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Vincent d'INDY, «Jour d'été sur la montagne», opus 61, Orchestre de la Suisse Romande, Edmond APPIA, 1961

1961
Radio Suisse Romande
René Gagnaux

Illustrant ce descriptif: portraits d'Edmond APPIA - à gauche - et de Vincent d'INDY

«Jour d'été sur la montagne», opus 61, est un poème symphonique en forme de triptyque - que Vincent d'Indy composa en 1905. L'oeuvre fut donnée en première audition le 18 février de l'année suivante aux Concerts Colonne.

Il s'agit de l'évocation d'une journée en Ardèche, du lever au coucher du soleil: «Aurore» - un lever de soleil sans nuages -, «Jour» - une rêverie dans un bois de pins - et «Soir» - le retour au gîte avec de dernières éclaircies sur les cimes des pins puis la nuit. Vincent d'Indy s'est inspiré de trois poèmes en prose de son cousin Roger de Pampelonne - «Les Heures de la Montagne».

Après-midi sous les pins...

Les trois poèmes de Roger de Pampelonne furent publiés en préface à l'édition 1906 de la partition parue chez Durand & Fils:

"[...] I AURORE

Eveillez-vous, mornes fantômes, souriez au ciel, majestueusement, car un rayon dans l'Infini s'élève et vous frappe au front. - Un à un se déroulent les plis de votre grand manteau et les premières lueurs, en caressant vos rides altières, répandent sur elles un instant de douceur et de sérénité.

Eveillez-vous, montagnes, le Roi de l'espace apparaît.

Eveille-toi, vallon, qui caches les nids heureux et les chaumières endormies; éveille-toi en chantant. Et si, dans ton cantique, quelques soupirs me parviennent, puisse le vent léger des heures matinales les recueillir et les porter à Dieu.

Eveillez-vous, cités, où les purs rayons ne pénètrent qu'à regret. Sciences, agitations, ignominies humaines, éveillez-vous... Debout, mondes artificiels!

Les ombres s'effacent peu à peu devant la lumière envahissante...

Riez ou pleurez, créatures qui peuplez ce monde.

Eveillez-vous, harmonies, Dieu écoute!

II JOUR

(Après midi, sous les pins.)

Qu'il est doux de se suspendre aux flancs des larges gradins du ciel.

Qu'il est doux de rêver, loin des agitations de l'homme, dans la souriante majesté des cimes.

Elevons-nous vers les sommets, l'homme les abandonne, et, là où l'homme n'est plus, Dieu fait entendre sa grande voix; voyons, de loin, pour pouvoir les servir et les aimer, ses éphémères créatures.

Ici, tout bruit de la terre monte en harmonie vers mon coeur reposé, ici, tout devient hymne et prière; la Vie et la Mort se tiennent par la main pour crier vers le ciel: Providence et Bonté. - Je n'aperçois plus ce qui périt, mais ce qui renaît sur les ruines; le grand Guide semble y régner seul.

Tout se tait. - Traversant la lande ensoleillée, un chant doux et naïf m'arrive, apporté par le vent qui glisse à travers la profondeur des bois. Oh! enveloppe-moi tout entier dans tes sublimes accents, vent dont le souffle sauvage anime l'orgue de la Création ! Recueille les chants de l'oiseau sur les pins sombres; apporte-moi les tintements agrestes, les rires joyeux des vierges de la vallée, le murmure des ondes et l'haleine des plantes. Efface dans ton grand sanglot tous les sanglots de la terre; ne laisse parvenir jusqu'à moi que les plus pures harmonies, oeuvres de la divine Bonté !

III SOIR

La nuit envahit le ciel protecteur, et la lumière, en déclinant, jette un souffle frais et rapide sur l'hémisphère fatiguée. Les fleurs s'agitent, leurs têtes se cherchent pour s'appuyer et s'endormir.Un dernier rayon caresse les sommets,tandis qu'heureux du rude travail de la journée, le montagnard regagne la rustique demeure dont la fumée s'élève dans un repli du vallon.

Le bruit des clochettes, signe de la vie, s'éteint peu à peu; les agneaux se ruent dans l'étable et, devant le feu qui pétille, la paysanne endort son petit enfant dont l'âme timide rêve les brûmes, le loup précoce et la noire lisière des bois.

Bientôt, tout sommeille sous l'ombre, tout est fantôme dans la vallée ; tout cependant vit encore.

O nuit! l'Harmonie éternelle subsiste sous ton voile; la joie et la douleur ne sont qu'endormies.

O nuit! la Vie dévorante s'agite sous le jour dévorant ; elle se crée sous le manteau perlé de tes bras étendus... [...]"

