" Viens, grand-maman, allons mourir ensemble ! »

26 janvier 1946
Laques
photo: Sophie Providoli; texte : Monique Aebischer
Pierre-Marie Epiney

Contextualisation

Selon ce site, "Vendredi soir, 25 janvier 1946 : la nuit était déjà tombée sur Sierre enneigée. À 18h32, le sol a été secoué pendant quelques secondes. Les habitants se sont rués dehors, cheminées et tuiles sont tombées des toits et les rues ont été parsemées de décombres. Une panne d'électricité a laissé la ville dans l'obscurité totale pendant dix minutes. Les lignes téléphoniques ont été immédiatement saturées. Des conditions chaotiques dans une incertitude totale ont régné pendant quelques heures.

Ce n'est que le lendemain que les conséquences du tremblement de terre, d'une magnitude de 5,8, sont apparues au grand jour : 4 morts, 3500 bâtiments endommagés. En francs constants, le montant des dommages s'élèverait aujourd'hui à 26 millions de CHF."

Le témoignage ci-dessous qui fait écho à la vidéo d'Odile Antille-Crettol est une nouvelle pierre ajoutée à l'édifice de ceux qui ont vécu ce tremblement de terre et dont l'ensemble est réuni à cette page.

Trois extraits de journaux sont aussi publiés ci-dessous.

Il s'agit du récit de Monique Aebischer-Crettol, la soeur d'Odile Antille-Crettol dont le témoignage figure au-dessous.

Sœur d’Odile, née en décembre 1938 (âgée d’à peine plus de 7 ans lors de cet événement terrifiant) voici ce dont je me souviens : le tremblement de terre nous a jeté sur la route devant la maison et la mémoire d’Odile, dans son témoignage, est fidèle.

Quant à moi, et tandis que nous nous retrouvions avec nos voisins de Laques sur le chemin conduisant à la grand’ route, je me sentais angoissée et abandonnée dans le noir, nos parents s’occupant des frères et sœurs plus jeunes (1940, 1941 et 1944). Apercevant ma grand-mère, Barbe Crettol, parmi la petite foule rassemblée, je me suis élancée vers elle, glissant ma petite main dans la sienne. Et je lui ai dit – c’est elle qui, bien plus tard, me l’a répété – : « Viens, grand-maman, allons mourir ensemble ! ». J’étais en effet persuadée que c’était la fin du monde et que notre maison s’était effondrée. Grand-maman s’est contentée de me serrer la main qu’elle n’a plus lâchée… Lorsque les petites secousses ont cessé et que vers le matin, les parents ont dit : « On va rentrer », je ne comprenais pas ce qu’ils voulaient dire. Rentrer où ? Et je me souviens de ma stupéfaction lorsque je constatais que notre maison avec ses murs épais (maison Antoine de Lovina et Annemarie de Chastonay, 1728, *) était encore debout. [photo d'illustration]

Mais pour moi, l’histoire ne se termine pas là : la frayeur avait été si violente que j’en avais perdu l’appétit et le sommeil. Au point que mes parents ont consulté un médecin à Sierre qui leur a suggéré un changement d’air. C’est ainsi que j’ai abouti chez ma tante Angèle de Lausanne qui a bien voulu me prendre en charge pendant un certain temps. Le changement a été radical : d’un univers paysan à un milieu citadin sophistiqué; il a été opérant. Ma tante, qui était aussi une bonne couturière, m’a confectionné de jolies robes dont j’ai encore le souvenir, et j’ai apparemment très vite pris l’accent local. Si bien qu’à mon retour, mes frères et sœurs se sont abondamment moqués de moi, ce dont je me souviens aussi encore aujourd’hui…

Monique Aebischer-Crettol

*MOLLENS, une commune, une histoire" 2019, pp. 78-80

Merci à Sophie Providoli pour son prêt d'image.

Journal et Feuille d'Avis du Valais, 28 janvier 1946 [pour voir en plus grand, cliquez sur ce lien] :

notrehistoire.imgix.net/photos...

Le Rhône du 29 janvier 1946 [pour voir en plus grand, cliquez sur ce lien] :

notrehistoire.imgix.net/photos...

La Liberté de Fribourg du 29 janvier 1946 [pour voir en plus grand]:

notrehistoire.imgix.net/photos...

Nouvelliste valaisan du 27 janvier 1946 [pour voir en plus grand]:

notrehistoire.imgix.net/photos...

Qu’arriverait-il aujourd’hui dans la vallée du Rhône, si un séisme comparable survenait ? [source]

En raison de la densité plus importante des constructions, les conséquences d'un tremblement de terre de même force seraient aujourd'hui bien plus importantes.

Contrairement à 1946, le fond de la vallée du Rhône est désormais densément peuplé, et accueille d'importantes installations industrielles. De plus, le sous-sol est défavorable aux constructions à cause des effets de site. L’amplitude des ondes sismiques peut être dix fois plus grande dans les sédiments non consolidés. Autrement dit, les secousses sont ici bien plus importantes que sur sol rocheux, ce qui peut entraîner des dégâts plus lourds aux bâtiments, jusqu‘à l’effondrement. Comme de nombreux bâtiments ne résisteraient probablement pas à un fort séisme dans ces conditions, on attendrait beaucoup plus de victimes qu'en 1946.

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  • Renata Roveretto

    Oui, votre documentation très fournit montre bien que la terre à tremblée en secouant la confiance en la vie de beaucoup de gens....lesquels, certainement comme si bien décrit par madame, n'avaient pas envie de quitter la planète terre tout seuls.......(non-accompagnées).

    • Pierre-Marie Epiney

      Oh oui, je pense que personne n'a envie de mourir tout à fait seul... Ce témoignage ne fait-il pas un peu écho à ce que nous vivons ?

    • Renata Roveretto

      Oui cher monsieur Epiney Pierre-Marie, parfaitement...et identique pour toutes sortes de situations ponctuelles, semblables et ignorés de la plupart entre nous, estimant bien trop facilement, de ne pas être concernés par ce qui arrive que aux autres (de préférence et ou par négation du possible envers soi même)....bien triste !

  • Anne-Marie Graber-Pont

    Comment on peut s'habituer à tout