Les Champandal, exilés huguenots du XVIIème siècle Repérage

1700
France Puy-de-Dôme/Ballens Vaud
Claire Bärtschi-Flohr

Voici l’histoire de deux frères Champandal, de leur fuite de Job dans le Puy-de-Dôme jusqu’à Ballens, dans le canton de Vaud.

« Job est une commune française située dans le département du Puy-de-Dôme. La superficie de la commune est de 4268 hectares ; l’altitude varie entre 492 et 1634 mètres. Le point culminant de la commune (c’est aussi celui des Monts-du-Forez dans leur entièreté) se trouve à 1634 mètres au sommet Pierre-sur-Haute, qui se trouve à la frontière avec le département de la Loire (commune de Sauvain).

Job bénéficie d'un espace naturel diversifié qui va du bocage du bassin d'Ambert, aux hautes chaumes des crêtes du Forez, en passant par de vastes forêts de sapins pectinés (sapins blancs) exploitées en futaie jardinée. La commune de Job est traversée par de nombreux cours d'eau dévalant les montagnes environnantes. » (source : wikipedia)

La commune de Job regroupe plusieurs villages et lieux-dits, dont Pailhat.

« Pendant plus de cent cinquante ans, du milieu du XVIème siècle à la fin du XVIIème, Job, et spécialement le village de Pailhat, s’affirmèrent comme un des hauts lieux du Protestantisme en Auvergne dans la mouvance du Calvinisme, en étroite relation avec Genève.

Restant minoritaire au sein de la paroisse, en butte à l’intolérance ambiante et à l’hostilité du clergé catholique, la communauté huguenote de Job connut bien des malheurs et ne dut sa survie pendant ce siècle et demi, qu’à ses inébranlables convictions religieuses.

Dans les années 1570-1580 elle est prise dans la tourmente des guerres de Religion qui n’épargnent pas le Livradois avec la prise d’Ambert en 1577 par le redoutable capitaine huguenot Merle, puis sa reconquête par le parti catholique qui lance une expédition punitive contre Pailhat. La signature en 1598 par Henri IV de l’édit de Nantes apportera un répit et même une reconnaissance officielle à la communauté de Job qui pourra se développer jusqu’à réunir jusqu’à 400 membres.

Ce furent plus tard les pressions, tracasseries et persécutions qui s’amplifièrent après l’avènement de Louis XIV, pour aboutir, en 1685, à la révocation de l’édit de 1598. Un terrible choix est alors imposé aux protestants, l’abjuration de leur foi ou l’exil. La plupart se soumettent, au moins en apparence. Les plus convaincus et les plus courageux abandonnant tous leurs biens s’exilent vers les pays protestants voisins, notamment en Suisse, à Genève et dans le Canton de Vaud, et en Allemagne, dans la région de Hesse, où l’on trouve actuellement de nombreux descendants des huguenots venus de Job.

Au début du XVIIIème siècle il ne restait plus dans la paroisse que quelques vieillards qui n’avaient pas abjuré la religion réformée. Le dernier d’entre eux, Pierre Pirel, mourut en janvier 1720 et fut enterré dans son jardin de Tournebize. » (Source : Jacques Dixmérias, « Mémoire de Job »).

On le voit, les persécutions ont débuté bien avant la signature de la Révocation de l’édit de Nantes. Dès les années 1650, l’Église catholique et le pouvoir royal commencent à oeuvrer à l’éradication de « l’hérésie de la Religion prétendue réformée ». Mesures restrictives pour le Culte réformé, pour le prêche des pasteurs, interdiction d’exercer certaines professions, pressions pour convaincre d’abjurer, etc. etc.

Le texte de M. Dixmérias nous informe également que la communauté huguenote de Job entretenait une école. « Les conséquences de la scolarisation des enfants huguenots se traduiront dans le fait qu’à partir des années 1650, bon nombre de chefs de famille sauront signer très correctement leur nom au bas des actes notariés ».

Nous voici donc en 1685, à Pailhat/Job dans le Puy-de-Dôme, village habité par de nombreuses familles ayant embrassé la foi huguenote. Le roi Louis XIV vient de signer la Révocation de l’Edit de Nantes et le pasteur de Pailhat, M. Desmezeaux, est sommé d’établir la liste exhaustive de ses paroissiens. Cette liste comprend plus de 400 noms de protestants et détaille par ménage les noms, parentés, enfants, âges, professions,etc. (Elle est actuellement conservée aux Archives Nationales de France).

