Arthur HONEGGER, Le roi David, texte de René MORAX, EVL, OSR, Daniel REUSS, 2016
Le Roi David décrit l'extraordinaire épopée de David et son passage de l'humble état de berger au faîte du pouvoir. Il donna lieu à deux versions successives: une musique de scène composée en 1921, accompagnant le drame lyrique de René MORAX, donné en première audition au Théâtre du Jorat à Mézières le 11 juin 1921, puis l'oratorio qui en est issu, réorchestré et donné en première audition dans une version en allemand en 1923 à Winterthour puis en français à Paris, Salle Gaveau, et à Rome en 1924. Dans son oeuvre, le poète suit le récit des livres de Samuel et des Chroniques qu'il divise en cinq actes ou «degrés» - faisant ainsi, d'un degré à l'autre, passer David de l'état de berger à celui de chef de bandes, puis à celui de capitaine, de roi, de prophète.
Arthur Honegger, Paris vers 1950, ParisEnImages © Boris Lipnitzki/Roger-Viollet
Au départ, l'oeuvre était donc un spectacle alternant dialogues parlés, musique et danses, conçue pour la réouverture du Théâtre du Jorat, le tout durant environ 4 heures! Malgré cette dimension, le spectacle eut un immense succès, qui devait marquer la carrière du compositeur.
Pour la musique, le jeune Arthur Honegger fut choisi au dernier moment - deux mois seulement avant la première représentation! - par René Morax sur les conseils d'Ernest Ansermet et Igor Strawinski:
"[...] Jeune compositeur extrêmement prolixe, Honegger s'était déjà frotté à la musique scénique. Ce nouveau projet l'intéressa donc aussitôt, comme il le confiera plus tard: «Sans bien apprécier l'importance du travail qui m'était confié, j'acceptais avec plaisir, ce sujet convenant parfaitement au biblique que je suis.» La tâche, en effet, s'avéra considérable. Il fallait pouvoir fournir rapidement les parties chorales travaillées par des chanteurs amateurs, qui étaient envoyées au fur et à mesure de leur écriture et pour lesquelles aucune révision n'était donc envisageable. Ayant commencé le 25 février avec le n° 11, le psaume «L'Éternel est ma lumière infinie», Honegger achèvera la composition le 28 avril.
Il lui restera alors à orchestrer sa partition, ce qui se révélera d'autant plus difcile que l'ensemble de dix-sept musiciens réunis pour l'occasion était pour le moins atypique à cette époque: de nombreux instruments à vent, une contrebasse, un piano, un harmonium, un célesta, des timbales et des percussions. Reflétant le caractère populaire du Téâtre du Jorat et relevant de la tradition des orchestres d'harmonies, il réalisait l'idéal prôné quelques années plus tôt par Jean Cocteau dans Le Coq et l'Arlequin d'un «riche orphéon de bois, de cuivres et de batteries».
Honegger fut au départ décontenancé par cet alliage inédit et demanda conseil à Stravinsky, qui lui répondit: «C'est très simple… Faites comme si vous aviez voulu cet ensemble, et composez pour cent chanteurs et dix-sept instrumentistes.» Comme Honegger le reconnaîtra plus tard, ce fut une excellente leçon de composition: «ne jamais considérer les données comme une chose imposée, mais au contraire comme une tâche personnelle, comme une nécessité intérieure.» Il était en effet inquiet que l'orchestre soit noyé sous le volume des chanteurs ou rappelle trop les sonorités de l'orgue. Le résultat, obtenu en moins d'un mois, confère en définitive une saveur singulière à l'oeuvre, tout en lui assurant son premier ciment d'unité. Et l'utilisation saillante des cuivres devait finalement permettre à Honegger d'éviter la moindre monotonie. [...]" Mathieu Ferey, brochure du CD Mirare MIR 318.
"[...] Le roi David à Mézières M. René Morax avait réuni mercredi soir, au Cercle de l'Arc, la plupart des interprètes du Roi David, presque exclusivement des acteurs du pays, du Jorat et des étudiants de Lausanne et Genève (Bellettriens et Helvêtiens). On reverra avec plaisir cet été au Théâtre du Jorat plusieurs des anciens interprètes de Mézières.
