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Conte de Noël : Un beau cadeau du Christ-Roi

décembre, 2018
Sion - SUVA
Claude Pellouchoud

Françoise vient juste de fermer la porte de la chambre d’hôpital… Elle a le cœur gros et l’émotion la submerge. Elle hâte le pas… Arrivée dans l’ascenseur, une fois les portes refermées, se trouvant seule et à l’abri des regards, elle fond en larmes. Les deux étages sont descendus rapidement. Elle sèche ses joues avant l’ouverture des portes.

Elle se retrouve face à son fils Nicolas. « Ah, te voilà, je pensais que tu n’allais pas pu pouvoir venir… » – « Oui, maman, répond Nicolas en l’embrassant, mais j’ai besoin de voir papa ce soir, car j’ai eu un rendez-vous avec Charles, notre assureur, et il faut que je lui en parle… Comment va-t-il au fait ? »

Françoise remonte dans l’ascenseur avec son fils et lui répond : « Papa est heureux car il a réussi à se lever aujourd’hui sans douleur… Mais qu’est-ce que t’a dit Charles au fait ? » En bégayant, Nicolas essaye de répondre, mais Françoise ne lui laisse pas finir : « Allons voir papa, et tu nous l’expliqueras calmement… »

Françoise sait en effet que Nicolas, qui a pourtant fait de grands progrès, n’arrive plus à contrôler son bégaiement lorsqu’il est mis en situation de stress par des questions qui mériteraient une longue réponse en trop peu de temps…

Mère et fils sortent de l’ascenseur en silence… Ils se dirigent vers la chambre où ils retrouvent André, l’époux de Françoise et le père de Nicolas. Voilà toute la famille réunie, puisque André et Françoise n’ont eu, à leur grande tristesse – et Dieu sait combien de fois ils en ont pleuré –, qu’un seul enfant…

Le visage d’André s’illumine à la vue de son fils : il commence par lui dire que sa mère vient de partir, avant de la voir entrer à son tour… Il se lance dans un monologue effréné pour raconter toute sa semaine à son fiston, infirmier dans un autre hôpital du canton, qu’il n’a pas revu depuis une semaine et qu’il ne s’attendait pas à voir ce soir…

D’un coin de la chambre où elle s’est réfugiée, Françoise contemple la scène, heureuse. Heureuse de voir son époux et son “grand gamin” réunis, complices, encore plus unis que jamais. Elle se rappelle de ce fameux jour de juin dernier où elle a bien cru les perdre tous les deux…

Françoise et André venaient de fêter leurs 25 ans de mariage, le 19 juin, un mardi. Une date avait été cependant retenue début juillet pour une célébration à l’église avec un prêtre ami de la famille. Le vendredi suivant, premier jour de l’été, père et fils partaient ensemble pour une virée en moto.

Françoise les voit encore au moment du départ… Les deux sur la même moto. Au guidon, Nicolas, avec sa combinaison de motard ; à l’arrière, André, un peu moins protégé… Ses deux hommes, passionnés de moto mais pas de vitesse, voulaient profiter d’une belle journée de soleil pour faire une sortie ensemble.

Ils sont allés jusqu’au col du Grand-Saint-Bernard, qui venait d’être ouvert après la fermeture hivernale. Ils ont fait des photos au milieu des monts enneigés, les ont envoyées par téléphone portable : André à son épouse, Nicolas à sa marraine, avec ce petit message « On fait le plein de bon air ! A ce soir ! Gros becs. »

Le soir, André, Françoise et Nicolas avaient rendez-vous chez la marraine de Nicolas pour fêter la réussite professionnelle du filleul. Après avoir mené de front ses études d’infirmier et – pour payer ses études – un emploi comme vendeur, Nicolas venait d’être reçu infirmier et avait trouvé un emploi dans un hôpital de la partie germanophone du canton.

Puis, vers 17 heures ou 18 heures, alors que Françoise s’apprêtait à partir pour les rejoindre pour le repas, ce téléphone de son fils lui annonçant le terrible accident… Nicolas, en larmes, lui racontant l’inévitable collision avec une voiture qui prit le virage à la corde alors que la moto était en phase de dépassement…

Nicolas s’en sortait avec quelques hématomes ; André, étendu sur le sol, souffrant terriblement du dos et du bassin. Rapidement médicalisé sur place, il fut ensuite héliporté à Berne : son bassin a éclaté ! Terrible nouvelle ! On craignait pour ses jours et le frère de la marraine de Nicolas, prêtre dans cette région de Suisse, se rendit aussitôt auprès d’André pour lui administrer le sacrement de l’extrême-onction.

