Premier Trans-Europe-Express électrique
En novembre 1954, huit opérateurs ferroviaires créent la « commission TEE », basée à La Haye, aux Pays-Bas, avec pour objectif de proposer des trains à grande vitesse de luxe. Malgré quelques divergences, ils s'accordent sur plusieurs principes : les trains doivent être autonomes, avoir une apparence uniforme dans tous les pays et proposer exclusivement des trajets en première classe. Quatre modèles de Trans-Europ-Express voient le jour : les opérateurs ferroviaires allemand, français et italien développent chacun leur propre version, tandis que les CFF collaborent avec les Chemins de fer néerlandais pour concevoir les trains diesel RAm TEE. Leur mise en service intervient à l’été 1957.
2 rames aux CFF en Suisse, RAm 501-502.
L’usine hollandaise Werkspoor à Utrecht a construit les motrices d’après une conception du designer Elsebeth van Blerkom
Les appareillages électriques étaient fournis par le suisse BBC (Baden, futur ABB…)
Le véhicule suivant avait une allure plus « CFF », avec neuf compartiments à six places et une toilette, soit une capacité de 54 places. La troisième voiture était une voiture partiellement dotée d’une salle avec 36 places en vis à vis en configuration 2+1, et un restaurant de 16 places avec la cuisine attenante. Le dernier véhicule était une voiture pilote de 42 places en configuration « coach » 2+1. A l’extrémité se trouvait le second poste de conduite et un local pour le conducteur. Ces trois voitures intermédiaires, de construction basse dérivée des voitures standardisées CFF, pouvaient difficilement masquer leur design suisse. Elles furent construites par Schweizerische Industrie Gesellschaft (SIG).
Horaire TEE 1957
La Suisse va construire les premiers TEE Trans-Europ-Express électriques
En leur temps, ils assuraient des déplacements confortables et rapides (avant les trains à grande vitesse) pour les hommes d’affaires et les touristes. Les TEE n’offraient qu’un aménagement de 1re classe et donnaient une touche de luxe aux voyages en train dans les décennies qui suivirent la Seconde Guerre mondiale.
TEE Cisalpin Lausanne photo CFF
L’objectif déclaré des CFF est de relier les deux tunnels alpins du Gothard et du Simplon grâce au réseau européen du TEE. Cependant, les motrices diesel manquent de puissance pour gravir les tronçons les plus escarpés. Les CFF imaginent donc un TEE électrique, solution qui paraît judicieuse compte tenu de l’électrification croissante de l’Europe. Dernier obstacle, mais non des moindres pour les trains électriques à circulation internationale : les différentes lignes ferroviaires européennes ne sont pas toutes équipées des mêmes systèmes de tension. Les CFF chargent donc les industriels suisses de mettre au point un train à traction électrique capable de circuler sur tous les réseaux électriques des huit pays membres de la «commission TEE». La Schweizerische Industriegesellschaft (SIG), la Maschinenfabrik Oerlikon (MFO) et la Brown Boveri & Cie (BBC) participent au projet. Ensemble, elles conçoivent et fabriquent le RAe TEE II.
TEE Gothardo am Walchwil, photo M. Senn
À la fin des années 50, concevoir des locomotives polycourantes était une innovation absolue, et le RAe 1050, mis en service en 1961, a été conçu pour créer des TEE sous courant électrique, capables de fonctionner sur l’ensemble du réseau européen concerné.
TEE 1051-1054, photo CFF 1961
En 1961, les Chemins de fer fédéraux suisses ont donc mis en service quatre trains quadri courants sur les lignes Zurich-Milan et Paris-Milan, sous les noms de "TEE Gottardo" et "TEE Ticino" (même parcours mais horaires différents) et "TEE Cisalpino". Sur ce dernier parcours, toutes les alimentations étaient utilisées : les 3kV continu italiens, les 15kV alternatifs suisses, et les deux alimentations françaises (1,5kV continu, 25kV alternatif).
TEE 1053 dépôt Zürich ; photo CFF
Ainsi, l'histoire des RAe 1050 est fortement liée aux voies lombardes, on peut même dire que le train était centré sur Milan plus que sur une quelconque ville suisse…
La SBB avait proposé à l’Italie une joint-venture pour les RAe 1050 : si cela avait abouti, nous aurions vu des RAe 1050 avec la marque FS. En fait, les FS ont d’abord tergiversé, puis elles ont décliné l’offre, qui n’aurait pas résolu les problèmes des premiers TEE italiens : le Mediolanum devait faire face au tronçon Bolzano-Brennero, où l’électrification était encore triphasée, et le Ligure avait le même problème sur la Riviera italienne, alors que sur la Riviera française, l’électrification n’était pas encore arrivée. Le RAe ne pouvait donc pas être la solution.
