Repérage
Cabane-grotte au Pas du Lustre

Cabane-grotte au Pas du Lustre

Collection André Groux
Sylvie Bazzanella

Cabane-grotte au Pas du Lustre.
Premier projet en 1867 : un simple mur de pierres sèches.
Deuxième projet en 1869, réalisé en 1871 et abandonné en 1873.
Constructeur : Philippe Cherix, guide, Les Posses-sur-Bex.

La première ascension des Diablerets du côté d'Anzeindaz a été faite en 1856 par MM E. Rambert, professeur, Ch. Bertholet, forestier et Koella, professeur, sous la direction du guide Philippe Marlétaz. Chemin le plus court pour les lausannois, il s'est vite révélé nécessaire d'améliorer ce fameux Pas du Lustre qui effrayait les ascensionnistes peu exercés. Il y avait en particulier, au haut de la paroi, un gros bloc qui barrait le chemin et qu'on était obligé de contourner au-dessus du précipice, en l'étreignant des deux bras.

La paroi inférieure fut entaillée de manière à présenter des marches solides ; en outre, de distance en distance, quelques chevilles de fer furent fixées dans le roc pour servir de point d'appui, puis une sorte de cheminée facile à gravir fut taillée, afin d'éviter aux ascensionnistes la gymnastique autour du bloc, qui constituait le principal obstacle. Puis un abri provisoire fut construit en pierre sèche, sous une roche surplombante, un peu au-dessous du Pas du Lustre.

Cette idée d'un refuge, en cet endroit, fut reprise et discutée à plusieurs reprises. En 1871, ce refuge fut construit au pied du Pas du Lustre, au commencement de la Vire Bernus, d'après les plans adoptés par la section.

L'un des compagnons d'Eugène Rambert dans sa première ascension, G.-A. Koella, publiait dan le Conteur Vaudois du 28 octobre 1871, un article sur le nouveau refuge. On y trouve les précisions suivantes :

« …C'est le guide Philippe Cherix, des Posses sous Gryon, ancien mineur des salines de Bex, qui s'est chargé de ce travail pénible et difficile. Il a fallu 38 journées de travail et faire, pour ainsi dire, chaque jour l'ascension des Diablerets (à peine à 20 minutes du sommet) par des temps souvent mauvais ou très froids.

L'abri est creusé dans un rocher saillant qui domine la voie au point où se rencontrent les deux chemins, venant l'un du Plan les Iles et l'autre d'Enzeinde. Le pas du Lustre y touche presque. Avec son mur ovale, lisse, d'un jaune pâle, recouvert horizontalement par le rocher qui le dépasse, cet abri ressemble à un colossal nid d'hirondelles. Sur le second plan s'élève une paroi verticale qui ajoute à la hardiesse de ce site et masque en grande partie la corne occidentale des Diablerets. Le travail pour creuser le roc, au moyen des mines et du marteau, a été fort long, vu le peu de compacité du rocher et son humidité. Un maçon a travaillé 7 jours avec Cherix à la construction du mur, qui n'a pas moins de 3 pieds d'épaisseur à la base et 2 en haut. La porte, solide et fermant bien, est à l'abri de la bise ; il y sera pratiqué une fenêtre, le jour pénétrant par la lucarne percée dans le mur épais n'éclairant pas suffisamment. Un plancher en bois et un petit fourneau en fer, garni d'une respectable marmite, forment tout le confort de la cabane. L'adjonction de quelques objets indispensables comme table, tasses, pots et cuillers doit porter ce confort au plus haut degré possible… »

Sources : Les Alpes - Revue du Club Alpin Suisse, 1er trimestre, 35e année, 1959.

Les cinquante premières années de la Section des Diablerets - CAS E. Busset 1913

Plan de la cabane :

Tiré de : Sentiers de cabanes / Charles Kraege
Lausanne : Ed. de la Section des Diablerets du Club alpin suisse, 1979

Cet abri ne rendait pas les services qu'on attendait. Orienté Nord-Ouest, il ne tarda pas à se remplir de glace et fut complètement abandonné et auto-détruit.

Une vraie cabane voit le jour en 1904. Des travaux d'agrandissement s'y effectuent en 1921, puis en 1952. En 1955, la section CAS Chaussy acquiert la cabane.

Pourquoi nomme-t-on cet endroit Pas du Lustre ?

En 1857, Jean Muret, le botaniste distingué, voulut lui aussi, avant de mourir, mettre le pied sur la plus haute cime vaudoise, en passant par le chemin nouvellement découvert par M. Rambert et ses compagnons. A la descente le vieux guide Marlétaz, dit l'oncle Philippe, exigea du « papa Muret » (comme il l'appelait), alors dans sa cinquante-neuvième année, qu'il se laissât passer une corde sous les bras pour le retenir, cas échéant. De retour à Anzeindaz, près du feu du père Pittier, celui-ci demanda comment la grimpés avait réussi. A quoi Muret répondit : « Je suis très content, tout a bien été, si ce n'est qu'à un mauvais pas, ces brigands m'ont suspendu comme un lustre. » La comparaison fit rire et le passage se trouva baptisé du nom de Pas du Lustre

Réf : Echo des Alpes. Lettre d'un témoin de l'incident.

© Collection particulière de André Groux, Lausanne

Photo sur plaque de verre.

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