Maurice RAVEL, Concerto pour piano en sol majeur, M 83, Nikita MAGALOFF, OSR, Aldo CECCATO, 1977
Maurice RAVEL, Concerto pour piano en sol majeur, M 83, Nikita MAGALOFF, OSR, Aldo CECCATO, 1977
Composé de l'été 1929 à novembre 1931, le concerto en sol majeur fut la dernière oeuvre importante de Maurice Ravel, avant sa grave maladie - une tragique maladie neurodégénérative dont il a hélas souffert pendant les dernières années de sa vie, qui conduira à son décès. Il dédia l'oeuvre à Marguerite Long, qui la donna en première audition à Paris, salle Pleyel, le 14 janvier 1932, l'Orchestre des Concerts Lamoureux étant dirigé par le compositeur. La première audition aux USA date du 22 avril 1932, simultanément par le Boston Symphony Orchestra et le Philadelphia Orchestra dans leurs salles de concert respectives.
Ce concerto - ainsi que celui pour la main gauche - appartiennent à ce que Maurice Ravel a écrit de plus avancé aussi bien dans l'esprit du traitement instrumental que dans l'écriture tant au piano qu'à l'orchestre.
Maurice RAVEL vers 1920, extrait d'une photo Boris Lipnitzki / Roger-Viollet
À l'origine l'oeuvre devait être une «Rhapsodie basque» avec piano concertant que le compositeur voulait faire jouer au cours d'une tournée américaine, lui-même étant au piano, l'oeuvre étant une commande de Serge Koussevitzky pour le 50e anniversaire de l'Orchestre symphonique de Boston. En cours de travail il avait pensé lui donner le titre de divertissement, mais finalement le nom de concerto l'emporta. Il est composé dans une facture moderne, une musique exceptionellement claire, lumineuse et sensible, où la mélodie, l'harmonie et le rythme nous éblouissent par leur richesse et leur variété.
Ernest ANSERMET en donna la première audition suisse le 28 février 1933 avec son Orchestre de la Suisse Romande et Franz-Josef Hirt en soliste (8e concert symphonique de l'abonnement série B, donné dans la Salle de la Réformation). Cité de l'introduction qu'il écrivit pour la brochure-programme de ce concert:
"[...] On avait toujours attendu un Concerto de piano du prestigieux écrivain des Jeux d'Eau, des Miroirs et de Gaspard de la Nuit. Le premier qui vint fut un concerto pour la main gauche seule, écrit pour le pianiste manchot Paul Wittgenstein. Lorsqu'il apparut enfin, il y a un an, le Concerto joué par Mme Marguerite Long à qui il était dédié, ce fut tout un événement dans la vie musicale parisienne. Jamais encore on n'avait refusé tant de monde à la Salle Pleyel; plusieurs auditions successives n'en épuisèrent pas le succès et cette oeuvre fut l'occasion d'une tournée triomphale de l'auteur et de son interprète à travers l'Europe.
Ce Concerto est en effet une oeuvre qui compte dans la production de son auteur et la plus importante qu'il nous ait donnée depuis longtemps. Ravel a déclaré y avoir pris pour modèle les concertos de Saint-Saëns, mais on sait par d'autres exemples que quand Ravel prend un modèle, son imagination fait du chemin.
On pourra rapporter à Saint Saëns la limpidité d'écriture et de forme, l'extrême économie de l'orchestre, mais un autre facteur y intervient aussi: cette «objectivation» des éléments de l'expression musicale à laquelle recourrent tant de musiciens d'aujourd'hui. On a vu dans le Boléro surtout la répétition insistante d'une même mélodie, mais le Boléro repose sur un fait encore plus important: ce n'est pas la mélodie qui y détermine le tempo, mais le tempo qui y commande la mélodie. Le tempo devenu élément concret, posé objectivement, c'est là, si l'on veut bien y penser, une singulière gageure! Un adagio conçu ainsi ressemble fatalement à sa grimace, telle que l'évoquent certaines études de ce bon monsieur Carpentier jouées par une petite fille bien sage.
Ravel n'hésite pas à tenir de nouveau cette gageure dans l'adagio assai de son concerto: simple lied, inexorablement rythmé, mais dont le chant n'a pas moins de trente-cinq mesures! Si paradoxale que paraisse l'intention, on n'en reconnaîtra pas moins dans son exécution, comme dans celle de tout le concerto, la main d'un maître de l'art. Dans cet adagio, c'est le piano qui principalement tient le chant. Dans les deux autres parties, le piano fait plutôt des traits, des arabesques, des contre-points, ou des contre-rythmes, laissant la majeure partie du thématisme à l 'orchestre.
Le premier mouvement allegramente, est en forme-sonate, et utilise avec autant de goût que d'esprit des éléments inspirés du jazz. Le retour du second thème introduit une période de cadence écrite, d'abord à l'orchestre (harpe, cor, bois) puis au piano seul. Le dernier mouvement, presto, a un caractère de toccata dont le mouvement obstiné alterne entre le piano et l'orchestre.
Aujourd'hui que la plupart des compositeurs se voient contraints de recourir à des expériences atonales, on ne manquera pas de voir un des mérites de cette oeuvre dans les ressources que Ravel a su tirer de l'écriture tonale. E. A. [...]"
