L'agriculture au féminin
L’agriculture au féminin
Dans le domaine de l’agriculture en Suisse, les femmes restent encore le plus souvent « femmes de paysans ». Arrivées à la terre par amour ou par tradition familiale, il est rare qu’elles détiennent les rênes d’une exploitation dont elles n’héritent qu’exceptionnellement.
Des chiffres
En 2021, on avance encore les chiffres suivants, marqués du poids de la tradition : 93% des exploitations agricoles en Suisse sont dirigées par un homme. Et les paysannes constituent 61% de la main d’œuvre familiale salariée. Dans l’agriculture helvétique, la femme joue donc souvent un rôle indispensable mais n’occupe que rarement le premier plan.
Histoire des paysannes
C’est pourtant dans le canton de Vaud qu’en 1918 qu’Augusta Gillabert-Randin (1869-1940), une paysanne déterminée et exploitant seule son domaine, fonde à Moudon la première association de paysannes de Suisse. Cette première association vise la commercialisation commune de produits et l’achat de semences à prix avantageux. En pionnière, Augusta Gillabert-Randin devient en 1932 la présidente d’honneur de l'Union des paysannes suisses, tout juste fondée, qui porte son effort à l’échelle fédérale et s’engage depuis lors en faveur de la reconnaissance des femmes rurales.
Femme et paysanne : un double statut difficile à concilier
Hier comme aujourd’hui, la difficile conciliation des tâches ménagères avec le travail agricole est au centre des préoccupations des femmes paysannes. Emilia Hainard des Brayards (NE), membre de l'Association des femmes paysannes, témoigne en 1977 du quotidien des paysannes dans le magazine Femmes suisses et le Mouvement féministe :
« Outre (…) la production du travail ménager quotidien et l'éducation dispensée aux enfants, la femme paysanne se voit confrontée à de multiples autres occupations laborieuses. Commençons par mentionner la responsabilité qu'elle exerce dans la participation aux décisions de l'exploitation agricole et plus particulièrement dans la gestion de celle-ci. Souvent, en effet, elle s'occupe seule et entièrement de la comptabilité, si bien qu'elle est celle qui sait et par là même celle qui donne le feu vert pour des achats souvent importants. C'est également sur elle que repose la responsabilité de la garde des petits animaux (…) [Enfin, il ne faut pas] oublier l'importance du rôle des femmes pendant la période de service militaire, [et] de l'aide fournie par celles-ci lors des grands travaux, comme les fenaisons par exemple. »
Véritable femme-orchestre, les paysannes peinent à se faire reconnaitre. Sur le plan politique, elles s’engagent en faveur du suffrage féminin dans les années 1970 et une décennie plus tard, la révision du droit matrimonial les mobilise, car la transmission des domaines agricoles et le problème des successions les touchent directement.
Les femmes aux champs
Photos et cartes postales publiées sur notrehistoire illustrent la rudesse des travaux des femmes aux champs durant le 20e siècle. Elles montrent des paysannes accomplissant des tâches en lien avec les soins au bétail, la traite des vaches et la fenaison.
Notrehistoire contient notamment de nombreux documents sur la vie paysanne en Valais. Parmi ceux-ci, un ensemble remarquable de cartes postales met en scène les femmes du Val-d’Illiez dans leurs activités quotidiennes aux champs, montrant leur habillement très particulier. En effet, dès 1830, les paysannes de la région revêtent le pantalon et un foulard rouge comme costume de la semaine.
Voir également la galerie consacrée au foulards rouges du Val-d'Illiez.
Femme de paysan : un métier à apprendre
Être femme de paysan et s’engager sur l’exploitation familiale ne s’improvise pas. Il faut accepter le cumul des emplois : s’occuper des tâches domestiques, de l’éducation des enfants, assurer le soutien de famille tout en contribuant aux tâches agricoles. Il faut savoir tout faire. Le temps est révolu où il suffisait d'être initiée dès l'enfance aux activités ménagères et agricoles par sa mère, selon les traditions fidèlement transmises.
En Suisse romande, l'art d'être une bonne épouse de paysan… cela s’apprend à l'école ménagère de Marcelin, dans le canton de Vaud. Fondée à Lausanne en 1870, avant d’être transférée à Marcelin en 1922, l’école ménagère rurale enseigne aux jeunes filles les principes de l’économie familiale et de la vie paysanne, alors que l’Ecole d’agriculture, installée sur le même site, est réservée aux garçons.