On imagine, à tort, que ce sacrement reçu, la mort va s’en suivre. C’est faux. Françoise se rappelle ce qu’elle a appris, au moment de sa conversion, dans le Grand catéchisme de saint Pie X, à ce sujet : «L’extrême-onction est le sacrement institué pour le soulagement spirituel et même corporel des malades en danger de mort.» Il est même bon de le recevoir quand on garde quelque espoir de vie ; il ne faut pas attendre que tout espoir soit perdu, car parmi les effets de ce sacrement, il y a une force pour supporter le mal avec patience, et une aide à recouvrer la santé du corps si c’est utile au salut de l’âme.

Après trois semaines à Berne, à six par chambres, plusieurs opérations, André était revenu en Valais. Toujours alité, il fut admis dans la clinique romande de réadaptation et de réinsertion de personnes accidentées de la Suva (assureur-accidents). C’est là que, plus d’un mois après l’accident, par palier, il commença de se relever. D’abord dans la position assise, puis debout dans une sorte d’exosquelette, car il a perdu tout équilibre…

Le personnel de l’établissement ne s’attache pas seulement à traiter les conséquences physiques et psychiques des accidents ; il s’intéresse également à leurs aspects sociaux et professionnels. André a noué de véritables liens affectifs avec ses physiothérapeutes qui ne veulent en aucun cas lui donner de faux espoirs : il lui faudra du temps ! Mais plus le temps passe, plus on s’attache. C’est dur d’être là, cela sera aussi dur de partir en fait…

Le 8 septembre, jour de l’anniversaire d’André, on lui a annoncé qu’il restera probablement jusqu’en février dans cette clinique. André aime la vérité, il déteste le mensonge. Il connaît par cœur, et tâche de la mettre en pratique, cette réponse du Grand catéchisme de saint Pie X : « Le huitième commandement nous ordonne de dire quand il le faut la vérité, et d’interpréter en bien, autant que nous le pouvons, les actions de notre prochain. »

Courant octobre, André put faire quelques sorties en compagnie de son épouse et de son fils. Le dimanche 28 octobre, à l’occasion de la messe du soir à laquelle Françoise et André – en chaise roulante – ont pu venir ; avec le prêtre ami de la famille qui aurait dû célébrer leurs 25 ans de mariage en juillet, et en présence de leur fils Nicolas, les époux ont reçu avec beaucoup d’émotion la bénédiction de l’Eglise pour leur jubilé.

C’était le dernier dimanche d’octobre, le dimanche du Christ-Roi, comme l’a demandé le pape Pie XI en instituant cette belle fête en 1925. Dix ans plus tard, sous l’impulsion du chanoine Pierre Gard (1863-1940) du Grand-Saint-Bernard, le Valais catholique élevait sur le Chatelard (1’272 m) – une colline de la paroisse de Lens –, un monument imposant au Christ-Roi pour proclamer les droits inviolables du Christ sur les individus, les sociétés et les peuples.

Cette statue monumentale, André l’aime beaucoup. Souvent il y est allé en pèlerinage, avec son épouse. Le point de vue sur la vallée du Rhône est superbe. D’ailleurs, cette statue, André la voit justement depuis son lit d’hôpital. Il la voit encore mieux la nuit, car elle est illuminée. Il y a certes un crucifix dans sa chambre, mais le soir, quand les douleurs l’empêchent de dormir, c’est le plus souvent vers cette statue du Christ-Roi que ses prières montent, pour sa famille, pour le personnel soignant, pour sa convalescence, son retour à la maison…

Il remercie le bon Dieu de lui avoir conservé la vie, il le remercie d’avoir épargné son fils… André ne s’est jamais révolté. Il y a eu des jours “avec” et des jours “sans”, il a certes pleuré, mais il n’a pas de rancune pour la partie adverse. Nicolas est là pour lui parler des contacts avec l’assurance qui doit prendre en charge ses frais d’hospitalisation. C’est compliqué. Cela fait six mois que le dossier passe d’un gestionnaire à un autre…

Soudain, le médecin en chef qui s’occupe d’André entre dans la chambre. Françoise, toute à ses pensées, n’a finalement pas écouté les explications de son fils concernant les assurances… Elle sursaute ! Le docteur arbore un large sourire : « Toute la famille est réunie, à ce que je vois ! » André, Françoise et Nicolas lui répondent par un éclat de rire !

« J’ai une bonne nouvelle pour vous, André ! Thérapeutes et médecins, nous nous sommes réunis tout à l’heure pour faire le point sur votre dossier. Les fractures sont bien rétablies, vous avez bien progressé dans la réadaptation. Vous nous quitterez bientôt et pourrez ensuite continuer votre réadaptation à l’extérieur du centre en vous rendant par exemple aux bains de Saillon. Vous fêterez Noël en famille ! »

Nicolas embrasse son père, Françoise verse une larme, et André adresse un merci en direction du Christ-Roi !

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Claude Pellouchoud
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14 décembre 2020
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