Deux frères, Pierre et Mathieu Champandal, leurs épouses respectives, Antoinette Crohas et Jeanne Pirel, signent, le 20 novembre 1685, un simulacre d’abjuration devant le curé Béraud de la paroisse de Job.

Pourquoi les deux frères ont-ils fait semblant de rejoindre la communauté catholique ?

Didier Barrilliet suggère l’hypothèse suivante : parce qu’ainsi, ils ont pu vendre leurs terres et leurs biens, (chose interdite aux huguenots), et partir avec de l’argent destiné à leur établissement futur.

Les deux frères sont notés comme « laboureurs ». Ils sont fils d’Antoine Champandal (vers 1629-après 1689) et de Suzanne Clouvet (vers 1638-avant 1685).

Quelques temps plus tard, ils quittent Pailhat/Job avec leur femme et se réfugient en Suisse. Ils s’installent dans le canton de Vaud, à Ballens. Selon Didier Barrilliet, les voyages devaient s’effectuer de nuit, il devait exister un réseau clandestin d’étapes pour accueillir les fugitifs. Ils ont sans doute voyagé avec quelques autres familles et il faut les imaginer entourés d’enfants en bas âge, de vieillards peut-être, assis sur les chars. Les adultes venaient à pied.

« C’est probablement mon ancêtre, Jean Pirel, aubergiste et voiturier à Pailhat, qui leur a permis de quitter le royaume par Lyon et peut-être Genève... » raconte M. Dixmérias dans un courriel.

« En effet, sa profession de patier, qu’il exerçait avec celle d’aubergiste l’amenait à faire beaucoup de déplacements pour collecter des chiffons à destination des papeteries de La Forie et d’Ambert. Il devait posséder un ou plusieurs attelages de vaches ou de bœufs car le cheval de trait était alors très peu utilisé dans la région du Livradois-Forez. Il transportait des familles entières, avec leurs hardes et bagages ».

« Ce Jean Pirel, dit Pirolet, né vers 1662, a pu échapper aux poursuites de la justice royale. Il est mort en 1742 sans avoir abjuré. Le curé de Job a toutefois consenti à ce qu’il soit enterré dans le cimetière paroissial, mais sans l’avoir muni des derniers sacrements. Jean Pirel n’avait pu auparavant empêcher la conversion de son épouse, ni le baptême catholique de ses enfants. Ses descendants seront de bons catholiques. » (source J. Dixmérias)

Pierre Champandal (né vers 1660) et Antoinette Crohas (également née vers 1660) ont eu quatre enfants dont un fils, Isaac (né à Ballens en 1695.

Cet Isaac a épousé une Jeanne Pittet (née en 1700). Ils se sont mariés à Pampigny, Vaud, en 1722. Ils ont eu deux fils :

Jean Samuel (né à Ballens en 1725), dont dépend notre lignée...

et Jean Marc Abraham (né à Ballens en 1730), qui est l’ascendant de la famille de la célèbre Doctoresse Champendal (1870-1928) et de son frère Charles Marius, (1869-1939), qui fut propriétaire d’un restaurant bien connu de Carouge, 29, rue Jacques-Dalphin.

Voici donc révélé le lien de parenté entre les deux familles.

Le nom de famille sera dorénavant orthographié Champendal et non plus Champandal.

Ce document reflète l’état actuel des recherches que nous avons effectuées pas à pas, Didier Barrilliet et moi. Didier est l’arrière petit-fils de Jeanne Suzanne Champendal (1860-1918), sœur de Jacques François (1858-1902), père d’Emile Champendal (1884-1938), et grand-père de Renée, épouse Flohr (1913-1990) et de François Claudius dit Claudi Champendal (1917-2001).

Thierry Remuzon a publié un article très documenté sur un autre Pierre Champandal, dit La Fleur, né à Pailhat vers 1634 mais établi à Lyon. Revenu à Pailhat avec sa femme Jeanne Roustan dans les années 1690, il devait, lui aussi, jouer le rôle d’agent de liaison entre les familles exilées et la communauté de Job car il est poursuivi en 1693 pour avoir, lors d’un voyage, apporté des nouvelles de huguenots exilés en Suisse.

Bibliographie :

Thierry Remuzon : « Entre Réforme et Contre-Réforme : Pierre Champandal, « La Fleur », et les siens »_Chroniques historiques du Livradois-Forez no 41_2019

MM. Boy et Remuzon : "Histoire des protestants du Livradois du XVIème au XVIIIème siécle", numéro hors-série 39_2003_Editions GRAHLF à AMBERT (63)

Jacques Dixmérias :« Mémoire de Job »

L’illustration choisie provient du site des « Huguenots of America », représentant des huguenots français à Berlin au XVIIIème siècle.

