Résister à la guerre d’Algérie, un parcours mouvementé

2022
David Glaser, reporter FONSART

Par André Gazut, reporter photographe, qui refuse de porter les armes au moment de la guerre d’Algérie est incorporé comme infirmier parachutiste en 1959. Il déserte et se retrouve en Suisse romande. Condamné à trois ans de prison, il sera amnistié en 1966. Ce témoignage d’un jeune appelé face à la guerre d’Algérie se limite à évoquer les épisodes d’un anticolonialiste non-violent qui le conduisent à déserter.

Je ne suis né ni algérien, ni natif d’Algérie, ni de parents qui y ont vécu. En 1956, je suis un jeune français stagiaire reporter-photographe à Paris, interpellé par la guerre. Au sein de la revue Réalités, où je travaille, un confrère qui revient de Kabylie nous montre ses photos. Après avoir présenté une multitude d’images, il en montre une dizaine d’autres environ : « c’est aussi cela, la guerre d’Algérie », dit-il.

Le choc qui change une vie

Le choc. Un grand choc qui changera ma vie. Je découvre des appelés à peine plus âgés que moi qui torturent en présence d’un officier, Dans deux ans, j’aurai 20 ans et serai moi aussi appelé. J’avais déjà lu dans Le Monde, Témoignage chrétien de telles informations. Dans France observateur Claude Bourdet avait écrit le 13 janvier 1955, « Votre Gestapo d’Algérie ». L’auteur, ancien résistant déporté, compagnon de la libération a été inculpé d’entreprise de démoralisation de l’armée. Les partisans de l’Algérie française désignaient ces journaux comme la presse de l’anti-France. J’avais, par ces photos, la preuve de la pratique de la torture. Dans le numéro de Réalités de février 1957, aucune photo de torture n’est publiée. Y figure une image bien traditionnelle du début de l’interrogatoire du prisonnier par l’officier en présence d’appelés.

Si je comprends la lutte de libération algérienne, je suis aussi indigné par son usage du terrorisme à l’encontre des civils. Mais en Algérie, c’est la France, mon pays, qui torture et humilie.

Je ne veux pas devenir le nazi des Algériens, je ne serai pas complice de cette guerre coloniale. Il me faut chercher des livres sur l’histoire de sa colonisation et apprendre que sa conquête a été très violente et longue. En 1945, dans sa charte même, l’Organisation des Nations unies (ONU) a mis en cause la colonisation, alors que 750 millions de personnes dépendent de puissances coloniales, soit un tiers de la population de l’époque.

En 1957, le Général Jacques de Bollardière, en désaccord absolu, avec le Général Jacques Massu, condamne ouvertement l’usage de la torture. Il est le seul officier supérieur alors en fonction à l’avoir dénoncé. Il m’est inconcevable que l’on frappe de 60 jours d’arrêts de forteresse, ce compagnon de la libération, grand officier de la Légion d’honneur, médaille de la Résistance, Croix de Guerre 1939-1945.

Que faire face à ce monde fou quand le pouvoir ne poursuit pas le crime mais celui qui le dénonce ? Jeune adulte désemparé, je veux savoir comment faire quand je serai appelé par l’armée. Je découvre la non-violence dans un article de l’abbé Pierre qui mentionne deux noms, l’un d’un anarchiste Louis Lecoin et l’autre Lanza del Vasto, disciple chrétien de Gandhi qui a œuvré pour l’indépendance de l’Inde. L’orientation politique ou religieuse de ces hommes m’importe peu, ce qui compte c’est leur engagement concret contre la guerre. Je vais les rencontrer.

Lanza del Vasto me fait connaître l’Action civique non-violente qu’il a créée. Ses membres dénoncent l’existence des camps d’internement en France de suspects membres du FLN. En se rendant aux camps du Larzac et de Rivesaltes, ils demandent à partager le sort de ces Algériens internés sans jugement. Dispersés par la police, ils s’éloignent, campent et organisent un jeûne de solidarité. J’admire cet engagement, mais ne sais toujours pas comment me conduire quand je serai appelé à l’armée. C’est Louis Lecoin qui m’indique que lors de ma convocation à l’armée, je devrais, pour marquer mon refus de la guerre, annoncer que je refuse de porter les armes.