Affichage de destination TEE Gottardo voiture N°4
Mais le RAe a quand même circulé en Italie, car comme nous l’avons vu, les services proposés par ces trains à l’époque TEE concernaient des connexions avec notre pays : Cisalpino, Gottardo et Ticino.
Le Léman était le seul des TEE reliant l’Italie à la Suisse à ne pas avoir été exploité par les RAe (même s’il l’a été plus tard, à l’époque de l’EC).
Le Cisalpino (Milan à Paris via Domodossola - Sempione) et le Ticino (Zurich à Milan via Como - Gottardo) ont utilisé les RAe de 1961 à 1974,
Le Gottardo (Zurich à Milan via Como - Gottardo), en revanche, a utilisé les RAe de 1961 à 1988. Entre 1974 et 1979, il se prolongeait, en été, jusqu’à Gênes.
TEE à Faido, photo M. Senn
Les premiers trains ont été livrés au printemps-été 1961 :
RAe 1051 le 12 avril
RAe 1052 le 21 juin
RAe 1053 le 16 septembre
RAe 1054 le 29 juin.
Le temps était très court : le 1er juillet, avec le nouvel horaire, le service voyageurs commençait ! Il y avait très peu de temps disponible pour former le personnel à peine deux mois avec seulement 1051 disponibles…
TEE 1053, photo André Knoerr, la PlaineGenève
La rotation des quatre convois suivait cet horaire :
1er jour :
TEE Gothard : Zurich HBF – Milan Central
TEE Cisalpin : Milan Central – Paris-Gare de Lyon
2ème jour :
TEE Cisalpin : Paris-Gare de Lyon – Milan Central
3ème jour :
TEE Tessin : MilanoCentrale – Zürich HBF
TEE Tessin : Zurich HBF – Milan Central
TEE Gothard : MilanoCentrale – Zurich HBF
4ème jour : arrêt à Zurich pour contrôles et entretien.
EC Souris grise à Zürich
Même après 1988, lorsque les RAe 1050, à la fin de l’histoire du TEE, devinrent des RABe gris(souris grise) en période EC, "Gottardo" fut le nom principal pour ces trains qui continuèrent à desservir Milan. Outre "Gottardo", il y avait "Cisalpin", "Lutetia", "Lemano" et "Manzoni", et, au moins au début, il y en avait toujours deux qui passaient la nuit comme à l’époque "giallorossa".(jaune -rouge)
EC 1055 Souris grise Erstfeld photo P. Bugmann 1988
Merci Yannik pour cet excellent résumé de l'aventure TEE. Des trains que je voyais passer de temps en temps sur le chemin de l'école. Pour les curieux : à droite du titre une vue de Giornico avec deux de ses 7 églises : à gauche l'église paroissiale dédiée à St Michel, à l'origine romane mais plusieurs fois remaniée. La forme actuelle date de 1787 mais le clocher est plus récent et date de 1861. A droite, la magnifique église romane de Saint-Nicolas, datant du XIIe siècle, est l'un des édifices romans les plus remarquables de Suisse. Elle est à nef unique, avec un chœur surélevé auquel on accède par deux volées de marches, sous lesquelles se trouve la crypte à trois nefs dont les chapiteaux sculptés sont ornés d'animaux fantastiques ainsi que de motifs géométriques et végétaux. Deux lions en pierre se trouvent à côté du portail principal. À l'intérieur, plusieurs fresques et vestiges de fresques, dont certaines sont l'œuvre de maîtres seregnois. Très rare est la représentation particulière de la trinité à trois visages (trivultus), qui a été proscrite par la suite par l'Église mais qui a survécu ici. Une église donc qui vaut le voyage, un « incontournable ». Ne prenez donc pas le TEE,,,, mais le train Gottardo, qui emprunte l'ancien tracé et non le tunnel de base, et s'arrête à Lavorgo et Bodio, d'où l'on peut rejoindre Giornico en car postal (ou à pied, depuis Bodio il y a 4 km).
Merci Claudio pour ces précieuses informations, un plus pour l'histoire
juste un petit mot pour vous dirent encore et encore "BRAVO" a vous "TOUS" les contributeurs zélés sans qui notre histoire ne serait pas si complet.