Le pont qui ne voulait pas mourir.
Le pont qui ne voulait pas mourir.
CHIPPIS, CORDONA
Le pont qui ne voulait pas mourir.
Nécessité de la construction d'un pont
L’arrivée du train à Sierre le 1er septembre 1868 a modifié la mobilité des riverains du Rhône. Ainsi, la population isolée de Chippis devait, pour se rendre à Sierre , utiliser le pont de bois sur le Rhône situé à l’entrée du Bois de Finges. Trop loin, trop long, trop pénible ! Une passerelle à char en liaison direct avec la gare de Sierre s’imposait. Ne pouvant compter que sur eux-mêmes, les Chippillards prirent langue avec la Bourgeoisie de Sierre qui possédait des terrains mitoyens au sud du Rhône (en 2021, ce sont les terrains de football, de tennis et Job-Transit).
La répartition des frais du pont
Nous sommes en 1878. Sierre accepte et prend à sa charge la moitié du coût du futur pont et sa culée nord. Idem pour Chippis qui fournira en plus le bois pour les échafaudages. Généreuse, Sierre offrira un chemin situé en rive sud. Quant à l’avare Etat du Valais, il ne donnera pas un centime. Le pont est achevé en 1878 (1).
- Sur cette photo de 1908, au premier plan le pont-train en béton dynamité en 1967. Au deuxième plan, le pont-route de 1878 qui a tenu le coup jusqu’en 1917. Jullien Frère SA – Genève.
Durant 38 ans, ce pont léger, mais faible, résiste à la fougue du Rhône. Eclaboussé régulièrement par les eaux du Rhône, il rouille vite, trop vite. Il faut le changer. Cette fois, Sierrois et Chippillards lancent un ultimatum à l’Etat du Valais, le rendant responsable d’une probable catastrophe…
Un nouveau pont en 1917
La menace fait son effet. Mais les lois ont changé. Le fleuve n’appartient plus aux communes riveraines qui se saignaient pour l’endiguer. Le fleuve est à l’Etat… et l’Etat s’exécute ! Il fait construire en 1917 un pont métallique aux membrures en arc surélevé, semblable à celui de Finges et toujours en fonction aujourd'hui. C’est la maison C. Zschokke, Mechanische Werkstätte à Döttingen en Argovie qui le réalise. Les fouilles, le pilotage, les culées et la maçonnerie sont confiées à l’entreprise Martin et Baratelli (2). Le pont est inauguré la même année, car entre-temps les usines valaisannes se sont implantées à Chippis et les ouvriers s’y rendent en nombre. (3)
- Le nouveau pont-route en arc, construit par la maison C. Zschokke, Mechanische Werkstätte à Döttingen en 1917. Photo : Charly Arbellay
Comment recycler une vieille ferraille ?
Qu’est devenu le vieux pont de fer de 1878 ? Un bien trop précieux pour mourir de la rouille ! Il va prendre de l’altitude. Dans son ouvrage historique intitulé "Cordona VS", (4) du nom du hameau situé au-dessus de Miège mais appartenant aujourd'hui à la nouvelle commune de Crans-Montana, l’auteur Max-Camille Clavien (1914-1997), révèle son destin : «L’ancien pont en fer qui franchissait le Rhône à Chippis a été démonté, transporté et jeté sur les deux rives de la Raspille». L’ouvrage se trouve au lieudit la Proprija, à l’extrémité de la route du réservoir d’eau potable de Miège. Pour l’observer, il faut se positionner devant le répartiteur d’eau qui règle les débits des bisses de Varone et Salquenen.
Nous l’avons retrouvé le 10 février 2021, soit 142 ans après sa fabrication. Il est toujours en fonction et dessert les mayens et les prairies de Proprija.
- A Cordona - au deuxième plan - le pont de Chippis de 1878, recyclé vit une deuxième jeunesse. Devant le répartiteur d'eau sur la Raspille. Photo : Charly Arbellay
C’est bien connu, un pont ne meurt jamais !
Bibliographie :
- (1) Chippis à travers les âges, Michel-André Zufferey - 1972.
- (2) Pont du Valais, Georges de Kalbematten et Jean-Marc Biner Pillet Martigny 1991).
- (3) Journal Alu-Val no 177 – mai 1989.
- (4) Cordona VS, Max-Camille Clavien 1989, Imprimerie Clavien & Zuber, SA Sierre.
En complément
- Le nouveau pont-train construit en 1967, moderne et élégant provient de la maison Gebr, Tuchschmid AG à Frauenfeld. Particularité : on peut le surélever grâce à des vérins hydrauliques. Photo : Charly Arbellay
- Le village de Chippis, le Rhône et les deux nouveaux ponts en 2020. Photo : Charly Arbellay
Galeries:

Quand les Romands font leur histoire...
Cher monsieur Pierre-Marie Epiney, ravie de vous retrouver à nouveau avec l'un de vos dossier très intéressant avec les images de monsieur Charly Arbellay, lesquelles sont souvent d'une grande qualité, et ciblent toujours avec beaucoup de clarté le sujet concerné. J'aime beaucoup ! P.s. La Tuchschmied Ag Frauenfeld avait faite faillite en 2019 ou 2020 après 170 ans d'existence avec une perte d'emploi pour une centaines de personnes, dont la grosse majorité avait retrouvée rapidement un emploi, puisque leur savoir faire est très demandé encore de nos jours.
Merci Madame pour votre commentaire. "Rendons à César ce qui lui revient." Cet adage s'applique en pareil cas : les dossiers signés Charly Arbellay sont dus entièrement à sa plume. Ma contribution modeste consiste simplement à les mettre en page. Je vous invite à visiter ses nombreux apports à partir de sa galerie dont la référence est à droite de cette réponse. Bien cordialement. +Charly-Gilbert Arbellay a été correspondant de presse pour divers médias suisses depuis 1966. Il a accumulé de nombreux documents photographiques et rencontré d'innombrables personnalités, politiques artistiques, religieuses suisses et étrangères. Il a été le témoin de nombreux événements d'actualités, graves ou heureux, qu'il souhaite partager avec la communauté des contributeurs et des internautes."