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Martin Salamin

Martin Salamin

Grégoire Favre

Martin Salamin est né en 1917 à Granges. « Je suis le septième d'une famille de huit enfants. Mon père exerçait la profession de garde-voie à Granges. Nous habitions dans une petite maison isolée, en dehors du village, qui appartenait aux chemins de fer. C'était une bicoque constituée de plots montés les uns sur les autres, il y faisait froid. La famille se partageait deux chambres : mes parents avec le plus jeune de mes frères logeaient dans une petite pièce à l'étage, moi et les autres membres de la famille cohabitions tant bien que mal au rez-de-chaussée. Mon enfance n'a ainsi pas été facile. Dans le temps, on n'avait rien ! On jouait avec des pierres, des bouts de bois. »

Comme il est courant à l'époque, en dehors de l'école, le jeune Martin doit travailler. « Le régent était un homme particulièrement mauvais. Il aimait bien boire et avait toujours sa bouteille sous le pupitre. Non seulement il ne s'occupait pas des mauvais élèves, mais il les tapait. Parmi les familles de pauvres, certains ne pouvaient pas se laver, je me rappelle qu'en plein hiver, le régent les envoyait se frotter à la fontaine du village. Gamins, ma mère nous avaient dit "Vous devez nous rendre ce qu'on a fait pour vous !". À dix ans, j'allais travailler à la vigne ou garder les chèvres. Ayant eu peu de temps pour étudier, je peux dire que j'ai quitté l'école sachant à peine lire et écrire. »

En 1937, il est engagé aux usines valaisannes d'aluminium. « Entrer à l'usine n'était pas chose aisée ! Les candidats étaient nombreux et il fallait être du bon parti. Sur les conseils du chef de gare de Granges qui était l'ami d'un ingénieur de Chippis, je suis ainsi devenu membre du parti radical. Quelque temps plus tard, l'usine m'a convoqué et j'ai débuté au service du chantier. À l'usine, on travaillait dur. Les chefs étaient alors sévères et nous suivaient partout. Il arrivait même qu'ils nous attendent jusque devant la porte des toilettes. Une grande partie de mon boulot consistait à tailler des pierres qui servaient ensuite à entourer les fours. À l'aise dans ces activités, j'étais apprécié notamment par mes collègues maçons. »

Deux plus tard, la guerre éclate. « En 1939, membre d'un bataillon constitué de gens de la région, j'ai d'abord été mobilisé une quarantaine de jours. Puis, j'ai repris mon travail à l'usine. Six mois plus tard, les Allemands se montrant menaçant, j'ai été mobilisé une seconde fois. Mais, je dois dire que c'était une chance d'être ouvrier à Chippis durant la guerre ; contrairement aux autres, nous pouvions gagner quelques sous. En 1942, je me suis marié avec une fille de Flanthey. Ensemble, nous avons eu deux garçons et deux filles. »

La guerre terminée, la vie reprend son cours normal. « L'immédiate après-guerre a été une période où il y avait moins de travail à l'usine. Puis, peu à peu, nous avons renoué avec les commandes. En 1951, j'ai pris le risque de construire ma maison à Granges. J'ai été soutenu dans cette tâche par l'architecte de l'usine qui m'a obtenu du matériel à bon prix. »

L'année 1954 est marquée par la grève aux usines valaisannes d'aluminium. « Cela a duré trois jours ! On a attendu devant les grilles de l'usine pour savoir si l'on devait aller chercher du travail ailleurs. Par la suite, est venu le Dr. Syz, un homme sévère, mais juste. Nos conditions se sont améliorées. »

En 1982, après avoir passé plus de quarante ans à l'usine, Martin Salamin prend une retraite méritée. « Employé des chantiers, j'ai travaillé partout, même à Steg. Ce que j'ai préféré, c'est venir en aide au jardinier ! J'ai toujours été un peu artiste avec les fleurs. À la retraite, j'ai d'ailleurs pu me consacrer à ma passion pour le jardinage. J'ai aussi toujours aimé cuisiner. Je me rappelle que mes enfants disaient préférer mes repas à ceux de leur mère. C'est que nous les hommes, quand on cuisine, on économise moins sur la nourriture, on sait choisir les bons morceaux. »

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  • Martine Desarzens

    Quelle vie et quel courage....privé d'enfance. On peut imaginer que les parents de Martin ont reçu ce message de leurs parents... On est loin de la pédagogie de l'instituteur dans le film, "Quand nous étions petits enfants" de Henri Brandt :http://www.quandnousetionspetitsenfants.ch/le-film/

  • Grégoire Favre

    Comme vous le dites, nombreux sont ceux qui, dans le Valais d'alors, ont été privés d'enfance!

  • Martine Desarzens

    Hélas oui, cela me donne toujours un sentiment de grande tristesse de constater combien nos autorités politiques en Suisse ont laissé des famille, donc des enfants en si grande difficulté de vie, avec l'excuse que la famille est une sphère privée et que l'Etat n'a pas à intervenir...discours que l'on entend encore trop souvent chez nos politiciens....

Grégoire Favre
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11 avril 2012
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