La raclette est le mets national valaisan. D'origine inconnue, mais de tradition fort ancienne, cette royauté gastronomique et populaire n'a jamais vu méconnaitre son autorité et elle ignore les révolutions.

La confection en est simple; il faut d'abord se procurer un bon fromage gras du Valais, une de ces pièces respectables de Bagnes ou de Conches, âgé de 2 ou 3 mois, afin que les outrages du temps n'aient encore altéré ni son cœur, ni sa carapace; ceci fait, on coupe la pièce par le milieu, puis on l'approche d'un feu vif, - foyer rustique, creusé en terre, du bon vieux temps ou fourneau cylindrique ad hoc de nos jours, - Sous la caresse de la flamme, le bon fromage s'émeut, s'attendrit, se dore;

La raclette à Savièse, de Ernest Bieler

quand il est à point- et il y a là une occasion délicate à saisir par le plus ténu de ses cheveux, - une jeune fille, en costume de Savièse ou d'Evolène, s'empare de la pièce, l'appuie sur son bras gauche d'un geste gracieux et, de la main droite, racle sur l’assiette la pâte succulente et à demi fondue. Le couteau fait tomber les bords croustillants du fromage, que l'on appelle religieuse ou dentelles puis, vite, un coup de poivre, une bonne pomme de terre fumante, qui prend à cette occasion solennelle le nom de grive et que l'on relève d'un poivron, velu et juteux, et l'on envoie ce régal dans les profondeurs de l'estomac, appuyé d'une forte rasade de muscat ou de fendant.

D'après Jules Monod, texte tiré du livre de lecture à l'usage des Écoles primaires du Canton du Valais, cours moyen et supérieur, édité en 1913.