Une convocation militaire difficile

Fin 1958, l’armée me convoque pour les trois jours de présélection militaire. C’est un moment difficile. À l’officier orienteur j’indique que je refuse de porter les armes. Il semble surpris, contrarié surtout. Ce n’est pas l’uniforme que je refuse mais cette guerre coloniale. Il me conduit chez un commandant : « Nous menons en Algérie une guerre juste. Une lutte contre le fanatisme arabe et contre le communisme. Nous y défendons la civilisation occidentale et chrétienne ». D’un côté, un officier qui prêche la guerre sainte et de l’autre, un appelé non-violent dont le pays est oppresseur. Étant donné que je suis reporter photographe, il me propose de rejoindre le service de photographie de l’armée. Je refuse car ce service est l’outil de l’action psychologique en lui fournissant des images de propagande : l’armée construit, le FLN détruit, l’armée soigne, le FLN tue, etc. Le règlement militaire prévoit que, dès lors je serai infirmier-parachutiste. L’officier me donne un texte à recopier et à signer : « Je demande d’être infirmier-parachutiste et librement me porte volontaire pour tout pays où stationne l’armée française ».

Le danger fasciste

Au début de l’année 1959, je suis incorporé dans l’armée en tant que parachutiste à Pau. Lors de mon stage de saut, un capitaine dit : « La torture permet de sauver des vies humaines grâce aux renseignements obtenus ». Je me sens seul face à ce monde clos où les parachutistes ne cessent de répéter que, en mai 1958, ils auraient dû sauter au Bourget, pour prendre le Parlement. Ils doutent du général de Gaulle, revenu au pouvoir à cette occasion. Lors d’un déplacement à Alger n’a-t-il pas dit à la foule « Vive l’Algérie française » et aujourd’hui l’ordre de ne pas torturer est donné. Une trahison pour eux, et le regret de n’avoir pas fait alors

un coup d’État pour établir un pouvoir militaire. Je découvre le danger fasciste.

La majorité des appelés qui se retrouvent dans une unité parachutiste le doivent aux tests lors de ces trois jours d’évaluation qui révèlent « une faible scolarité, l’absence de fracture aux membres inférieurs et une bonne dentition », comme je le lis, ahuri, dans une un fascicule oublié par un officier. Ainsi, les parachutistes recherchent des hommes physiquement en bonne santé et malléables.

Bien peu possèdent de notions politiques. L’action psychologique utilise ce terrain favorable. Ainsi, de jeunes Français se sentent investis de la défense de la civilisation occidentale contre les « barbares » et contre le communisme international. Une revanche sur leur vie terne antérieure.

Le parachutiste a le privilège de porter un petit béret rouge, signe de soldat d’élite et non le triste calot des autres troupes. Lors de ma première permission, je monte dans un train bondé de militaires et cherche une place, en vain. L’un d’entre eux se lève et me propose de m’asseoir. Pensant qu’il va descendre à la prochaine gare, je lui dis qu’il a de la chance d’habiter si proche. « Non, je vais loin, mais toi, tu es parachutiste ». Je suis glacé, sa réponse me renvoie au nazisme et à l’attitude de respect ou de crainte qu’avaient les civils allemands.

Les nouvelles générations ne peuvent imaginer la situation spécifique de cette période. L’armée est composée d’appelés et de militaires de carrière. La France dite des « Trente Glorieuses » connaît une forte croissance économique et le taux de chômage est bas. Seul grand problème, la guerre d’Algérie. Ainsi, saisies des journaux critiques, mais aussi de livres. C’est le cas de La question en 1958. Henri Alleg, qui fut rédacteur en chef d’Alger républicain, quotidien du Parti communiste algérien délivre une autobiographie sur son arrestation par des parachutistes et les tortures qu’il a subies. Je n’avais pu en lire que des extraits repris par des journaux courageux et par des tracts.

Une fois breveté para je suis muté à Toul pour effectuer mon stage d’infirmier. L’ambiance est bien différente de celle de Pau où un sous-officier parachutiste, ancien de la guerre d’Indochine, me prend à partie en raison de mon refus de porter les armes : « Les salauds comme toi, coco (communiste), traître, pédé, ami des fellouzes, on doit les bousiller ». Puis, il me menace avec son révolver pour que j’accepte de porter les armes et, enfin, il me met la « tête au carré », comme on disait à l’époque pour désigner les coups violents et prolongés assénés à un soldat pour corriger son état d’esprit.

