Histoire des jeux vidéo en Suisse romande
Joysticks et manettes, la Suisse romande s’est mise à l’heure du jeu vidéo dans les années 1970. Des premiers jeux d’arcade, installés dans des lieux publics, aux parties faites sur smartphone entre deux arrêts de bus, le monde du gaming a considérablement évolué ses 50 dernières années. Le GameLab de l’UNIL-EPFL s’intéresse de près à ces mutations.
Ce groupement de chercheurs et chercheuses a pour objectif de documenter l’émergence des jeux électroniques et vidéo dans nos loisirs. Vous souvenez-vous de vos premières parties de jeu vidéo ? Vos témoignages intéressent Guillaume Guenat pour écrire l’histoire des pratiques vidéoludiques romandes. Il nous parle de son projet.
En quoi consiste vos recherches au sein du GameLab ?
Guillaume Guenat: Le GameLab regroupe des chercheurs et chercheuses qui s’intéressent au jeu vidéo sous tous ses aspects : mode narratif, environnement esthétique, configuration technique, etc. Mon focus, c’est sa dimension sociale et historique. Je m’intéresse à l’histoire du média en Suisse romande avec un accent sur le canton de Vaud. Plutôt que de dresser un inventaire des jeux vidéo, j’étudie comment cet objet est arrivé dans nos régions et comment notre société a découvert et expérimenté cette nouvelle forme d’image, et cette nouvelle forme de jeu!
Pourquoi recherchez-vous des documents et des témoignages de joueur.euse.s?
Guillaume Guenat: Le jeu vidéo a beaucoup changé en un demi-siècle et a produit des expériences très variées d’une personne à l’autre. Mais ces expériences, très subjectives, ne peuvent pas être que déduites des jeux. Ce qui m’intéresse, c’est comment les gens ont vécu ce média. Les documents personnels – photos, journaux, jeux et consoles - comme les témoignages permettent de construire une mémoire populaire du jeu vidéo. Cela permet de l’inscrire à la fois dans des trajectoires de vie, mais aussi dans des contextes très spécifiques : des salles d’arcade lausannoises aux cafés des villages, des premiers ordinateurs de la famille au salon des cousins où l’on jouait pendant les fêtes.
Est-ce que l’on a besoin d’être un caïd des jeux vidéo pour vous aider?
Guillaume Guenat: Absolument pas ! Au contraire, si l’on n’avait que les témoignages des afficionados, ce ne serait pas très représentatif. C’est tout le problème de la catégorie « joueur·euse » : même celles et ceux qui ne s’en revendiquent pas ont des choses à raconter. C’est pourquoi je m’intéresse aussi – surtout ? – aux pratiques ordinaires, aux routines. Quand on fait de l’histoire sociale, les expériences discrètes - comme jouer au solitaire sur l’ordinateur du travail par exemple –, ou occasionnelles - avoir testé PONG une fois et avoir détesté – sont fascinantes à documenter et à étudier. Les souvenirs de ces expériences sont aussi précieux que ceux d’un fan de la première heure.
Vous parlez de jeux vidéo, mais aussi de jeux électroniques, les deux termes sont proches. Pouvez-vous nous expliquer ce qui les distinguent?
Guillaume Guenat: Il faut revenir au contexte d’émergence des premiers « jeux vidéo ». L’après-guerre rime avec le développement des industries des loisirs, accompagné par une diffusion de l’électronique dans les jeux et des jouets. Ainsi, la diffusion des jeux vidéo est inséparable d’autres objets qui partagent souvent les mêmes lieux, les mêmes formes, les mêmes mécaniques et les mêmes pratiques. L’exemple le plus concret est le succès incomparable des flippers, particulièrement dans les années 70, mais aussi des air hockey ou encore des Juke Box, qui ont inspiré les premiers jeux d’arcade.
L’histoire des jeux vidéo est à toujours comprendre dans ce contexte. Cela dit, les jeux vidéo vont peu à peu trouver leur niche et leur identité propre, particulièrement à partir des années 80, avec des spécificités qui se stabilisent : avoir une image animée sur un écran, générée par un système informatique, que l’on peut actionner dans une perspective ludique.
Comment la communauté de notreHistoire.ch peut aider à faire progresser l’histoire ?
Guillaume Guenat: Il y a plusieurs pistes, voici quelques exemples:
a. Répondre au forum « Mon premier souvenir de jeu vidéo »
b. Commenter des archives de la RTS sur les jeux vidéo
c. Publier des documents en lien avec vos souvenirs de jeux vidéo
d. Contacter Guillaume Guenat via le profil GameLab Lausanne pour participer à un entretien et partager vos souvenirs.
Où peut-on trouver les résultats de vos recherches ?
Guillaume Guenat: À long terme, et avec l’accord des participants et participantes, l’histoire orale a comme objectif la création d’archives orales à destination des historiens et historiennes de demain. À plus court terme, ma recherche devrait mener à un manuscrit de thèse et des publications scientifiques.
En parallèle, la médiation et le lien avec la cité est un des objectifs phares du GameLab. C’est pourquoi nous organisons ou participons à des évènements publics, y compris des conférences, comme par exemple lors du Festival des Jeux. Nous publions aussi régulièrement sur notre site des articles de blogs et diffusons nos recherches sur notre chaîne Twitch. Enfin, CH Ludens, un projet national de recherche de grande ampleur s’empare aussi de la question pour étudier la culture vidéoludique suisse des années 60 à 2000 et publie régulièrement des articles sur le sujet.
Pour retrouver les documents RTS et vos souvenirs, visitez la galerie collaborative "Jeux électroniques et jeux vidéo"
j'était fou des flippers les années 80-90 et assez doué. Lors d'un cours de répétition a l'armée en valais, un flipper nommé "Kiss" du nom du groupe était installé au buffet de la gare. Un jour j'ai réussi de battre le record de celui-ci avec félicitations du patron du resto. Le lendemain rebelotte mais cette fois-ci il est tombé en panne. Sacré souvenir tout de même.