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Trajet des routes des automobiles postales en Anniviers

1937
Yannik Plomb

On imagine les difficultés que rencontrèrent nos ancêtres des époques préhistoriques quand ils cherchèrent à pénétrer dans le Val d'Anniviers. Couvert de forêts, peuplé d'animaux sauvages d'ours surtout, il attira probablement d'abord des chasseurs. Dès que les plantes cultivées et les animaux domestiques furent connus, on dut s'installer dans quelques clairières ensoleillées.

Que d'obstacles il fallut vaincre pour pénétrer au-delà des précipices. La région paraissait inabordable, les rochers tombant à pic jusqu'à la rivière. Sur la rive droite, on pouvait atteindre le plateau de Niouc ensuite, deux gorges profondes barraient le passage. Ce fut sans doute par Vercorin

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Vercorin, Editeur H. Ruedi Montana sur Sierre 1916

et Pinsec que les hommes de l'âge du bronze atteignirent le centre de la vallée ; des trouvailles le prouvent.

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Pinsec, Photographie amateur colorisée 1910

Peut-être est-on monté du Bois de Finges jusqu'à Ponchette et Chandolin. Pendant des millénaires, on n'a pas connu d'autres voies d'accès.

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Chandolin, Editeur Briquet & Fils (Édouard et Paul, B&F) à Genève 1906

Vers 1300, un premier sentier, taillé à la main dans les rochers des Pontis, fut établi. Plusieurs ponts durent être jeter sur les précipices Le chemin descendait vers Fang, pour éviter les roches très dures des Croisettes, remontait à Vissoie.

Il subsista amélioré çà et là, jusqu'en 1854, date de la construction de la route carrossable.

De Vissoie, tout un réseau voies secondaires furent ouvertes : Vissoie-Grimentz en 1914, Vissoie-Ayer en 1913, Vissoie-St-Luc en 1931, puis celles de Fang, de Soussillon, de Mayoux-Pinsec.

Arrêtons-nous plus longuement à la réfection de 1940-1956. La largeur de l'ancien chemin était de 1 m 8O à 2 m, jusqu'à 2 m 50 en certains endroits.

Dès 1939, le département des travaux publics étudie la possibilité d'améliorer la route Sierre-Ayer, classée route touristique ; sa largeur serait de 5 m 20, sauf dans certaines parties où elle aurait 1 m de moins. En 1946, une section est mise en chantier à Niouc,

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Niouc, Phototypie & Co Neuchâtel, colorisée 1919

échantillon de la route future. Le coût en fut si élevé qu'on désespéra de pouvoir corriger les 18 km de la longueur totale.

En 1952 se fonde la SA des Forces motrices de la Gougra. La société décide l'aménagement hydro-électrique du Val d'Anniviers. Appuyés énergiquement par le département des travaux publics, les Anniviards demandent que les transports des machines et du ciment se fassent ar la route, non par téléférique. Cette solution fut acceptée. Les Anniviards n'ont pu que s'en réjouir. Ils y gagnèrent d'importantes occasions de travail et surtout une chaussée, qui n'aurait pu être réalisée si tôt par les seules forces cantonales.

Cette route atteint aujourd'hui la station de Zinal. Ainsi, l'une des vallées les plus pittoresques de nos Alpes valaisannes est dotée d'une voie d'accès construite suivant la technique la plus moderne.

Les touristes qui redoutaient le parcours acrobatique des anciennes postes n'ont plus ien à craindre. Jusqu'à la reprise du service postal par la Confédération, en 1849, des commissionnaires privés ou communaux se chargeaient du transport dans la vallée des rares correspondances.

Vissoie fut pendant longtemps le seul village doté d'un dépôt du courrier. En 1871, un second bureau fut ouvert à St-Luc ; dès 1895, un facteur et son mulet desservent Zinal.

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La poste en 1911, Photo amateur, colorisée

En 1900, une course à char fut introduite de Sierre à Vissoie, prolongée jusqu'à Zinal en 1904. Ce n'est qu'en 1913 qu'une modeste voiture à 4 places remplaça entre Sierre et Ayer, pendant l'été, le char vétuste.

