales sont conservées sur l'alpe, citons la bénédiction par le curé avec l'offrande des «Prémices», soit le lait de la troisième traite dont on fait des fromages qui seront offerts solennellement au curé à Vissoie. Le quatrième dimanche d'août, les montagnards apportent à l'église leurs fromages richement décorés du ciboire et du monogramme, et présentent leur offrande après avoir baisé le reliquaire.

Michel Savioz
26 août 1900
Les Prémices
notrehistoire.imgix.net/photos......

notrehistoire.imgix.net/photos...

Les Prémices, Vissoie 1931. Photographie Charles Krebser cité par Michel Savioz.

Retour aux mayens

Avec l'hiver les Anniviards remontent avec leur bétail jusqu'à Zinal pour « manger» le foin afin de restituer au sol en fumier ce qu'il donne en foin. C'est surtout sur ce point qu'ils s'écartent du nomadisme normal qui suit la période annuelle d'activité de la végétation.

Voir aussi

Pierre-Marie Epiney
23 septembre 2024
Pierre-Marie Epiney
23 septembre 2024

Photo d'illustration

Collection Isabelle Clivaz Savioz cité par Michel Savioz à cette page

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  • Yannik Plomb

    En résumé, le remuage dans le val d’Anniviers résulte d’une harmonisation entre les exigences naturelles de la vallée (climat, relief, ressources) et les pratiques sociales, économiques et culturelles développées sur des siècles pour répondre à ces contraintes. Merci pour cette belle et très intéressante publication

    • Pierre-Marie Epiney

      Merci Yannik pour ta synthèse clairvoyante et tes encouragements. Il me semblait que le texte de Mariétan découvert tout à fait par hasard avait sa place en complément aux nombreux documents consacrés à cette thématique.

      Pour approfondir le sujet, on lira avec profit l'ouvrage d'Armand Savioz intitulé "Anniviers le yin et le yang occidental" paru chez Georg, en particulier le chapitre consacré au "développement de la transhumance vers la plaine du Rhône" (p. 46 et ss) ainsi que "la fin de la transhumance vers la plaine du Rhône" (p.183 et ss)

  • Christian Freudiger

    Merci pour ces documents super-intéressants et de qualité !

  • Renée Danielle Caloz

    Bravo pour ce magnifique dossier. Ayant beaucoup séjourné à Vercorin dans mon enfance je me rappelle avoir observé les passages des Anniviards autour des Pontis. Mon grand-père me disait qu’ils méritaient tout notre respect. C’étaient des héros. Ce que je trouve curieux c’est que je ne crois pas avoir lu dans ces témoignages la mention de leur façon de communiquer à travers de longues distances en « huchant ».

    • Yannik Plomb

      Chez les Anniviards, un groupe montagnard du val d’Anniviers en Suisse, le terme "hucher" signifie appeler ou héler quelqu’un à voix forte, souvent en écho dans la montagne.

      Cette pratique traditionnelle permettait notamment aux bergers ou aux habitants, dispersés dans la vallée ou en altitude, de communiquer à distance. La montagne amplifiant les sons, ce cri servait à signaler sa présence, demander de l’aide, ou simplement transmettre des messages d’un lieu à un autre sans avoir à se déplacer. C’est une coutume liée à la vie pastorale et aux particularités de la topographie montagnarde.

      Cette pratique est mentionnée dans plusieurs ouvrages et textes historiques.

      Dans "Le Val d'Anniviers" (1893) de Louis Courthion, l'auteur décrit comment les bergers anniviards utilisaient des appels puissants pour se signaler d'une montagne à l'autre.

      De même, dans "Les Alpes valaisannes" (1925) de Charles Ferdinand Ramuz, l'écrivain évoque les cris des habitants de la vallée pour communiquer entre les alpages.

      Ces ouvrages offrent un aperçu précieux des traditions de communication à distance des Anniviards dans le passé.

  • Amanda Castello

    Il est bien difficile de faire un commentaire après avoir vu ces vidéos de Pierre Marie Epiney. C’est profondément émouvant d’écouter cette vie pour moi totalement inconnue de la montagne, de cette époque désormais révolue, inconnue à la plupart et qui pourtant a tellement à apprendre aux contemporains que nous sommes.
    Une vie extrêmement dure, avec une alimentation pauvre et un manque total de sommeil qui aujourd’hui porterait des enfants de huit ans soumis à ce régime à des maladies ou à la mort . Et pourtant au-delà de la difficulté, de la violence du climat et de ce type d’existence, dans la solitude, on perçoit une grande tendresse, un profond respect pour les animaux et pour la nature. Certainement les vaches étaient plus heureuses et plus respectées que leurs congénères aujourd’hui... En écoutant Roger, j’ai pensé à Bourvil, la même sympathie, le même rire. Quant aux aventures de Louis, Il est vraiment impayable ce monsieur. J’ai aimé aussi la communication avec les vaches exprimés par tous ces hommes et en particulier par Philippe. De magnifiques reportages à montrer dans les écoles pour récupérer la fierté d’être un éleveur respectueux de ses bêtes . Amanda Castello

Pierre-Marie Epiney
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7 janvier 2025
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