Un coteau de vigne nargue les alpes
Dans un article sur l’arène de la Fête des Vignerons de 1977, Paul Jeanneret précise : « Pour une manifestation qui n’a lieu que quatre fois par siècle, on ne saurait, cela va sans dire, ériger des arènes en dur, comme cela se faisait dans l’Antiquité. » Le processus d’élaboration de chaque arène est de longue haleine. Si la construction et le démontage durent près de douze mois, leur conception commence des années plus tôt. Sur concours, plusieurs projets sont soumis à la Confrérie des Vignerons et de nombreuses contraintes conditionnent leur création, qu’elles soient financières, techniques ou artistiques.
Maquette d’un projet non-retenu pour les arènes de 1977. Ce dernier recrée la superposition du vignoble en terrasses de Lavaux. Photographie Yann Muriset © Confrérie des Vignerons
Jusqu’en 1927, les arènes conservent une forme relativement similaire aux précédentes et la mise en scène s’y adapte. Les constructions de la seconde moitié du 20e siècle rompent avec cette continuité. Si 1955 fait la part belle à la lumière, c’est par sa nouvelle orientation et son installation technique que la nouvelle arène se démarque. Depuis 1819, la scène a toujours regardé la Grenette, tournant le dos au lac ; un choix motivé par le confort des spectateurs qui n’étaient ni assommés par la chaleur ni éblouis par la réverbération du soleil sur le lac.
Arène de la Fête des Vignerons 1977 © Confrérie des Vignerons
En 1977, les estrades confrontent les montagnes de Savoie et « descendent comme un coteau de vigne vers le lac. » La structure même n’est plus restreinte par la forme trapézoïdale de la place du Marché. L’arène n’est plus construite « dans » mais « sur » la place, qu’elle recouvre entièrement. Ses concepteurs n’hésitent pas à utiliser les bâtiments avoisinants pour y implanter un décor. Symbole des racines chrétiennes de la viticulture, l’arche de Noé trône sur la façade de la Salle Del Castillo et s’apprête à traverser la mer agitée composée de la foule de spectateurs.
Construction de l'arène, vue des échafaudages montés par l'entreprise Conrad Kern © Roger Monnard
Construction de l'arène, vue des échafaudages et des tours montés par l'entreprise Conrad Kern © Roger Monnard
La construction de ces arènes n’est pas de tout repos. Les caractéristiques géo-urbanistiques de la place du Marché doivent être prises en compte : sa déclivité, sa forme trapézoïdale, le labyrinthe de canalisations et de réseaux électriques enterré sous le goudron. Elaborée par les Ateliers Mécaniques de Vevey et affectueusement nommée « le Dinosaure », une structure haute de 30 mètres surplombe l’espace scénique.
Construction du "Dinosaure" © Roger Monnard
Pesant plus de 20 tonnes, des forages sont effectués à 15 mètres de profondeur pour l’ancrer dans la place. Cet ajout de dernière minute, absent des plans initiaux, supporte l’installation sonore nécessaire à la diffusion de l’orchestre, des chœurs et des comédiens, sans lesquels ils sont inaudibles pour les spectateurs assis au sommet de l’arène.
Le sommet du dinosaure qui permettait d'installer de nombreux éclairages et haut-parleurs © Roger Monnard
Tout aussi impressionnant, ces gradins culminent à 25 mètres du sol, bien au-dessus des toits avoisinants, et les quatre tours d’éclairage atteignent 30 et 40 mètres de hauteur.
Les gradins remplis de public © Roger Monnard
Dans son Rapport final de novembre 1977, le « Groupe d’Etudes Techniques », chargé de la conception et de la construction de l’arène, liste exhaustivement les problèmes rencontrés, du manque de déclivité au bas des gradins, gênant la vision des spectateurs, au casse-tête que représente l’implantation des différents locaux scéniques, techniques, sanitaires et commerciaux sous les échafaudages métalliques.
Le plus intéressant peut-être reste la retenue de ce groupe quant aux représentations nocturnes : « Relevons pour terminer que la Fête des Vignerons est une FETE de jour, qu’elle devrait se dérouler sous le soleil. La Fête de nuit devient un spectacle, voire un "show". Il ne faudrait pas à l’avenir aller trop loin dans l’électronique, la sonorisation, afin de ne pas perdre en intensité. » (Rapport final sur la construction des arènes de 1977, novembre 1977). Il semble bien que ces derniers n’aient pas été entendus en 1999. Pour le plus grand plaisir des spectateurs !
Référence : Guillaume Favrod, 1797-2019 : Deux cent ans d’évolution des arènes de la Fête des Vignerons, 2018, pp. 6-8.
Crédit photographie de couverture : Montage du Dinosaure © Roger Monnard
Rendez-vous à Estavayer!
Le 10 octobre 2024, venez découvrir les archives de la RTS lors d'une projection publique à Estavayer. Aux côtés d'experts, revivez les temps forts de la vie et l'industrie locale.