Francis POULENC, Concert champêtre, Francis POULENC, piano, Orch.Phil.New-York, Dimitri MITROPOULOS, 1948
Francis POULENC, Concert champêtre, Francis POULENC, piano, Orch.Phil.New-York, Dimitri MITROPOULOS, 1948
Francis Poulenc commence de composer cette oeuvre pour clavecin et orchestre en mars 1927, elle est terminée en août 1928: l'idée de sa composition est née d'une rencontre avec la claveciniste Wanda Landowska:
"[...] Dans ses entretiens avec Stéphane Audel (*) , Poulenc dit : «Les trois grandes rencontres de ma vie, celles qui ont influencé profondément mon art, sont celles de Wanda Landowska, de Pierre Bernac et de Paul Éluard.» La rencontre avec la grande claveciniste eut lieu en 1923, chez la princesse Edmond de Polignac. Née Winnaretta Singer, elle était américaine et la fortune que lui avaient apportée les machines à coudre lui permit d'être une mécène généreuse et éclairée, puisqu'elle commanda des oeuvres à Debussy, Fauré, Ravel, Stravinski, et à Poulenc lui-même (le concerto à deux pianos [1932] et le concerto pour orgue [1938]) ainsi qu'à Manuel de Falla. C'est à la première exécution d'El Retablo de Maese Pedro qui avait lieu dans son salon, sous la direction du compositeur, que Ricardo Viñes présenta Poulenc à Wanda Landowska, qui tenait la partie de clavecin. «J'ai eu pour elle autant de respect artistique que d'humaine tendresse», dit Poulenc. «C'est elle qui m'a donné la clé de l'oeuvre de clavecin de Bach. C'est elle qui m'a appris tout ce que je sais des clavecinistes français.» Elle lui demanda de lui écrire un concerto et ce fut le Concert champêtre (1928).[...] " cité de Pierre Bernac, Francis Poulenc et ses Mélodies, Libella, Paris, 2014, ISBN 978-2-283-02762-2
(*) Il s'agit du 4e entretien, disponible en écoute sur cette page de Notre Histoire.
Wanda Landowska, Paris, juillet 1936
Paris En Images, © Boris Lipnitzki/Roger-Viollet
Sur son travail avec Wanda Landowska Poulenc écrit en 1929:
"[...] J'ai travaillé avec elle la première version de mon Concert champêtre. Nous l'avons repris mesure par mesure, note par note. Nous n'avons cependant changé ni une mesure ni une ligne mélodique, mais l'écriture pianistique et le choix des instruments concertants ont été l'objet de nos recherches les plus approfondies. Nous avons surtout clarifié l'écriture, soit par simplification d'accords, soit par supression de notes [...]" cité du livret EMI de l'édition Francis Poulenc Oeuvres complètes, page 65.
Après une interprétation privée où Poulenc joua au piano la partie orchestrale, l'oeuvre fut donnée en première audition publique le 3 mai 1929 à la Salle Pleyel, bien entendu avec Wanda Landowska au clavecin, l' Orchestre Symphonique de Paris étant dirigé par Pierre Monteux.
Ce concerto pour clavecin est le second en date de l'époque moderne, après celui de Manuel de Falla, composé peu auparavant. Il ne s'agit toutefois pas d'un pastiche de Rameau ou de Couperin. André Schaeffer, dans un article publié le 15 mai 1929: "[...]Le Concert champêtre nous apparaît beaucoup plus proche des Biches, et parfois du Sacre du Printemps, que des clavecinistes français. Dans la Sicilienne en sol mineur qui sert de deuxième mouvement, comment ne pas voir qu'y revit l'esprit même de l'Andante du Trio pour piano, hautbois et basson?... Jamais Poulenc n'a été plus fidèle à lui-même qu'en adaptant cet instrument de chasse et d'automne, par excellence, le clavecin [...]" cité d'après le livret EMI de l'édition Francis Poulenc Oeuvres complètes, page 65.
C'est la première grande oeuvre orchestrale de Poulenc, qui n'avait écrit auparavant pour l'orchestre que le ballet «Les Biches». Au clavecin se joint un orchestre de moyenne dimension, où les cordes doivent partager leur traditionelle primauté avec un groupe complet à vent (dont cor anglais, trombone, tuba), traité sur un plan d'égalité. Les percussions comprennent huits instruments différents, sans compter les timbales.
