Repérage
Un Robinson qui n’est pas Crusoé

Un Robinson qui n’est pas Crusoé

avril, 2014
Charly-G. Arbellay
Pierre-Marie Epiney

«J'aime le camping Robinson de Granges. Rien que de prononcer ce nom, je me sens déjà en vacances sur mon île !» Ces mots d'un habitué des lieux font référence à Robinson Crusoé, le célèbre héros du roman de Daniel Defoe, publié en 1719. Sauf que dans le cas du camping de Granges, ce patronyme n'a rien à voir avec le compagnon de Vendredi. Il s'agit du nom de famille du premier propriétaire des lieux.

Ce nom apparaît à Granges à la fin du 19e siècle. Robinson est formé de la déclinaison de Robert, Robin. Aujourd'hui encore, il est surtout porté en France (cf. l'actrice Madeleine Robinson) et dans les départements d'Outre-Mer où l'on recense 640 personnes. Ce nom est également fréquent aux USA, en Angleterre et en Suisse, à Colombier/NE.

Achat de marécages

En 1905, une famille Robinson achète 60 000m2 de marécages au nord des «crêtes de Petre et des Jonques». L'acte mentionne: «sous réserve de rester en possession de tous les bois présents et futurs». C'est la grande époque où des canaux sont construits pour assainir la Plaine du Rhône. La famille Robinson crée à cet endroit une pisciculture. On disait à l'époque que l'idée lui avait été suggérée par son ami Michel Zufferey et son épouse Jenny Clark, les nouveaux propriétaires de l'Hôtel Château-Bellevue de Sierre. Fortune faite dans le métier d'antiquaire, ces derniers étaient revenus d'Angleterre et souhaitaient exploiter le célèbre hôtel (aujourd'hui Hôtel de Ville). On a donc prêté à Robinson le titre de Lord Robinson, même si sa nationalité britannique et son titre de noblesse sont incertains.

Poissons au Rhône

Les Robinson installent une écluse à la sortie de l'exutoire de la rivière La Rèche qui, en 1905, se déversait directement dans le Rhône. Ainsi, la pisciculture bénéficiait-elle d'une eau cristalline et de grande qualité descendue directement du vallon de Réchy. Personne ne sait si les Robinson ont fait fortune avec leur pisciculture. Toujours est-il que l'installation a été victime d'une violente crue de la Rèche. Les truites se seraient échappées dans le Rhône par le Canal neuf, qui, à Poutafontana, se jette dans le fleuve. Les anciens, parlant d'un héritage, utilisaient souvent cette expression: «yè cômèin lè pèchôn dou Robénsôn, chôn partéc yén ou Roûno» (C'est comme les poissons du Robinson, ils sont partis dans le Rhône), traduction André Lagger. La légende prétend que c'est depuis cette époque que le Rhône a été empoissonné !

Pisciculture de M. Robinson, 1920

Plan cadastral coloré indiquant en rouge magenta la surface de 60 000 m2 de marécage vendu à Robinson.

Des patates rouges et jaunes

Dans le Nouvelliste Valaisan des 21 et 28 avril 1921, on découvre deux annonces semblables: «A vendre, jolis plantons de pommes de terre rouges et jaunes. S'adr. à L. G. Robinson, ferme agricole, Granges, près Sion. Téléph. No 3, Granges».

Où se situait cette ferme agricole ? A Pramont ? A Mangold ? En tous les cas pas au lieudit «Ferme Bagnoud» qui n'existait pas à cette époque si l'on s'en réfère aux anciennes cartes Dufour. A partir des années 1930, on perd la trace de la famille Robinson.

Par la suite, les parcelles Robinson ont appartenu à plusieurs autres propriétaires jusqu'en 1980, date à laquelle la commune de Sierre en a fait l'acquisition, suite à la faillite de la société Credimo SA à Genève. Cette dernière envisageait construire des bungalows. Le camping portait alors le joli nom de «Montana-Valley».

Bibliographie:

Grône : un passé à découvrir René Arbellay, 1995 - Le Nouvelliste Valaisan 1921

Légende de la photo d'annonce :

Le camping Robinson, secteur Est, en avril 2014

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