A partir de 1930, un service postal automobile fonctionna toute l'année.

Entre Vissoie et St-Luc, le service automobile commence en 1932, en 1935 entre Vissoie et Grimentz.

Sur le parcours Ayer-Zinal, c'est en 1951 que le char fut remplacé par une jeep à 7 places, puis par une voiture à 12 places, puis à 21 places. Dès 1957, les grands cars, pouvant transporter une trentaine de personnes, atteindront Zinal. Les améliorations de la route permirent aux postes de transporter 75 582 personnes en 1951, chiffre record atteint jusqu'ici dans une vallée valaisanne.

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Sierre et le Val d'Anniviers Société Graphique Neuchâtel 1928

La montée de Sierre est très belle : on traverse le Rhône vers son cours sauvage et libre, à l'entrée ouest du Bois de Finges. Puis les premières collines de l'éboulement, boisées de pins sylvestres. La route d'Anniviers se détache de la route cantonale et s'engage aussitôt dans la pente au-dessus de Chippis, grâce à plusieurs lacets audacieux, elle gagne très vite le petit plateau de Niouc.

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Chippis, Photographe amateur 1919

On remarquera un banc de roche jaune ; c'est de la Dolomie du cirque de l'Illgraben. Un groupe de six peupliers d'Italie montent la garde à l'entrée des six communes de la vallée.

Pendant ce premier parcours, on admire la région de Sierre avec les lacs de Géronde,

notrehistoire.imgix.net/photos... de Niouc Perrochet et Matile Lausanne 1929

la vallée du Rhône, la Noble Contrée et ses nombreux villages qui se superposent jusqu'à Montana ce grandiose paysage est couronné par la chaîne des Alpes berno-valaisannes, visible du Wildhorn au Balmhorn.

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Sierre, Photo Gyger Adelboden 1930

A Niouc, on découvre la perspective presque entière du Val d'Anniviers ; c'est une vision impressionnante d'un pays boisé et sauvage ; on dirait que les hommes n'y ont pas encore pénétré, car la zone des cultures n'est pas visible. Elle est limitée par cette sommité incomparable : le Rothorn de Zinal, dont l'arête blanche ressemble à une élégante draperie.

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Rothorn Zinal Besso, Gaberhorn photo Gyger Adelboden 1951

Nous affrontons la première gorge des Pontis ; une chapelle construite grâce à l'initiative des chauffeurs de la vallée en garde l'entrée.

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Chapelle Notre Dame des Pontis Perrochet et Matile colorisée 1951

Un nouveau tunnel, un pont en ciment facilitent la traversée. La seconde gorge est aussi impressionnante.

Elles ont été creusées dans les roches calcaires, par les eaux des torrents, alimentés par les glaciers dc la région de l'Illhorn. Plus loin, aux Croisettes, la roche très dure est formée de quartzite du Trias.

Voici Vissoie, village principal, protégé au nord par une colline boisée de mélèzes d'où émerge une chapelle. C'était autrefois l'emplacement d'un château. L'entrée du village ne manque pas de solennité grâce à l'église et quelques peupliers.

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Les Peupliers de Vissoie photographe amateur 1918

La plupart des maisons se serrent au pied de la Tour, sur l'esplanade elles débordent au sud sur la combe creusée par 1e torrent des Moulins ; le choix de cet emplacement a été dicté par l'ensoleillement et la sécurité militaire.

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La Tour de Vissoie édition Burgy litho. St Imier 1905

Après Vissoie, la vallée s'ouvre, devient accueillante aux hommes ; les cultures s'étagent sur les deux versants de Ia rivière. Voici le village de Mission, en contre-bas de la route.

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Le village de Mission Phototypie & Co Neuchâtel 1919

En face, rive gauche, d'innombrables petites constructions sombres sont éparpillées dans les prés ; ce ne sont pas des maisons, comme on pourrait le croire, mais des granges-écuries ; aucune vallée n'en possède autant. Le bétail consomme les fourrages sur place.