Sur le caractère «champêtre» de l'oeuvre, Harry Halbreich écrit:
"[...] Poulenc était un vrai Parisien, un homme qui se sentait chez lui dans une grande ville, même si (précisément à l'époque de la composition du Concert Champètre) il acquit un domaine campagnard en Touraine. L'auditeur ne doit donc pas s'attendre à l'évocation romantique d'une nature sauvage ou solitaire. Déjà le mot champêtre désigne la campagne du point de vue d'un citadin, tout en évoquant le souvenir des fêtes de cour révolues du XVIIIe siècle. L'oeuvre de Poulenc s'insère donc dans un cadre bien déterminé, tant géographique (les environs de Paris) qu'historique (l'époque de Couperin et de Rameau). Poulenc lui-même explique à ce sujet: «Pour un garçon qui, jusqu'à l'âge de dix-huit ans, n'a connu d'autre campagne que le bois de Vincennes et les coteaux de Champigny, champêtre signifie grande banlieue. Landowska habitant en 1928 à Saint-Leu-la-Forêt, près d'Ermenonville, c'est dans une atmospère de campagne très XVIIIe que j'ai situé mon oeuvre. Ce Concerto est champêtre selon Diderot et Rousseau. La campagne des Rêveries du promeneur solitaire, si vous voulez. (...) Du temps où il faisait de la critique musicale, Gabriel Marcel avait cru déceler, dans le Finale, de scandaleuses et inexplicales «sonneries de caserne». C'est très exact. Pour moi, éternel citadin, les clairons du fort de Vincennes, entendus du bois voisin, sont aussi poétiques que, pour Weber, les cors de chasse dans une vaste forêt.» [...]" citation extraite d'un texte de Harry Halbreich publié dans l'album Erato STU 70637 (avec cette oeuvre dans l'interprétation de Robert Veyron-Lacroix et de l'Orchestre National de la Radiodiffusion-Television Fancaise dirigé par Jean Martinon).
Le concerto comprend trois mouvements, de forme très librement classique. De nombreux liens thématiques existent entre les mouvements extrêmes. Le premier mouvement, le plus long des trois...
"[...] débute par une introduction lente (Adagio) que Claude Rostand qualifie de «férocement hautaine», et dont le signal initial rappelle le début de la dernière Symphonie Londonienne de Haydn (No 104 en Ré). Trois caractéristiques importantes de l'ouvrage apparaissent dès cet exorde: l'équivoque entre majeur et mineur, le timbre «champêtre» des cors et la quarte augmentée «lydienne» qui en découle. Le brillant et agile Allegro molto, avec son thème principal néo-classique, enchaîne avec une joyeuse insouciance diverses idées, dont certaines sont d'une savoureuse «insolence». La musique s'interrompt brusquement, et un appel de cors «tragique» (tierce mineure descendante) introduit l'ample volet central du mouvement. Il présente d'abord un staccato «féroce» du clavecin en si bémol mineur, puis divers motifs nouveaux, qui réapparaîtront dans le Finale, et parmi lesquels de détache surtout un thème de cuivres «éclatant» bâti sur quatre notes seulement. Après un nouvel arrêt d'une brusquerie typique suit un interlude lent, tranquille et mélancolique du clavecin, d'expression très vocale, spirituellement proche de Satie. Soudain l'Allegro s'élance à nouveau, se développant en une réexposition libre et abrégée. Le morceau se termine inopinément en ré mineur par un accord du clavecin brutalement coupé par un coup sec de l'orchestre.[...]"
Le second mouvement, un Andante...
"[...] purement mélodique en sol mineur, dans le rythme doucement berceur d'une Sicilienne. Une brève incursion vers La bémol majeur (ton de la sixte napolitaine) donne un avant-goût fugitif du second thème, qui apparaîtra dûment dans cette tonalité, et qui citera un vieux Noël des campagnes françaises. Après un libre récitatif de clavecin servant d'interlude, la reprise (en Sol majeur) opère une très subtile synthèse des deux thèmes. Le morceau se termine de la même manière que le précédent, mais en majeur.[...]"
Le Finale: Presto est introduit par le clavecin...
"[...] avec une virtuosité agile évoquant Scarlatti. L'orchestre se joint peu à peu à sa démarche à la fois élégante et impertinente, qui culmine en une «sonnerie de caserne» volontairement discordante. Suit une marche animée dans la manière d'un certain Prokofiev, aboutissant à une fière proclamation par le clavecin du thème «éclatant» du premier mouvement. À présent, diverses idées de ce mouvement (notamment l'appel «tragique» des cors) se développent en une libre élaboration symphonique. Un premier avertissement sévère du signal initial de l'oeuvre n'est pas pris en considération, et le thème «éclatant» se voit magnifié en une ultime et somptueuse progression. Alors le signal retentit à nouveau, doux et triste. Cette fois-ci, ré mineur l'emporte, et aucun accord d'orchestre ne vient plus ponctuer l'accord solitaire du clavecin: les lourdes frondaisons de l'orée forestière sont vides de présence humaine, la fête dans le parc du château est terminée... [...]" citation extraite de l'excellent texte de Harry Halbreich publié dans l'album Erato STU 70637.