En raison de la mort de mon père, prisonnier des nazis je reçois l’exemption d’Afrique du nord (AFN). Mon statut de pupille de la nation semble l’emporter sur le texte que l’officier orienteur m’avait donné à recopier et à signer lors des trois jours de présélection. Je deviens ami avec Pierre Boisgontier, appelé qui, comme moi, a refusé de porter les armes. Il possède une expérience politique comme ancien président des étudiants de l’Union des étudiants de France (Unef) à Nancy. Nous arrivons par l’intermédiaire d’un appelé médecin à voir un objecteur Henri Cheyrouze, catholique, ancien syndicaliste, en observation psychiatrique à l’hôpital militaire. Cette pratique qui consiste à considérer l’opposant comme un fou sera reprise plus tard par l’Union soviétique, mais alors l’Occident s’indignera.

Chaque appelé sait que la plus petite critique sur la guerre peut le priver de permission mais, surtout, anticiper son départ pour l’Algérie, voire l’envoyer dans une région réputée dangereuse. Face à cette situation, impossible de faire de l’agitation dans les casernes comme le préconise le Parti communiste français, qui n’a jamais indiqué en quoi et comment, ou de sensibiliser les autres soldats, comme le conseille l’Église catholique, les deux sensibilités majoritaires alors en France.

Maurice Thorez, secrétaire général du Parti communiste français, rappelle le 31 mai 1959 la phrase de Lénine : « Le soldat communiste part à toute guerre, même à une guerre réactionnaire, pour y poursuivre la lutte contre la guerre ». Les Évêques de France dans une lettre collective : « Les jeunes se demandent, dans l’incertitude et parfois dans l’angoisse, où se trouve le devoir. Pour répondre à ces perplexités on ne saurait recourir à l’insoumission militaire ». Et dans le journal La Croix daté du 13 octobre 1960, le Révérend père Antoine Wenger écrit : « C’est dans les situations difficiles que l’homme montre ce qu’il est et que la Grâce est donnée à qui la demande ».

Et pourtant, en Algérie les communistes algériens sont favorables à l’indépendance et luttent pour cela. Des deux côtés de la Méditerranée des prêtres, des militants catholiques font partie des réseaux d’aide au Front de libération nationale (FLN). Notre refus de porter les armes, à Pierre Boisgontier et moi-même, réglait notre problème moral mais pas celui de notre efficacité contre la guerre à l’intérieur de l’armée. N’avions-nous pas reçu des lettres d’infirmiers en Algérie qui devaient remettre sur pied des personnes torturées pour que la torture puisse reprendre. Il nous fallait pouvoir trouver d’autres formes de lutte.

Fausse permission, réunion clandestine à Paris et arrestation

Pentecôte 5 juin 1960. Avec Pierre, qui a de nombreux contacts dans le monde étudiant, je me rends en civil en fausse permission à Paris pour assister à une réunion clandestine. Nous sommes plus d’une centaine de jeunes hommes réunis dans un temple, rue de l’Avre, dans le XVe arrondissement. Pour nous, le slogan « Paix en Algérie » devait devenir « Négociations ». Par sécurité, chacun porte un numéro et les noms ne sont pas donnés. Nos sensibilités sont multiples : communistes en rupture, trotskistes, chrétiens de gauche, anarchistes, non-violents, syndicalistes étudiants, tous anticolonialistes.

Un déserteur, membre de Jeune Résistance est venu de l’étranger. Nous parlerons aussi avec un représentant de la Fédération de France du FLN et un autre de l’Union générale des étudiants musulmans algériens (Ugema).

Parmi les propositions concrètes, celle de Pierre : réclamer un service civil en dehors de tout cadre militaire pour venir en aide à la population algérienne. D’autres privilégient l’insoumission, la désertion, l’aide au FLN pour le transport d’argent. Conscient que toutes ces actions sont complémentaires, décision est prise par les participants de les développer au gré des sensibilités de chacun. Ce qui se concrétisera.

Une semaine après, le quotidien Le Monde du 13 juin annonce l’arrestation d’un étudiant qui transportait de l’argent pour le FLN, puis le quotidien France soir annonce d’autres arrestations en publiant les photos des interpellés. Je reconnais l’un d’entre eux, présent à la réunion de Paris. Aurions-nous été surveillés ? Le week-end suivant, je retourne à Paris. Au sein du bidonville de Nanterre, un jeûneur de l’Action civique non-violente pourrait peut-être avoir des informations. Marcher tranquillement avec un appareil photo au milieu des baraques algériennes me vaut une interpellation par la police et un interrogatoire. Au premier abord, j’indique que, en tant que photographe, je viens prendre des photos.