M. Morax a exposé qu'il conçoit son drame joué dans une allure très mouvementée, violente même, et comme une succession d'épisodes très rapides, faisant un tableau biblique largement brossé; il a illustré ses dires en lisant quelques-unes des scènes principales du Roi David. Les répétitions ont été fixées et le travail va commencer allègrement.
La musique du Roi David est de M. A.Honegger, un jeune musicien suisse établi à Paris; il a fait partie du groupe des Dix, qui compte les plus modernes des musiciens de talent. L'étude des choeurs commencera à Mézières très prochainement.
Les douze décors nouveaux que comporte le Roi David seront peints par MM. Jean Morax, Aloys Hugonnet et Alexandre Cingria. Les choeurs et la figuration compteront plus d'une centaine de personnes; les ateliers de costumes vont entrer bientôt en activité, sous la direction experte de Mlle Jeanne Reymond.
Les représentations du Roi David auront lieu en juin, les samedis et dimanches; il y aura peut-être une reprise en septembre. [...]" cité de la Gazette de Lausanne du 5 mars 1921, page 3.
Le nombre nécessaire d'artistes étant difficile à réunir en dehors du cadre si particulier du Téâtre du Jorat, ceci rendait presque impossible de jouer l'oeuvre autre-part: c'est pourquoi germa l'idée de remplacer les dialogues du drame initial par un texte de liaison confié à un récitant. "[...] Par cette transposition imprévue, Arthur Honegger et René Morax venaient de donner naissance à une nouvelle forme d'oratorio, au rythme dramatique accéléré au regard du modèle antécédent comprenant des récitatifs chantés. [...]" Mathieu Ferey, brochure du CD Mirare MIR 318.
D'après Marcel Delannoy - dans son ouvrage «Honegger» publié en 1953 - c'est Ernst Wolters, chef d'orchestre et de choeur, ami de Hans Reinhart, qui - décidant de monter l'oeuvre à Winterthour mais ne disposant pas d'une scène suffisamment grande pour la pièce originale - souhaita de remplacer les scènes de théâtre par un récitant.
Il écrit ainsi à René Morax le 8 mai 1923: «C'est pourquoi je m'adresse à vous et vous soumets cette importante demande, de bien vouloir rédiger pour notre exécution un texte dans le sens indiqué ci-dessus, seulement bien sûr au cas où mon projet vous agrée».
Arthur Honegger reprend donc sa partition, traduisant le texte en allemand avec l'aide de Hans Reinhart. L'harmonium et le piano cèdent la place aux cordes, peu présentes dans la première version, augmentées d'une harpe et de l'orgue. L'oratorio fut donné en première audition à Winterthour le 2 décembre 1923.
La première audition en Suisse Romande fut ensuite donnée par Ernest Ansermet et son Orchestre de la Suisse Romande à Genève, Salle de la Réformation, le 19 janvier 1925:
"[...] C'est à une véritable solennité musicale que l'O.S.R. convie le public genevois pour lundi 19 courant, salle de la Réformation. Rarement le monde musical aura vu ascension aussi rapide d'une jeune célébrité musicale, et dès maintenant le nom d'Arthur Honogger est connu bien au delà de nos frontières. Le jeune maître suisse avait écrit en 1921, pour le théâtre de Mézières, une musique de scène pour le Roi David, oeuvre du poète romand René Morax. Composée en quelques semaines, cette partition fut revue et réorchestrée par son auteur en vue d'une exécution à Paris, l'hiver dernier, en la forme d'oratorio. Ce fut alors le triomphe. Plusieurs exécutions successives à la salle Gaveau n'en épuisèrent pas le succès, et ces auditions soulevèrent dans le monde musical de la capitale une émotion considérable. Aussi le Roi David vient-il d'être redonné à nouveau; la première des trois auditions annoncées a été donnée avec un succès triomphal devant une salle composée de toutes les notabilités de la musique française.
