Chasser en ville: le règne animal gouverne-t-il nos cités?
Un gibier héraldique orne nos enseignes et marque le sceau de nos autorités. Cette faune sera la vedette de la conférence de l’historien Jean Steinauer, vendredi 4 avril dans le cadre du Festival Histoire et Cité. Nous avons eu la chance de discuter avec lui pour découvrir pourquoi tant de créatures réelles ou imaginaires se lovent un peu partout dans nos villes.
D'où vient votre intérêt pour l'héraldique?
Jean Steinauer: Il remonte à un cadeau que m'a fait ma femme. Elle a eu l'excellente idée de m'offrir le Traité d'héraldique de Michel Pastoureau. On connaît surtout cet historien français pour son travail sur les couleurs, mais c'est un grand médiéviste, formé à l'École des Chartes. Il a développé ce traité sur la base de méthodes quantitatives. L'originalité de son propos vient du fait qu'il étudie les armoiries en tant que documents d'histoire sociale. Il y analyse la fréquence et la signification des couleurs et des figures du blason dans un périmètre qui s'étend à toute l'Europe occidentale. Cela m'a beaucoup plu !
Pour votre conférence quels types de représentations allez-vous décrypter?
Jean Steinauer: Je vais m'intéresser aux animaux que l'on trouve, par exemple, sur les enseignes des auberges. Il y a des motifs qui sont bien connus et que l'on retrouve d'une ville à l'autre. Qui n'est pas déjà passé devant une auberge du Cheval Blanc ou de la Cigogne ? Parfois, il arrive que des enseignes anciennes possèdent une combinaison de motifs insolites. C'est notamment le cas à Fribourg avec l'auberge de l'Ange. Pourquoi ce motif chrétien est-il présenté entouré de deux créatures marines, qui semblent empruntées à la mythologie gréco-romaine ? Ce type de phénomène sera aussi développé dans mon exposé.
Aujourd'hui, où votre oeil d'historien traque les animaux?
Jean Steinauer: Le monde du sport est encore très marqué par l'animalité. Si l'on pense à ce que l'on nomme la triade du pouvoir - à savoir le lion, l'aigle et l'ours -, une bonne partie des patinoires du pays peut se revendiquer de cette filiation médiévale. Il y a aussi des exceptions notables : à Zurich, le club de football de la ville s'appelle Grasshopper. Des sauterelles sur une pelouse viennent de la présence d'Anglais dans le développement des premiers clubs de foot.
C'est à l'issue de votre conférence que notreHistoire.ch désignera le grand gagnant du concours photo "Bestiaire de nos villes", présenté dans le blog de la semaine passée.
INFORMATIONS PRATIQUES
"Chasser en ville", conférence de Jean Steinauer Vendredi 4 avril 2025 / 12h15 - 13h15 / Genève — Uni Dufour, Salle U408 / manifestation gratuite
Certains animaux sauvages vivent au contact de nos villes, c’est pourtant à la chasse d’un gibier d’images que nous vous invitons. D’anciennes représentations saisissent des bêtes que les artistes n’ont jamais observées dans la réalité, mais qu’ils et elles stylisent afin de faire ressortir des qualités attribuées au prince, à la ville ou à l’État. Cette faune héraldique s’est emparée des enseignes de nombreuses auberges et a même colonisé la plaque arrière des automobiles d’un tiers des cantons suisses.
Mémoires d'ici fait peau neuve!
Le centre de recherche et de documentation du Jura bernois inaugure samedi 22 mars ses nouveaux locaux à Saint-Imier. notreHistoire.ch a rencontré Sylviane Messerli, directrice de l’institution, et Frédérique Zwahlen, documentaliste, pour faire le point sur cette mutation. Elles nous disent aussi quelques mots de la Bible de Moutier-Grandval exposée à Delémont.