Une petite histoire de mulet Repérage

1 janvier 2005
Museum d'histoire naturelle, Genève
Louis Chaix
Claude Kissling

Les hauts et les bas du mulet

Le long des cols des Alpes, le mulet n'est plus qu'un souvenir. Dans les vallées aussi. Il n'y avait plus qu'un mulet au val d'Aniviers en 1967 où il était devenu une attraction touristique. L'effondrement du cheptel a été brutal. Au début des années quarante, il y avait environ 3200 mulets en Suisse dont 2000 en Valais. Le point le plus bas a été atteint en 1993 avec 17 bêtes recensées dans tout le canton. Depuis les années 2000, le cheptel remonte un peu la pente et en compte à nouveau quelque 700 à 800 mulets en Suisse : tourisme, folklore et débardage expliquent ce léger regain.

Les heures de gloire du mulet

Le mulet a eu son heure de gloire, tant aux armées que dans l'agriculture alpestre. Fort, sobre, frugal, résistant, ayant un bon équilibre et le pas sûr, c'est un animal de bât et de selle idéal. Il était parfaitement adapté au semi-nomadisme des familles du val d'Aniviers qui émigraient en plaine au printemps et à l'automne pour soigner la vigne et remontaient en été à la montagne pour la saison d'alpage.

L'armée utilisait aussi des mulets en quantité. Ils ont accompagné nos troupes du train jusqu'en 1990. En 2008, le Haras national suisse possédait encore un âne-étalon (baudet) destiné à monter les juments des Franches-Montagnes pour la reproduction, le mulet étant stérile.

En France, des milliers de mules ont accompagné les troupes de colonisation en Afrique du Nord et en Indochine. Les soldats préféraient les mules aux mulets pour une raison très prosaïque : en urinant, les femelles écartent les jambes alors que les mâles font le dos rond ce qui déséquilibre toute la charge. A la fin du XIXe siècle, le Poitou produisait 18'000 mulets par an pour fournir l'armée, à partir de grosses juments mulassières aptes à mettre bas des mules et mulets de qualité. Aux USA, la colonisation du pays s'est faite en partie grâce aux mulets produits par dizaine de milliers (150'000 en 1899).

On a ri de cette espèce stérile, bâtarde, que l'on disait obstinée, méchante et sans grâce. Quelle erreur ! Les belles mules firent fureur. On se souvient qu'un pape d'Avignon s'enticha de l'une d'elles. On sait aussi que Philippe V, roi d'Espagne, possédait six carrosses attelés chacun de six mules richement harnachées.

Aujourd'hui, dans tous les pays où le moteur diesel a remplacé le « moteur à crottins », le cheptel de mulets s'est effondré. Mais il reste très important dans les régions où l'agriculture est moins mécanisée, comme en Chine ET AU Mexique où l'on compte respectivement 4,6 millions et 3,2 millions de mulets.

Une très vieille histoire

En Suisse, il semble que le mulet paraisse à la fin de l'âge du fer, vers 200 av. J.-C. Les chevaux domestiques, ainsi que les ânes, sont connus en Suisse depuis 3600 ans. La proximité de ces deux espèces rend plausibles aussi bien un croisement naturel que des croisements délibérément voulus. Ainsi, le mulet apparaît parmi les animaux domestiques sans que l'on sache très précisément ni quand ni où, car il est difficile de distinguer les os d'un grand âne de ceux d'un petit cheval ou d'un mulet moyen. Les dents donnent des indices plus faciles à interpréter mais, là encore, l'hybridation mélange tout au grand désespoir des archéologues. Quoiqu'il en soit, le mulet sera très utilisé par les Romains qui fondèrent une véritable industrie mulassière pour équiper leurs troupes. En Suisse, le mulet s'impose entre le XVIe et le XIXe siècle comme animal de trait, de bât et de selle. Il est trè fréquent le long des cols des Alpes où il transporte des marchandises de toutes sortes. Selon le croisement effectué, le mulet varie de taille et de poids : 1,2 m au garrot et 300 kg pour les plus petits, 1,7 m et 700 kg pour les plus gros, issus du croisement avec l'âne du Poitou et les grosses juments mulassières. Pour le tourisme, le mulet de selle, plus fin, a la cote.

Robuste et de pied sûr, le mulet est aisé de monter. C'est un bel animal parfaitement adapté à la montagne.

En l'honneur du mulet. Le mulet était si familier qu'il a inspiré les auteurs et la sagesse populaire.

La Fontaine lui consacre deux fables dont l'une commence si joliment :

« Le mulet d'un prélat se piquait de noblesse

Et ne parlait incessamment

Que de sa mère la jument. »

On se souvient ainsi facilement, que le mulet est fils de l'âne et de jument.

Quant à la sagesse populaire, elle salue sa valeur et sa robuste santé au travers de deux dictons :

« Le mulet marche comme un cheval, tire comme un bœuf, et mange comme un âne. »

« Le mulet ne tombe malade que pour mourir. »

Voir une photo, parmi tant d'autres, sur le mulet :

http://www.notrehistoire.ch/photo/view/37767/

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Claude Kissling
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1 juin 2016
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