L'enregistrement qui vous en est proposé ici est un peu particulier, interprété par Nikita MAGALOFF dans l'un des rares concerts qu'Aldo CECCATO donna dirigeant l'Orchestre de la Suisse Romande, ici le 23 novembre 1977 au Victoria-Hall de Genève.
Le lendemain, Jean-Claude Poulin écrivait dans le Journal de Genève en page 15:
"[...] Concert de la Ville - Aldo Ceccato, Nikita Magaloff, Orchestre de la Suisse romande
Pour son second concert à Genève en l'espace de trois semaines, Aldo Ceccato avait composé un programme abondant et très latin, bien fait pour mettre en valeur la nature bouillonnante de son tempérament. Il ne faudrait pas toutefois ne retenir chez lui que cet aspect emporté et parfois un peu théâtral: soulignons la rigueur de ses constructions, le choix très judicieux des tempi (L'Italienne de Mendelssohn en fut, si joliment articulée, un remarquable exemple) et une expression empreinte de réelle poésie. À ces traits subtils ne correspond pas toujours la même finesse sur le plan technique: Aldo Ceccato se préoccupe assez peu d'alchimie sonore, ce qui vaut parfois un orchestre bien gras (ainsi, curieusement, dans l'ouverture de la Pie voleuse ou dans l'Oiseau de feu de Strawinsky). Ces excès sonores, ou plutôt ces défauts d'équilibre, ne se trouvent pas compensés par des sonorités orchestrales suffisamment somptueuses, et l'on se demande un peu, sur ce point précis, à qui incombe la responsabilité: au chef, ou aux musiciens du Romand.
Soliste de la soirée, Nikita Magaloff interprétait le concerto en sol de Ravel. Interprétation splendide, musclée, d'une élégance unique, éclatante de fantaisie, de virtuosité et d'humour, avec un très beau et très glacé second mouvement, à l'expression pourtant intense. Pas trace de mièvrerie, ni de cette délicatesse qui, trop souvent dans cette oeuvre, est synonyme de pâleur: quelles couleurs, au contraire, et quelle force! [...]"
Maurice Ravel, Concerto pour piano et orchestre en sol majeur, M 83, Nikita Magaloff, Orchestre de la Suisse Romande, Aldo Ceccato, 23 novembre 1977, Victoria-Hall, Genève
C'est grâce à la générosité de la...
... que nous pouvons écouter cet enregistrement en ligne: il fut récemment rediffusé dans le cadre de l'excellente émission de Catherine BUSER «Quai des Orfèvres», épisode du 2 avril 2018, premier volet d'une série de 4 consacrés à la discographie de Nikita MAGALOFF.
CLIQUER sur le logo rtsr ci-dessus: ouvre une nouvelle fenêtre sur la page correspondante des archives de la RTSR: Le PREMIER CLIQ sur le pictogramme PLAY (flèche) fait démarrer l'audio au début de la présentation de l'enregistrement par Catherine Buser - avec certains logiciels l'audio démarre toutefois automatiquement à cet endroit. Le pictogramme PLAY fonctionne ensuite comme d'habitude pour arrêter / continuer l'écoute.
Si vous désirer (ré)écouter un passage particulier de cette partie de l'émission, cliquer sur l'un des minutages donnés ci-dessous en début de ligne: ouvre une nouvelle fenêtre sur la page correspondante des archives de la RTSR: le PREMIER CLIQ sur le pictogramme PLAY (flèche) fait démarrer l'audio à l'endroit en question, etc., etc.
( 26:32 ) Présentation par Catherine BUSER
( 27:00 ) 1. Allegramente
( 35:10 ) 2. Adagio assai
( 43:38 ) 3. Presto
( 47:47 ) Désannonce par Catherine BUSER
Sommaire du premier volet de la série de 4 consacrés à la discographie de Nikita MAGALOFF, diffusé le 2 avril 2018 dans le cadre de l'excellente émission de Catherine BUSER «Quai des Orfèvres»:
( 00:53 ) Frédéric Chopin, Scherzo pour piano No 1 en si mineur, Op. 20 (B 65), Presto con fuoco
( 10:03 ) Frédéric Chopin, Nocturne pour piano no 13 en ut mineur et no 14 en fa dièse mineur, Op. 48, septembre 1974
( 26:43 ) Maurice Ravel, Concerto pour piano et orchestre en sol majeur, Orchestre de la Suisse Romande, Aldo Ceccato, 1977, Victoria-Hall, Genève
( 48:14 ) Sergei Prokofjew, Sonate pour piano no 3 en la mineur, 1989
( 57:10 ) Georg Friedrich Händel, Sonate pour violon et piano en ré majeur, Op. 1 No 13, Joseph Szigeti, 1937
( 1:07:34 ) Igor Strawinski, Concerto pour piano, instruments à vent, timbales et contrebasse, Orchestre de la Suisse Romande, Ernest Ansermet, 1955, Decca London
( 1:26:15 ) Alexander Skrjabin, court extrait des Huit études pour piano
Un CLIQ sur l'un des minutages donnés ci-dessus en début de ligne ouvre une nouvelle fenêtre sur la page correspondante des archives de la RTSR avec l'audio au minutage en question resp. - pour les oeuvres de Ravel et Strawinski - sur une page de ce site avec la présentation de l'oeuvre en question.
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