Ayer est le dernier village habité toute l'année ; il est situé sur un repli de terrain, bien exposé ; la vue y est très belle ; au loin se détache la blancheur du Rothorn de Zinal, encadré par des pentes abruptes, vêtues de forêts d'un vert profond.

Village pittoresque dont les constructions s'alignent le long des chemins disposés en triangle ; l'église, récente, est au milieu.

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Le village d'Ayer cliché Ste géographie 1928

Aux abords, on ne voit que des prairies ; le seigle est cultivé sur des crêtes morainiques qu'on ne peut pas irriguer ; il s'accommode fort bien, du reste, des terrains secs. Il semble que le souci de se procurer de la nourriture pour les animaux domestiques l'emporte sur celui de produire directement des aliments pour l'homme.

A l'amont du village, la route traverse un imposant cône d'alluvions construit par un torrent descendant de la combe de Nava, puis elle pénètre dans un amas de blocs éboulés, emplacement de l'ancien village, enfoui sous un éboulement, dit-on. Elle traverse la Navisence sur un beau pont en gneiss taillé, s'élève par un grand lacet dans la forêt d'épicéas, passe devant la chapelle de St-Laurent arrive à Mottec.

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Mottec, Perrochet & Phototypie Lausanne 1948

Cet étroit plateau n'est autre qu'un cône d'alluvions accumulées par la rivière, à l'amont d'un éboulement qui avait barré la vallée.

On aimait ce vallon de Mottec traversé par la Navisence aux eaux d'un bleu vert très tendre, peuplé de chalets et de granges-écuries éparpillés le long du chemin ; rien ne détonnait dans ce paysage.

Aujourd'hui, Mottec est bouleversé ; on y construit une centrale électrique avec un bassin d'accumulation. On espère qu'il reprendra un visage acceptable quand les travaux seront terminés.

Plus haut, on se heurte à un énorme cône d'alluvions qui barre la vallée. Là se rencontrent plusieurs torrents qui descendent des Diablons ; leurs déjections emboitées ont accueilli le hameau et la station de Zinal 1678 m, autrefois Chinaz = chenal, à cause de la forme plus étroite de la vallée.

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Zinal, Photographie J. Julien Genève 1907

Habitations temporaires de mayens : on y conduit le bétail en juin, avant de le mener au pâturage, et au début d'octobre, quand il en redescend ; on y revient en décembre-janvier, car on y engrange du foin. Les maisons s'alignent pour la plupart le long du chemin, en une longue file pittoresque, les unes orientées vers l'amont de la vallée, soit vers le sud à la recherche du soleil, les autres disséminées sur les pentes de la rive droite et montant très haut, jusqu' à 1900 m.

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Le Vallon de Moiry, Photo amateur 1910

Le vallon de Moiry s'embranche sur la vallée principale, en amont de Vissoie. La route descend vers la Navisence, passe devant une centrale électrique, gagne le hameau de Mayoux, puis les trois groupes de maisons de St-Jean, placés sur le versant sud de crêtes découpées dans des moraines.

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Le Vallon de Moiry, Photo amateur 1910

Encore quelques lacets et la route atteint Grimentz (1570 m), sur une terrasse glaciaire favorable. C'est un village bien entretenu, aux maisons fleuries.

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Grimentz, Photo Gyger Adelboden 1930

A l'amont, la route nouvelle passe près d'un assemblage de blocs éboulés dont l'un, au centre, est très grand et redressé : la Pierre des Martyrs. Aux alentours, plusieurs autres blocs portent des cupules intéressantes, dont deux en forme de pied. Trois autres blocs dont l'un surtout contenait des cupules très intéressantes, ont été détruits récemment par des ignorants, malgré la protection officielle dont ils étaient l'objet. L'ensemble de ces pierres à cupules était l'un des plus beaux de Suisse Les plus anciennes datent du paléolithique ; on en a trouvé sur les dalles des sépultures moustériennes et aurignaciennes. On en a signalé au néolithique à l'âge du bronze du fer, sur des monuments romains et gallo-romains ; on en date du moyen âge .