Qu’apprend-on à l’école ménagère rurale de Marcelin ? Reportage en 1964
En 1964, l’introduction d’un diplôme de paysanne met filles et garçon à égalité. Le cursus doit « aider à acquérir une méthode de travail rationnelle qui allège la tâche des paysannes. Enfin, il autorise les paysannes diplômées à former des apprenties. »
Dans les années 1960, la transition accélérée des campagnes est en marche. La paysannerie se transforme : mécanisation, engrais de synthèse, féminisation et l’ouverture à la concurrence internationale bousculent les habitudes. Pour capter ces changements, des paysannes sont invités à s’exprimer sur leur réalité.
A la tête d'un domaine
Les circonstances de la vie ont imposé à Germaine Laedermann de reprendre le domaine familial : une lourde tâche qu’elle évoque en 1965.
La paysanne genevoise
En 1968, la réalité des paysannes du canton de Genève diffère selon les exploitations agricoles et leurs champs d’activités : rencontres avec quelques-unes d’entre elles qui évoquent leur quotidien.
Quatre générations sous le même toit
Autre mode de vie à la ferme : en 1968 encore, quatre générations de la famille Rochat s'abritent sous le même toit à Mauraz dans le canton de Vaud: de Jules Rochat l'arrière-grand-père âgé de 91 ans au bambin de 6 ans, tous vivent à la ferme et se retrouvent autour de la table pour le repas. Les femmes expliquent leur rôle.
Plusieurs documents de la galerie montrent des agricultrices au travail. Les mutations du monde paysan se poursuivent. L’introduction de l’agriculture biologique dans les années 1970-1980, la permaculture ou encore l’urban framing constituent les jalons récents de cette histoire, dans lesquels de nombreuses femmes s’engagent.
Sources
Dictionnaire historique de la Suisse, « Augusta Gillabert-Randin (1868-1940) » (en ligne) hls-dhs-dss.ch/fr/articles/009... (09.05.2022)
L. Woellmy, « Formation professionnelle des jeunes paysannes », Femmes suisses et le Mouvement féministe : organe officiel des informations de l'Alliance de Sociétés Féminines Suisse, No 50, 1962, p. 4. E-periodica (en ligne) https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=emi-002%3A1962%3A50%3A%3A37 (09.05.2022)
S.N. , « La maison paysanne à l’exposition nationale », Femmes suisses et le Mouvement féministe : organe officiel des informations de l'Alliance de Sociétés Féminines Suisse, No 51, 1963, p. 6. E-periodica (en ligne) e-periodica.ch/cntmng?pid=emi-... (09.05.2022)
Raymonde Jaggi, « Formation professionnelle des paysannes : L’an prochain premiers examens de diplôme », Femmes suisses et le Mouvement féministe : organe officiel des informations de l'Alliance de Sociétés Féminines Suisses, No 51, 1963, p. 3. E-periodica (en ligne) e-periodica.ch/digbib/view?pid...notrehistoire.ch/tags/362">#36... (09.05.2022)
Emilia Hainard, «Billet de la paysanne : l'évolution de la condition de la femme en milieu paysan», Femmes suisses et le Mouvement féministe : organe officiel des informations de l'Alliance de Sociétés Féminines Suisses, No 65, 1977, p. 3. E-periodica (en ligne) e-periodica.ch/digbib/view?pid...notrehistoire.ch/tags/468">#46... (09.05.2022)
Sanna Bührer Winiger, Engagées ensemble depuis 90 ans 1932 – 2022, Union suisse des paysannes et des femmes rurales USPF, 2022 (en ligne) paysannes.ch/app/uploads/2022/... (09.05.2022)
Voir également notrehistoire.ch/galleries/agr...
Nos vies : un siècle d’histoire des Suisses par leurs images
Le Fonds Chappuis à Photo Elysée
Suite à la donation du Fonds Pierre Auguste Chappuis (1888-1980) à la Fondation Plateforme 10 à Lausanne. notreHistoire.ch est allé à la rencontre de Photo Elysée pour mieux comprendre la politique d'acquisition de l'institution. La conservatrice Fanny Brülhart a répondu à nos questions.