Distillerie Morand, un patrimoine à découvrir

27 juin 2023

A Martigny, une entreprise familiale se distingue par ses liqueurs et ses sirops, dont la très réputée eau-de-vie de poire Williams, la Williamine. La distillerie Morand, fondée en 1889 a su se faire une place en Suisse romande. Un livre retrace son histoire. Nous avons rencontré ses autrices, Marie Mathyer et Carine Cornaz Bays.

Aujourd'hui on associe la marque Morand à la Williamine et à l'Abricotine, deux produits qui incarnent le terroir valaisan. Pourtant le premier succès de l'entreprise remonte à la commercialisation de la Liqueur du Simplon. De quoi s'agit-il et pourquoi s'arrachait-on ce produit ?

Le fondateur Louis Morand s’est en effet fait connaître grâce aux produits à base de plantes. Il développe des recettes autant qu'il en adapte. La Liqueur du Grand-St-Bernard appelée également Liqueur du Simplon est à base de plantes et de miel des Alpes. Dès les débuts de son entreprise, Louis Morand participe à des concours internationaux, c’est ainsi que ses liqueurs décrochent des médailles à l’Exposition universelle de Bordeaux en 1895, à l’Exposition universelle de Paris en 1900, à l’Exposition internationale de Milan en 1906 ou encore à l’Exposition nationale suisse à Berne en 1914.

L’absinthe reste aussi un produit très important. Lors de son interdiction en 1910 en Suisse, la distillerie n'est que partiellement affectée puisque la Maison Morand dispose d’un stock qu’elle continue à écouler.

L’histoire nous permet de mettre en perspective l’entreprise et de réaliser que le fondateur a débuté avec des liqueurs à base de plantes des Alpes et qu’en 2015, la Distillerie Morand a racheté l’entreprise Rostal SA, productrice des herbes du Grand-St-Bernard. On retrouve ainsi des plantes qui sont valorisées de deux manières différentes et tout au long de la vie de l’entreprise. Ce sont d’ailleurs ces mêmes plantes qui ont permis d’aromatiser le gel hydroalcoolique développé dans l’urgence durant la pandémie alors que les stocks d’alcool manquaient.

Lorsque l'on pense à la distillerie Morand, on ne peut s'empêché de la relier à la vie culturelle et associative du Bas-Valais. A partir de quand et comment l'entreprise s'implique pour la communauté locale et quelles manifestations font parler d'elle ?

Les mentions retrouvées dans les différentes sources nous montrent que la famille est très impliquée dès ses débuts dans la vie locale, quelle soit sportive, culturelle ou associative. Ainsi, André (2e génération) est par exemple un des membres fondateur du FC Martigny dans les années 1920. On trouve également des photos des années 1930-40 où la distillerie construisait un char pour le cortège du carnaval de Martigny. La famille entretient aussi des liens forts avec la Fondation Pierre Gianadda depuis ses débuts ou a été très impliquée dans le Verbier Festival, festival de musique classique au coeur des Alpes. De nombreux exemples pourraient être cités.

Les archives de la RTS
23 février 1954

L’entreprise joue également un rôle social important à travers les âges. Bien évidemment dans l’engagement d’habitants de la région (parfois plusieurs générations de familles travaillent à la distillerie), d'autres communautés bénéficient par exemple d’une aide financière de l’entreprise comme à Lourtier lors de l’incendie de 1929 ou de la ravine de 1937. Lorsque des ouvriers polonais travaillant à la mine de fer du Mont Chemin ne peuvent rentrer auprès de leur famille pour Noël en 1941, la Maison Morand leur offre un présent. Du temps d’André Morand (2e génération), certains commerçants ou cafetiers de Martigny et des environs faisaient appel à lui pour des prêts financiers. Plus récemment, l’entreprise a mis à disposition des locaux pour des jeunes du semestre de motivation en 2004 et emploie des personnes en situation de handicap depuis 2015 pour le conditionnement des herbes du Grand-St-Bernard, au travers d’un atelier intégré mis sur pied avec la FOVAHM (Fondation valaisanne en faveur des personnes handicapées mentales). Dans le domaine sportif également l’entreprise a soutenu et soutient plusieurs clubs ainsi que des sportifs de différentes disciplines.

Au moment de signer les premiers exemplaires du livre, lors du vernissage, on nous a parlé de la fameuse distribution d'oranges que faisait la famille, à la sortie des écoles, entre autres. La distillerie utilisait les écorces d’orange ou de citrons et redistribuait à la population le fruit. On nous a dit: "Vous vous rendez compte, ce n'était pas Noël, et on recevait des oranges!". C'est un exemple, un peu anecdotique, mais très révélateur, à la fois de l'attachement des valaisans à cet entreprise, mais aussi de l'importance et de l'implication qu'avait et qu'a la distillerie dans cette région.

Selon vous, comment la distillerie a résisté au temps ? Quels sont les ingrédients qui ont permis à l'entreprise de garder le cap face à la concurrence et au déclin de la consommation d’alcool.

La longévité de la Maison Morand est attribuable à différents facteurs: implication dans la vie locale, respect du savoir-faire et qualité des produits. Chaque dirigeant a su, à sa manière, poursuivre le travail de la génération précédente en respectant le savoir-faire et les recettes tout en relevant les défis de son époque. L’implication des membres de la famille Morand dans la vie économique, politique, culturelle et sociale de Martigny et de sa région, est un facteur. On peut relever le fort engagement social comme une caractéristique de l’entreprise. La fidélité des employés de la Distillerie est récompensée à l’image du chronomètre en or reçu par M. Kittel en 1943 pour ses 20 ans dans l’entreprise ou le soutien apporté à la famille de Léonce Guex, employé décédé subitement au travail en 1949.

Couverture du livre La Distillerie Morand
De génération en génération
Couverture du livre La Distillerie Morand De génération en génération

La Distillerie Morand: de génération en génération par Marie Mathyer et Carine Cornaz Bays

Préface: Anne-Laure Couchepin Vouilloz, présidente de la commune de Martigny, Postface: Jean-Pierre Morand, éditions Pillet, Format: 14×19 cm, 128 pages illustrées, ISBN 978–2–940145–54–6

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