Une route nouvelle relie Grimentz au Val de Moiry où se construit le bassin d'accumulation de la Gougra. Il occupera la plaine au bas des pâturages de Torrent et de Châteaupré.

Le barrage aura une hauteur de 130 m environ. La contenance sera de 70 millions de mètres cubes a cote du lac atteindra 2246 m. Ces eaux seront amenées par une galerie de 3200 m sous l'arête de Sorebois, à la conduite forcée qui descendra sur Pralong, dans le vallon de Zinal, où elles alimenteront une première centrale construite sur la rive gauche entre Pralong et Mottée. Il y aura là également un bassin de compensation de 150 000 mètres cubes. Les eaux de Tourtemagne seront conduites aussi à Pralong par une galerie de 4000 m, ainsi que celles des torrents de Nava et de Barneusa.

Pour remplir le bassin de Moiry, il sera nécessaire de pomper une partie des eaux de la Navisence à Pralong. De cette première centrale, les eaux seront reprises par un canal d'amenée jusqu'au-dessus de Vissoie, d'où elles alimenteront une deuxième centrale, sous le village. De là, elles suivront la galerie actuelle, agrandie, qui actionne la troisième centrale, à Chippis.

Ainsi, les eaux d'Anniviers seront utilisées dans leur totalité. Une route monte de Vissoie à St-Luc ;

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Saint Luc, Photographie amateur 1890

le village est agrippé sur une terrasse inclinée, à 1652 m. Jusqu'à la fin du siècle passé, il se nommait Louk (mot celte qui signifie forêt). On y a trouvé des tombes avec des objets de l'âge du bronze et du fer. Les maisons du centre du village sont en pierre elles ont été construites après les incendies de 1849 et 1857. Au-dessous du village, on voit de nombreux petits champs en friche. La commune comptait 550 habitants en 1910 ; elle n'en dénombre plus que 240 en 1950. Les Lucquerands sont allés s'établir à demeure dans leurs maisons de Villa et Murat, près de Sierre.

La vue de St-Luc est très étendue car, de là-haut, on domine tout le Val d'Anniviers. Pour toile de fond, on admire les imposantes silhouettes des sommets qui forment limite entre Anniviers et Zermatt.

De St-Luc, un chemin délicieux (qu'une route va remplacer) conduit au petit village de Chandolin (Schindula = bardeau), il s'étire le long du chemin, à 1934 m, au sommet d'une pente verdoyante occupée, par des mayens. Situation originale, contraire à celle qu'on rencontre partout ailleurs où les mayens sont au-dessus des villages. On peut l'expliquer par le fait que, avant le premier chemin des Pontis, vers 1300, il n'était accessible que par Vercorin, St-Luc ou Ponchette. On arrivait donc au sommet de la pente. Chandolin est l'un des plus hauts villages de Suisse habités toute l'année ; il est dépassé par Juf, dans le Val d'Avers (Grisons) à 2133 m. La population a passé de 204 habitants en 1910 à 138 en 1950. La vue, de Chandolin, est encore plus étendue que de St-Luc ; car le regard plonge sur la vallée du Rhône et sur celle d'Anniviers. Si haut placé et exposé au sud, le village bénéficie d'une insolation particulièrement longue.

Du hameau de Mayoux, une route se détache de celle de Grimentz et va au hameau de Pinsec, placé sur une crête morainique. Elle continue jusqu'aux mayens des Giètes (1459 m) et Vercorin, où déjà s'aventurent les jeeps.

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Costume du Val d'Anniviers, Photo Gyger colorisée Adelboden 1944

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Sources : Postes alpestres du Val D'Anniviers direction générale des PTT, Berne

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  • Michel Savioz

    "On remarquera un banc de roche jaune ; c'est de la Dolomie du cirque de l'Illgraben..." Je passe devant deux fois par jour et je me posais souvent la question d'où venait cette couleur! Merci pour ce précieux renseignement et pour la totalité du document. Michel

Yannik Plomb
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4 mai 2021
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