Il me faut cependant bien admettre que je suis militaire et invente ensuite l’histoire de visite à Paris d’une femme ; l’armée est très complaisante dans ce cas. On me conduit à la caserne Dupleix dans le XVe arrondissement pour un nouvel interrogatoire puis prison militaire quelques jours, avant d’être transféré menotté à Toul. Le sous-officier qui signe ma décharge me signale que mon paquetage a été fouillé. J’y avais tracts et de la correspondance. Après trente jours de cellule, je suis à nouveau transféré au camp disciplinaire de Bitche. Cela me semble excessif pour le motif de rencontre d’une femme à Paris, si l’armée m’a cru et bien peu si elle connaît ma participation à une réunion clandestine. Lorsque j’apprends que la sécurité militaire vient m’arrêter, je déserte et gagne l’Allemagne, proche, à pied puis la Suisse, en train.

En Suisse, entre Lausanne, Zurich et Genève

À Lausanne, je vais rencontrer l’éditeur de La Cité, Nils Andersson, qui republie les livres interdits en France et qui y sont introduits clandestinement (voir aussi article de Nils Andersson), je pense qu’il se trouve en contact avec Jeune Résistance. Il me fait accompagner au service de la police des étrangers pour exposer ma situation. Peu de temps après, je suis interrogé, plutôt entendu, avant de recevoir un « Certificat d’identité pour étranger sans papier valable ». Depuis peu, au nom d’une « politique de neutralité active » le Conseil fédéral suisse juge l’indépendance algérienne comme seule solution et n’expulse donc plus les réfractaires insoumis et déserteurs, comme c’était le cas à la venue des premiers réfractaires en 1956.

Je trouve un petit travail en tant que photographe de rue à Villars-sur-Ollon, station touristique des pré-Alpes vaudoises, à l’ouest de la Suisse. La saison d’été finie, je travaille à Zurich chez Comet, une agence photo. En octobre, a lieu le procès de membres du Réseau Jeanson et simultanément, le Manifeste des 121 pour le droit à l’insoumission, signé par des intellectuels et artistes éminents, qui vient d’être publié, fait grand bruit en France et même en Suisse, d’autant que la signature de Jean-Paul Sartre y figure. Les signataires seront interdits de plateau à la radio et à la télévision françaises. Interdites aussi la mention de leurs livres et la diffusion de leurs films, de leurs musiques,

J’écris un texte destiné à mes proches : Lettre d’un jeune déserteur à ses amis et connaissances. Il s’agit de briser le silence de mes parents auprès d’amis sur ma désertion et de revendiquer mon action contre cette guerre coloniale. La Police cantonale me signifie que je dois quitter Zurich, illustration de cette période tendue de la guerre froide qui fait voir partout la subversion communiste : « Vous êtes accepté en Suisse, mais les gens comme vous, nous n’en voulons pas c’est bon pour Genève ou Lausanne ». Je pars donc pour Genève, sans travail. Jeune Résistance me met alors en relation avec Jean Mohr, reporter réputé qui m’héberge et me propose de l’aider pour ses tirages photos. Manière délicate de m’offrir quelque argent. Claude Glayman, permanent de Jeune Résistance me demande d’écrire un témoignage destiné à Il Manifesto revue italienne (avant de devenir un quotidien). La lutte contre le colonialisme et l’impérialisme est notre ciment. Notre action consiste à organiser et à participer à des réunions, à confectionner des tracts envoyés en France, à réaliser de rares passages de frontière. Le plus important consiste à rencontrer des militants suisses. Anciens des brigades internationales en Espagne, Suisses venus rejoindre la résistance française, syndicalistes étudiants, prêtres, pasteurs, journalistes… Tous sont des personnalités respectées. Ainsi, la presse suisse romande devient une source de référence et nombre d’articles et analyses sont repris en France. Certains d’entre nous poursuivent des études, d’autres travaillent comme correcteur de journal, enseignant, employé de restauration, géomètre. Enfin, de mon côté, je trouve un travail en tant que cameraman d’actualité à la télévision suisse romande. Ma future femme, Marianne, partage mon engagement et me rejoint en participant à nos activités.

