DE NUIT SUR LA ROUTE DE GRIMENTZ
par Robert Rouvinez, de Grimentz

Il y a un endroit entre St-Jean et Grimentz qui s'appelle Les Vouardettes. Dans le haut, lorsqu'on descend vers St Jean, le chemin est taillé dans des parois de rochers. Après ces rochers vient une forêt. Et là, entre la forêt et les parois, voici l'endroit d'où l'on aperçoit toujours les revenants. On entendait la "synagogue", on voyait des êtres en blancs, on entendait gémir. Rares étaient ceux qui osaient passer par là seuls la nuit, parce qu'ils étaient presque sûrs d'apercevoir quelque chose d'étrange.

Une fois, une personne était descendue à St-Jean pour aider des parents à encaver. On était en automne et on amenait le vin de Sierre. C'est le moment qu'on choisissait pour s'inviter entre amis, entre parents et faire une ribote. On mangeait du pain, des noix et on buvait tant qu'on pouvait. A la fin de la journée, notre gaillard s'en revient de St-Jean, complètement ivre. Au moment d'arriver à l'endroit hanté, il eut quand même un peu d'appréhension, un peu de crainte. Pour se donner du courage, pour montrer qu'il n'avait pas peur, il poussa une puissante "huchée".

Tout-à-coup, à peine a-t-il huché qu'il entend une réponse venant du côté du Mayen des Moyes. Il se dit : tiens, il y a encore quelqu'un par là-haut qui m'a entendu. Tout content il recommence ! La seconde fois, la réponse vient d'en bas, depuis les Moulins de Missions. Il en fut tout étonné et se dit : il m'avait semblé qu'on avait huché depuis les Moyes, et maintenant voilà que ça vient d'en bas... C'est tout de même curieux... Essayons encore une fois, se dit-il. Le voilà qu'il huche pour la troisième fois.

A peine eut-il fini qu'on lui pousse une "huchée" dans les oreilles. La grande peur qui l'assaillit le fit tomber sur son derrière. Il resta là on ne sait combien de temps avant de reprendre ses esprits. Après avoir retrouvé sa connaissance, il se leva et repartit comme il put pour Grimentz, malade de peur pour toute une semaine.

Patois d'Anniviers et d'ailleursAvec l'aimable autorisation de © Jean-Claude Pont.

Photo: © Nicole Salamin