Dans le dernier volet se manifeste l'une des occurences les plus typiques de l'exploitation du trésor grégorien par d'Indy, avec l'antienne des Vêpres de l'Assomption Virgo Prudentissima, tirée de l'Antiphonaire Bénédictin de 1897 (*):

"[...]L'antienne apparaît avec un effet d'harmonium soutenu par les bois et les cors, et donne lieu à des réponses qui reprennent la mélodie avec des modifications rythmiques (mes. 35-66 de Soir).[...]" L'exploitation du trésor grégorien "[...] n'est pas le pivot de l'oeuvre, mais elle en caractérise certainement la couleur contemplative et participe à la dramatisation de la nature. À propos de ce poème symphonique, Jacques Guillemont a décrit le symbolisme tonal dont le compositeur a affecté sa technique d'écriture (**). Ses effets de lumière, ses teintes hymniques sont également â rapprocher du génie grégorien et de l'esprit bénédictin, sans recours à un programme le poème dont il s'inspire, Les Heures de la montagne de Roger de Pampelonne, n'offrant après tout qu'un cadre très général (Aurore, Jour, Soir). Le lever du jour, avec ses longues tenues aux cordes, pour relever du genre descriptif, ne traduit pas moins un acte de contemplation. Enfin, ce poème symphonique offre une construction significative à propos du temps: les heures de la montagne que d'Indy a choisies, en suivant le poème de Pampelonne, forment une sorte de liturgie naturelle, la structure narrative témoignant d'une conception circulaire du temps, faite de progressions et de retours, de l'aurore au crépuscule. [...]

(*) D'Indy indique lui-même cette source dans son Cours, 11/2, p. 329. Il s'agit de l 'exemple 53 analysé par Jacques Guillemont dans son étude «Vincent d'indy et l'impressionnisme», L'Education musicale, juin-juillet 1981. p, 330.

(**) Guillemont, «Vincent d'indy et l'impressionnisme», p. 330. Les oeuvres dont il est question ici sont des poèmes symphoniques: Jour d'été à la montagne (1905), Diptyque méditerranéen (1926). La Symphonie sur un chant montagnard français,dite Cévenole, date de 1886. [...]" [2] Vincent d'Indy et son temps, publié sous la direction de Manuela Schwartz, pages 257-258.

Pour résumer le tout, une courte description des trois volets:

"[...]Les touches impressionnistes sont manifestes, en particulier dans la peinture orchestrale pleine d'imagination de la nature - l'on sait combien d'Indy admirait le Debussy du Prélude à l'après-midi d'un faune et des Nocturnes. Mais la musique reste essentiellement classique dans la logique et la clarté de ses structures tonales audacieuses. [...]

Le premier mouvement, «Aurore», s'ouvre dans une nuit noire, avec la note ut résonant tout au long des octaves des cordes. Le soleil se lève peu à peu, accompagné du concert matinal des oiseaux, d'une douceur plaintive. Puis la nature s'éveille tandis que cordes et bois frémissants développent des quintes harmoniques de plus en plus lumineuses, culminant en un si majeur étincelant et une mélodie straussienne triomphante à la trompette symbolisant le point du jour.

L'atmosphère généralement étouffante d'«Après-midi sous les pins» (sous-titre du deuxième mouvement, «Jour»), suggérée par une ample mélodie en mi majeur, est interrompue par une danse populaire vigoureuse dans un ut majeur bien terre à terre, exploitant jusqu'à l'obsession des motifs ostinato. Par la suite, de sombres passages poétiques au cor en ré bémol annoncent l'arrivée des nuages; un passage chromatique ascendant et descendant quasiment bartokien au piano et aux timbales à pédales signife un bref grondement de tonnerre.

Dans «Soir», un rondo de conception fort originale, le jour commence à décliner, et un thème rustique exubérant en si majeur s'oppose au chant grégorien des Vêpres de l'Assomption. Avec le crépuscule, la réexposition intervertit l'ordre de ces thèmes, laissant le rôle important au chant des Vêpres dans toute son authenticité. Ainsi le christianisme triomphe des forces du paganisme. La coda en ut mineur marque le retour de la section initiale d'«Aurore» sous forme de palindrome tandis que la musique est fnalement engloutie par l'abîme nocturne dont elle avait émergé. [...]" [2] cité d'un texte d'Andrew Thomson écrit en 2008 pour Chandos - dans une traduction de Nicole Valencia - et publié dans le livret du CD CHAN 10464.

Edmond APPIA dirige l'Orchestre de la Suisse Romande: je ne connais ni la date exacte, ni les circonstances de cet enregistrement. Il a été fait au plus tard début 1961, étant donné qu'on peut le trouver mentionné dans la Gazette de Lausanne du 8 août 1963, en page 2:

"[...]16.20 (Sottens) Orch. de la Suisse romande: Pastorale d'été, Honegger (dir.: Jacques Olivier); Jour d'été à la montagne (fragments), Vincent d'Indy (dir. Edmond Appia) [...]".

L'enregistrement que vous écoutez...

Vincent d'Indy, «Jour d'été sur la montagne», opus 61, Orchestre de la Suisse Romande, Edmond Appia, 1961

1. Aurore. Très modéré - 1er Mouvement, un peu animé - Plus vite -

Assez lent - Un peu plus animé - Plus animé.....08:11 (-> 08:11)

2. Jour. Très modéré - Très vif - Modéré - Mouvement initial -

Second Mouvement, très vif - Assez lent - Très animé - Modéré -

Mouvement initial - Un peu plus vite......................12:42 (-> 20:53)

3. Soir. Très animé et joyeux - Un peu moins animé et sans rigeur -

1er Mouvement - Très modéré - Le double plus lent -

Lent - Très lent.............................................................10:20 (-> 31:13)

Provenance: Radiodiffusion, archives de la Radio Suisse Romande

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René Gagnaux
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14 septembre 2017
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