Printemps 1961, des négociations à Évian et signature des accords en 1962

Au printemps 1961, enfin, des négociations sont annoncées à Évian. Nous apprendrons plus tard que les autorités suisses ont facilité des contacts secrets entre les belligérants.

Le 31 mars, Camille Blanc, le maire d’Évian, est assassiné par des partisans de l’Algérie française.

Le 21 avril 1961, à Alger le putsch des Généraux avec la participation d’unités parachutistes fait craindre l’arrivée du fascisme. Le groupe de Jeune Résistance de Genève se réunit d’urgence . Que faire ? Rentrer en France pour s’opposer, mais comment ? Le Général de Gaulle se montre ferme contre ce coup d’État, le contingent n’obéit plus et s’oppose aux militaires, les syndicats appellent à une grève générale. Ainsi, la démocratie est sauvée.

Le 20 mai débutent les négociations. La délégation algérienne loge en Suisse à Bois d’Avault dans une résidence appartenant à l’Émir du Qatar, Cheikh Ahmed ben Ali Al Thani, émir du Qatar de 1960 à 1972. protégée par des canons de la défense contre avions (DCA) de peur d’une opération aérienne de l’Organisation de l’armée secrète (OAS). L’armée suisse assure le transport des algériens par hélicoptère pour rejoindre les négociateurs français à Évian. Je serai un des premiers à pouvoir les filmer et les photographier en Suisse. Ces négociations n’aboutissent pas, mais le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) laisse à Genève des hommes de liaison.

Le 18 mars 1962, le cessez-le-feu est signé lors de la deuxième négociation d’Évian. La guerre semble bien finie. Pourtant entre le cessez-le-feu et l’indépendance algérienne, le 5 juillet 1962, l’Algérie est à feu et à sang. Politique de la terre brûlée par l’OAS, fusillade de la rue d’Isly, attentats FLN et OAS. De nouvelles souffrances pour toutes les communautés, puis exode massif de populations de toutes origines vers la France.

Condamnation, amnistie et travail de documentation

Condamné à trois ans de prison et non encore amnistié, je reste en Suisse. En tant que cameraman, je parcours le monde pour le mensuel suisse télévisuel Continents sans visa, en coproduction avec 5 colonnes à la une de TF1. Mon nom au générique français trouble les gendarmes qui continuent à venir à la maison pour retrouver le déserteur André Gazut !

Devenu réalisateur, je peux choisir mes sujets. En 1974, je réalise un portrait du Général Jacques de Bollardière qui quitte l’armée et devient une figure de la non-violence incarnée par la lutte contre l’extension du camp militaire du Larzac, son soutien aux objecteurs de conscience, son embarquement sur un voilier d’opposants aux essais nucléaires français dans le Pacifique. Petit et grand écran français évoqueront Jacques de Bollardière seulement en 2001, soit vingt-sept ans plus tard, lorsque deux cinémas parisiens organisent une projection spéciale et que La Chaîne Parlementaire (LCP), puis FR3 diffusent le documentaire.

Au cours de la guerre d’Algérie, nous n’étions que 300, au plus 500 insoumis et déserteurs à Jeune résistance, mais le mouvement américain contre la guerre du Vietnam s’en est inspiré et en comptera 80 000, réfugiés au Canada. Leur groupe Americans désertors figure même dans les annuaires téléphoniques. C’est ce que je constate lors de ma venue pour réaliser un documentaire.

Questionnements

Où finit la soumission à l’autorité ? Où commence la responsabilité de l’individu ? Quelles sont les responsabilités morales et politiques des élites ? En 2003, je réalise un documentaire en deux parties, Pacification en Algérie, diffusé sur la chaîne de télévision franco-allemande Arte : partie 1, Le sale boulot ; partie 2, La Politique du mensonge.

À Genève, en novembre 2004, le Théâtre Saint Gervais m’offre la possibilité d’organiser un colloque, « L’espoir algérien en Suisse », une semaine consacrée à la guerre d’Algérie avec de nombreux intervenants, français, algériens, suisses dont Bruno de Leusse et Redha Malek, respectivement négociateur français et algérien à Evian. Sont aussi présents des intermédiaires entre belligérants, combattantes et combattants venus d’Algérie, des historiens et des membres des réseaux.