C'est de la première tournée de Francis Poulenc aux États-Unis que date l'enregistrement proposé en écoute sur cette page: départ en bateau le 22 octobre 1948, arrivée à New-York près d'une semaine plus tard. Le 30 octobre il est à Boston pour assister à un concert avec au programme - entre autres - son concerto pour deux pianos. Le 3 novembre il voyage de New York à Washington, pour y donner un concert avec Pierre Bernac. Retour à New-York, pour son premier concert au Town-Hall (7 novembre). Le 9 novembre il est à Boston pour un concert au Jordan Hall, puis à New-York pour trois concerts avec l'Orchestre Philharmonique sous la direction de Dimitri Mitropoulos - 11, 12 et 14 novembre:
Sa tournée de concerts le conduit ensuite à North Hampton, MA (15 novembre), de nouveau à New York (20 novembre, pour un concert avec Pierre Bernac), au Québec, à Chicago (28 novembre), Los Angeles (1er décembre), Pittsburg (12 décembre), Philadelphie (13 décembre). Le 14 décembre, départ pour la France depuis New York.
Le concert du 14 novembre fut diffusé en direct à la radio; l'enregistrement du concerto de Poulenc a été publié sur - entre autres - le CD «LYS 482» (1999) et dans le coffret de 10 CDs «New York Philharmonic the historic broadcasts 1923-1987
NYP-9701» (1997).
Francis POULENC, Concert champêtre, FP 49, version pour piano et orchestre, Francis POULENC, piano, Orchestre Philharmonique de New-York, Dimitri MITROPOULOS, 14 novembre 1948
Rediffusé récemment sur Espace 2, dans le volet «24 mai 1937» de la série «Poussière d'étoile - Radio-panoramique» de Jean-Pierre AMANN, c'est grâce à la générosité de la...... que nous pouvons écouter en ligne cet enregistrement: cliquer sur le logo ci-dessus pour ouvrir une nouvelle fenêtre sur la page correspondante des archives de la RTSR, avec l'audio démarrant au début de la présentation de Jean-Pierre Amann.
Si vous désirez aller directement sur le début de l'un des trois mouvements, cliquer sur les minutages ci-dessous, en début de ligne:
(42:02) 1. Adagio. Allegro molto
(51:40) 2. Andante (Mouvement de Sicilienne)
(57:55) 3. Finale. Presto (Très gai)
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Le sommaire de ce volet «24 mai 1937» de la série «Poussière d'étoile - Radio-panoramique» de Jean-Pierre AMANN:
(01:02) Arthur Honegger , Pastorale d'été, Orchestre de la Suisse Romande, Ernest Ansermet, 1942
(08:56) Arnold Schoenberg , Konzert für Violoncello und Orchester D-Dur in freier Umgestaltung nach dem Concerto per Clavicembalo von Matthias Georg Monn, Heinrich Schiff, Sinfonieorchester des Südwestfunks, Michael Gielen, Studio 5 der Südwestfunk, 10./11.12.1987
1. Allegro Moderato, 2. Andante Alla Marcia, 3. Tempo Di Minuetto
(26:34) Paul Ladmirault , Valse triste pour piano et orchestre, Colette Diard, piano, Orchestre de Bretagne, Stefan Sanderling
(32:59) Philippe Gaubert , Quatres Ballades françaises, Mélanie Boisvert, Alain Jacquon, piano, September, 2012, Salle Colonne, Paris
1. Le Départ du matelot, 2. Sur la mer, au pâle soleil, 3. S'ils gagnent batailles, 4. Le ciel est gai, c'est joli mai
(41:19) Francis Poulenc , Concerto champêtre, FP 49, version pour piano et orchestre, Francis Poulenc, piano, Orchestre Philharmonique de New-York, Dimitri Mitropoulos, 14 novembre 1948
1. Adagio. Allegro molto, 2. Andante (Mouvement de Sicilienne), 3. Finale. Presto (Très gai)
(65:48) Frank Martin , extrait du Trio sur des airs populaires irlandais, Trio Altenberg
CLIQUER sur l'un des liens ci-dessus ouvre une nouvelle fenêtre sur la page correspondante des archives de la RTSR avec l'audio démarrant au début de la présentation de l'oeuvre par Jean-Pierre AMANN, resp. - pour les oeuvres d' Honegger, de Schoenberg et de Poulenc - sur la page correspondante de Notre Histoire.
"Dis voir", l'appli
Les Romands batoillent, mais de Sierre à Saignelégier leur accent varie. Le chercheur Mathieu Avanzi lance une application mobile pour étudier la diversité du parler romand. Le projet « Dis voir » invite les utilisateurs à enregistrer leur voix sur leur smartphone, à deviner des mots typiquement romands, et à tester leurs connaissances des accents régionaux.