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La vouivre de Loye-Grône

La vouivre de Loye-Grône

Charly Arbellay
Charly Arbellay

Comment le serpent fabuleux a-t-il été neutralisé ?

Que s’est-il passé sur le plateau supérieur de Grône au début du 19e siècle? Nous sommes à l’été 1801. L’air est brûlant. A proximité des hameaux d’Itravers, de Loye, de Erdesson et Daillet, les champs de seigle prennent subitement feu !

«C’est la vouivre qui met le feu», s’écrient les paysans. «A la tombée de la nuit, ce serpent aux ailes de chauve-souris surgit du vallon de Réchy. Il siffle, crache le feu, se promène jusqu’à Nax, Vernamiège, Mase et St-Martin, puis revient dans sa grotte (1). S’il entend du bruit, il fonce sur les champs et brûle les céréales. C’est un être nuisible, un instrument du démon». A chaque apparition les êtres et les bêtes se cachent, retiennent leur souffle.

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  • La vouivre, serpent ailé et cracheur de feu, d’après Johan-Jakob Scheuchzer 1723.

Un miracle

Las de subir cette malédiction, les habitants alertent alors Joseph-Marie Valleran, prêtre-paysan, curé de Grône de 1799 à 1829 et le châtelain (président) Jean-Jacques Bruttin. L’année suivante, l’homme d’église organise le 24 mai 1802 une procession dite «des rogations», trois jours avant l’Ascension. Une colonne de fidèles en prière grimpe alors jusqu’aux hameaux de la montagne. Le prêtre asperge d’eau bénite les champs et les ruraux. Il implore les puissances divines de protéger les moissons, de repousser la vouivre démoniaque. Des croix sont plantées le long des chemins. Les mois suivants, il ne se passe plus rien. Plus de vouivre ! Plus d’incendie des champs. Un miracle vient de s’accomplir !

Vouivre prisonnière

Au printemps 1860, des ouvriers attelés à élargir la route à char en direction du moulin à grains, situé près de la Rèche, se heurtent à un gros rocher erratique qui barre l’accès (2).
Seule solution: le faire sauter à la poudre noire. En le dégarnissant de sa mousse protectrice pour forer des trous, les ouvriers découvrent un serpent figé dans la masse rocheuse. Surpris, inquiets, ils décident de ne point le faire éclater, de peur de libérer la vouivre mais de le contourner. Depuis 2015, le rocher au serpent, (3) est une attraction touristique.

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  • Le trou de la vouivre (CA Arbellay)

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  • Vue générale. A droite, la vouivre dans le granit (flèche). (CA Arbellay)

Les fouilles de Mariétan et Pittard

A l’été 1943, le « Trou de la vouivre » dans le val de Réchy a été fouillé par le chanoine Dr. Ignace Mariétan (1882-1971), et Jean-Jacques Pittard, (1904-1985), dr ès sciences, ingénieur chargé de prospection minière en Europe et au Maroc, président d’honneur de la société suisse de spéléologie, auteur du livre "Les explorateurs de l’ombre, histoire de la spéléologie suisse" (aux éditions Monographic SA, Sierre – pages 28,110, 114).

La cavité n’a rien révélé, si ce n’est quelques vestiges de nids d’oiseaux.

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En complément

La mémoire collective utilise parfois des raccourcis à propos d’incendie. Ainsi Loye a été incendié à deux reprises par les Comtes de Savoie : partiellement en 1384 et totalement en 1417. Daillet a brûlé en 1898 et Erdesson en 1912 mais ce n’était pas la vouivre.

  1. coordonnées : le trou de la vouivre - 605.00/120.78 – carte nationale suisse.
  2. coordonnées : rocher au serpent – 604.32/121.72 – carte nationale suisse.
  3. Il s’agit d’un quartz et granit blanc comprimés dans la masse rocheuse.
  • Photo d'illustration : La vouivre prisonnière du bloc erratique (CA Arbellay)
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  • Charly-G. Arbellay

    Il existe aussi une autre légende à propos de ce roc. Une bergère gardant un troupeau de vaches s’assoupit un instant, la tête appuyée contre le roc. Durant son sommeil, un serpent descendit le long du roc et lui dit à l’oreille : «Donne-moi le lait de tes vaches et je ferai de toi une princesse riche ». La bergère sursauta et dans son mouvement la croix qu’elle portait autour de son cou frappa le roc. Le reptile demeura ainsi à jamais prisonnier de la pierre.

Pierre-Marie Epiney
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29 janvier 2021
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