Nul doute qu'à Genève, nous écrit le comité, l'oeuvre de Honegger, qui ne pourra être donnée qu'une seule fols, ne soulève le même intérêt. L'enthousiasme des dévoués choristes qui en ont entrepris l'étude en est le garant. Ce groupe choral, l'Orchestre de la Suisse romande et son chef M. Ansermet, ont voué tous leurs soins depuis plusieurs semaines à la préparation de cette oeuvre, qui fait le plus grand honneur à notre pays. Elle sera donnée sous sa forme intégrale et définitive, les différentes parties musicales étant reliées entre elles par la déclamation d'un récitant, dont le rôle sera tenu, selon la demande du compositeur, par M. Roland-Manuel, qui en fut le premier interprète à Paris. Les autres solistes seront Mme Rose Féart, dont nous n'avons pas à faire l'éloge ici, et M. Charles Panzéra, l'un des plus brillants artistes de l'Opéra-Comique et l'une des vedettes des grands concerts parisiens. L'intérêt d'une telle interprétation venant se joindre à la beauté de l'oeuvre assure à cette audition le succès qu'on peut en attendre. Ajoutons que M. Arthur Honegger assistera lui-même à l'exécution de son oeuvre, qui sera dirigée par M. Ernest Ansermet. [...]" cité du Journal de Genève du 15 janvier 1925, page 5.
Dans l'un des très nombreux volets de son excellente émission « Quai des orfèvres», diffusé le 5 juin 2017 sur Espace 2 (puis rediffusé les 19 janvier et 7 septembre 2018), Catherine BUSER présenta l'oeuvre dans l'enregistrement fait par Daniel Reuss avec l'Ensemble Vocal de Lausanne et l'Orchestre de la Suisse Romande en septembre 2016 et paru sur CD chez Mirare:
Composition de l'Ensemble Vocal de Lausanne lors de cet enregistrement:
Sopranos: Christine Chammartin Auer, Estelle Gaume-Perret, Candice Ielo, Elise Milliet, Emma Rieger, Sara Sartoretti, Corinne Vallat Steiger, Sylvie Wermeille
Altos: Jacques Beaud, Jacky Cahen, Solange Cuénin Grosjean, Marie Hamard, Anne Joset, Cécile Matthey, Francesca Puddu, Simon Savoy, Zoéline Trolliet
Ténors: François Bataillard, Tristan Blanchet, Vincent Dehondt, Raphaël Favre, Patrice Foresi, Simon Jordan, Yves Josefovski, Jean-Daniel Loye, Mathias Reusser
Basses: Vincent Arlettaz, Stéphane Chassot, Benoît Dubu, Boris Fringeli, David Gassmann, Fabrice Hayoz, Valentin Monnier, François Renou, Jean-Luc Waeber, Nicolas Wyssmueller
Celesta: Céline Latour Monnier
Harmonium: Vincent Tévenaz
Les solistes étaient Christophe Balissat - le récitant, Athena Poullos - la Pythonisse, Lucie Chartin (soprano), Marianne Beate Kielland (mezzo-soprano) et Thomas Walker (ténor).
Le livret du CD Mirare - avec le texte complet de l'oratorio - peut être librement téléchargé sur cette page du site Mirare.
C'est grâce à la générosité de la...
... que nous pouvons écouter en ligne l'oeuvre complète!
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Arthur HONEGGER, Le roi David, H 37, texte de René MORAX
Christophe BALISSAT - le récitant, Athena POULLOS - la Pythonisse, Lucie CHARTIN (soprano), Marianne Beate KIELLAND (mezzo-soprano), Thomas WALKER (ténor), Ensemble Vocal de Lausanne, Orchestre de la Suisse Romande, Daniel REUSS, septembre 2016
Les principaux minutages de l'émission - cliquer sur les minutages ci-dessous pour ouvrir une fenêtre popup avec l'audio démarrant à cet endroit précis
- 00:16 Début de la présentation par Catherine Buser
- 01:25 1ère partie
- 31:34 Commentaires de Catherine Buser
- 33:31 2e partie
- 47:08 Commentaires de Catherine Buser
- 49:07 3e partie
- 76:50 Commentaires de Catherine Buser
- 78:29 en complément de programme: extrait des Chansons d'Ariel de Frank Martin, RIAS-Kammerchor de Berlin, Daniel Reuss (Harmonia Mundi HMC 901834)
"Dis voir", l'appli
Les Romands batoillent, mais de Sierre à Saignelégier leur accent varie. Le chercheur Mathieu Avanzi lance une application mobile pour étudier la diversité du parler romand. Le projet « Dis voir » invite les utilisateurs à enregistrer leur voix sur leur smartphone, à deviner des mots typiquement romands, et à tester leurs connaissances des accents régionaux.