Les jeunes générations n’ont pas à porter le poids de la guerre d’Algérie. Reste la douleur commune de la génération de la guerre, algérienne et française : veuves, orphelins, familles endeuillées, familles exilées, traumatisés sont concernés. Soixante ans après la fin de la guerre d’Algérie, il est indispensable que les archives françaises et algériennes soient totalement déclassées pour les historiens des deux pays. Benjamin Stora dans son rapport remis en 2021 au président Emmanuel Macron écrit : « À l’heure de la compétition victimaire et de la construction des récits fantasmés, on verra que la liberté d’esprit et le travail historique sont des contre-feux nécessaires aux incendies de mémoires enflammées, surtout dans la jeunesse. »

 Réalités est un mensuel français de tendance libérale de l’après Seconde Guerre mondiale, fondé en 1946. Il cesse de paraître en 1978.

 Le quotidien Le Monde est un journal français fondé en 1944 par Hubert Beuve-Méry. Né dans l’ombre du pouvoir, le journal s’en émancipe et se veut indépendant. C’est une indépendance éditoriale, financière et politique. Il est de tendance plutôt sociale-démocrate chrétien sur le plan intérieur et anticolonialiste sur le plan extérieur. En 1957, toutefois, le journal refus la publication d’un article de Jean-Paul Sartre sur la torture en Algérie. Sous la Ve République, le journal soutient la politique extérieure du Général De Gaulle.

 Le journal France Observateur est le successeur de L’Observateur politique, économique et littéraire né en 1950. Il deviendra plus tard Le nouvel Observateur, plus connu sous le nom de Nouvel Obs. Le journal est classé à gauche, social-démocrate, ouvert à toutes les gauches. Dans la France d’après-guerre, il met en avant la nécessité de donner leur indépendance aux colonies.

 Officier général de l’armée française, combattant de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre d’Indochine et de la guerre d’Algérie est une figure de la non-violence.

 Officier général, compagnon de la libération et commandant des forces françaises en Allemagne dans la colonne Leclerc et la 2e division blindée durant le Seconde Guerre mondiale. En revanche, son rôle est beaucoup plus controversé durant la guerre d’Algérie, sur la torture, dont il a reconnu l’usage.

 Le quotidien français La Croix est fondé en 1883 par la congrégation des religieux catholiques des Augustins de l’Assomption. Le quotidien se prononce ouvertement chrétien et catholique.

 Jeune Résistance est la première organisation opposée à la guerre d’Algérie qui regroupe des insoumis et des déserteurs français. En lien avec les porteurs de valises du Réseau Jeanson, certains d’entre eux s’engagent aussi dans l’aide au Front de libération nationale (FLN).

 Quotidien français généraliste crée en 1944.

 Nils Andersson, « La guerre d’Algérie en Suisse, de la solidarité l’insoumission »

 Jean Mohr devient photographe professionnel en 1955 et publie principalement pour le journal Tribune de Genève. À partir de 1956, il collaborera pour des organismes internationaux dont le Comité international de la Croix-Rouge, l’Organisation mondiale de la Santé et le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

 Il Manifesto est un journal politique italien, créée comme une revue politique mensuelle, publiée la première fois le 24 juin 1969. Il a été fondé par une frange dissidente du Parti communiste italien.

 L'OAS est une organisation politico-militaire française proche de l’extrême droite crée le 11 février 1961 pour la défense de la présence militaire française en Algérie, y compris par le terrorisme. L’OAS a essayé de mettre en échec les négociations du FLN avec le gouvernement français.

 L’amnistie aura lieu en 1966.

 La Chaîne Parlementaire est un canal de télévision partagé entre deux chaînes publiques nationales françaises. Il a été créé conjointement par l’Assemblée nationale et le Sénat français en décembre 199 afin de rendre compte des activités de ces deux institutions.

 France 3 est une chaîne de télévision généraliste française de service public à vocation régionale, qui succède à France Régions 3 le 7 septembre 1992 et fait partie actuellement du groupe public France Télévisions.

 Le nombre exact des réfractaires a donné lieu à de nombreuses controverses. Trémor Quemeneur y a consacré sa thèse en 2007 sous la direction de Benjamin Stora (persee.fr/doc/outre_1631-0438_...). Le chiffre de 12 000 fourni par l’armée englobe les actes traditionnels non politiques, ceux de Jeune résistance et de l’OAS.

 Benjamin Stora, Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie, janvier 2021, 160 pages, page 3.

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17 mars 2022
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