Rappelons que nos huguenots auvergnats ont probablement voyagé sur des chars tirés par des bœufs et que leur voyage a eu lieu quelques décennies auparavant.

Documents lus après rédaction, en 2022 :

Un huguenot de Marsillargues réfugié en Suisse (lettres de Jean Farenge à sa famille 1686-1689)

Un chemin de mémoire en terre vaudoise in revue Passé Simple no 74 avril 2022 p.34

Sur les pas des Huguenots et des Vaudois du Piémont en Pays de Vaud de Marie Nora/Raymond Gruaz_Assoc.vaudoise des amis du sentier des huguenots.

L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme de Max Weber, un classique.

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  • Philippe Chappuis

    A mon tour de vous féliciter pour ce document d'une migration pleine de sens pour nous romands ! Savez-vous si certains de vos ancêtres ont adhéré à l'Eglise libre lors de la fracture vaudoise de l'Eglise protestante en 1845 ?? J'ai toujours vu ma grand mère maternelle Mary Burnand portant une croix huguenote comme ici à la fin de sa vie notrehistoire.imgix.net/photos... Son père était issu d'une famille huguenote française habitant la Normandie les de Neufville qui s'étaient installés à Francfort sur le Main. Mary et Franz Burnand faisait partie de l'Eglise libre....

    • Renata Roveretto

      Cher monsieur Philippe Chappuis, je voudrais encore vous dire que j'aime énormément cette excellente prise de vue avec le portrait de madame Mary Burnand, femme belle, âgée, généreusement souriante ayant l'air profondément heureuse et encore et toujours pleine de vie en fin de vie !

  • Claire Bärtschi-Flohr

    Bonjour et merci, Je ne sais rien au sujet d'une éventuelle adhésion de mes ancêtres à cette scission. Mais, dans ma famille genevoise, nous portions la même croix. Il me semble que c'est la croix de tous les réformés. J'en ai porté une dans ma jeunesse. On la recevais au baptême ou à la confirmation. Mon mari a toujours la sienne, il est neuchâtelois et n'a pas d'ancêtre huguenot. Merci pour votre message et bonne continuation.

    • Philippe Chappuis

      La croix huguenotte semble associer croix et pendentif. Comme ci-dessous et chez ma grand mère museeprotestant.org/wp-content... Il s'agit d'une des nombreuses variations... Dans la croix originale, le pendentif est une colombe... museeprotestant.org/wp-content... C'est ce que j'ai trouvé dans ce site "Musée protestant" (museeprotestant.org/notice/la-...). Il est tout à fait possible comme c'est le cas pour les mots, qu'il y ait une dérive sémantique renvoyant à l'appartenance protestante et réformée en général , la vôtre ou celle de votre mari ont-elles un pendentif ?

    • Claire Bärtschi-Flohr

      Oui, nous avons une colombe ! Bonne journée.

    • Renata Roveretto

      Chère madame Claire Bärtschi-Flohr, maintenant que vous avez donnez réponse à cette question, j'aimerais juste vous rendre attentif aux liens ci-dessous, susceptible de pouvoir vous intéresser du moins un peu...bonne lecture à vous chère madame, avec mes salutations les meilleures.

    • Claire Bärtschi-Flohr

      Oui, merci, je les avaient lus... Ils seront utiles pour ceux qui liront ce récit. Bonne journée.

    • Renata Roveretto

      Merci chère madame Claire Bärtschi-Flohr pour votre réponse très claire !

  • Renata Roveretto

    Bonjour, ici un lien qui peut vous intéresser: www,fr.wikipedia.org/wiki/Huguenot

  • Renata Roveretto

    Et encore un autre lien ici concernant le sujet: rts.ch/info/suisse/10074835-en...

    • Philippe Chappuis

      Merci de cette recherche ! J'en conclus, ce qui nous mettra les uns et les autres en parfaite harmonie, "Une croix huguenote, symbole de ralliement des protestants"

  • Marie-Françoise Deschamps

    Je viens de tomber sur votre document, il y a quelques années j'avais effectué des recherches sur la généalogie de la grand-mère de mon mari qui s'appelait Pirel et j'étais remontée jusqu'à un Raymond Pirel mort à Pailhat en 1816 peut-être descendons nous de ce Jean Pirel dit Pirolet .....

Claire Bärtschi-Flohr
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7 avril 2021
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