Hommage | Un scoop: João Gilberto a souri au Montreux Jazz Festival
Hommage | Un scoop: João Gilberto a souri au Montreux Jazz Festival
Cela a pourtant très mal commencé. Le 18 juillet 1985, João Gilberto est programmé pour une nouvelle nuit brésilienne de légende, à laquelle doit aussi participer Tom Jobim et son groupe. Il s’agit de sa première venue à Montreux. Manque de chance, João et Tom ne se parlent plus depuis plusieurs années. Pire, João aurait affirmé à Claude Nobs: “si je le rencontre, je le tue…”
Il faut savoir que João Gilberto est un personnage très particulier, qui avait notamment pris l’habitude de débarquer chez ses amis à n’importe quelle heure, en principe de nuit, pour leur présenter sans attendre sa dernière création, et pour y rester ensuite un certain temps, quelques jours, quelques semaines, quelques mois… jusqu’à ce que son ami, ou l’épouse de celui-ci, le prie d’aller voir ailleurs. On peut imaginer que Tom, un jour, a demandé à João de partir de chez lui et que ce dernier en ait été mortellement fâché.
Pour les organisateurs de concert, João Gilberto est aussi un client singulier, dont le principal critère est une obsession aigüe de l’la perfection: du jeu de guitare, de la voix, du rythme, du son, de l’écoute du public. N’a-t-il pas quitté sans retour le stade de Maracanã a Rio, tout spécialement rempli pour l’écouter, après avoir commencé à jouer et décidé que le son était, à ses yeux, pourri !
A Montreux, il s’est enfermé avant le concert dans sa chambre d’hôtel, au Palace, n’acceptant de parler à personne d’autre qu’à sa psychiatre, à travers la porte. Après une laborieuse négociation, un premier set impromptu de José Barrense Dias, un deuxième set de Tom Jobim, il est arrivé tard dans la nuit, seul avec sa guitare devant un impressionnant microphone. Et là, miracle, le concert a été exceptionnel, magique, les rappels se sont enchaînés… João Gilberto a souri !
Le public européen peut difficilement imaginer l’influence phénoménale de João Gilberto sur la musique brésilienne. A la fin des années 50, il s’est retiré deux années chez sa soeur, à Diamantina, souvent dans l’écho de la petite salle-de-bain de la maison, pour y inventer, seul, la bossa nova, un jeu de guitare et de voix qui s’interpénètrent, tout à la fois rythmique et mélodique, que personne n’arrive à jouer comme lui et qui, peu après, avec son premier album Chega de Saudade, a provoqué un raz-de-marée mondial dans l’industrie musicale. Il paraît que, plus jeune, il avait un registre de voix magnifique, qu’il se l’est cassé dans le tabac, l’alcool et la fatigue des nuits cariocas. Il a créé cette musique unique, immédiatement reconnaissable, en général massacrée par ses interprètes parce qu’elle est d’une précision diabolique, alors qu’il s’était cassé la voix.
Pour approcher la sensibilité de cet artiste hors catégories, courez voir le film de Georges Gachot : Where are you João Gilberto?, sorti dans les salles fin 2018.
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