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Le tempo du disco a rythmé la Romandie

15 mars 2018
David Glaser
notreHistoire.ch

Le disco est redevenu une musique à la mode depuis 2013. A la faveur de l'album «Random Access Memories» du groupe Daft Punk, et de la présence sur plusieurs morceaux du duo français de l'Italien-allemand Giorgio Moroder ou encore de Nile Rodgers du groupe Chic. Disco, comme discothèque bien sûr, le lieu de fête où est né le genre musical d'abord aux Etats-Unis. Des années 70 jusqu'à la fin des années 80, le clubs suisses et notamment de Suisse romande, mais aussi d'Allemagne, d'Italie et de France arrosent les oreilles des danseurs de productions disco européenne avec en single-étendard le «Love to love you baby» de Donna Summer.

Le disco a fait lever les fesses des dancings du monde entier, passant d'un genre musical sexué et très ouvert aux danseurs des communautés gay et afro-américaine à un phénomène global adossé à la culture des discothèques, et ce sans recevoir avant la fin des années 70 de grande couverture médiatique.

Un tempo en quatre quarts

Dans le disco, ce qui est nouveau, c'est cette rythmique batterie en quatre quarts avec un coup de grosse caisse de batterie à chaque temps, un kick qui permet aux fêtards de se balancer en rythme. Et puis il y a la basse... celle jouée sur «Love to love you baby» est basée sur une rythmique chaude et sensuelle, c'était nouveau pour l'époque.

Aux Etats-Unis, pays pionnier pour la production du disco au milieu des années 70, on constate deux pôles urbains où le genre se développe: à New York et à Philadelphie. En Europe, le Français Marc Cerrone est un des pionniers. En 1976 avec «Love in C Minor», il va marquer les esprits d'un DJ de la Grosse Pomme et de ses danseurs. Cerrone est le premier Européen à faire danser les Américains qui ont la fièvre du samedi soir, sans même le savoir.

Pour l'anecdote, il signe chez les amis du fondateur du Montreux Jazz Claude Nobs, les frères Ertegun qui dirigent le label de musique noire Atlantic Records. Et ce après avoir été plagié par un DJ américain qui avait constaté que le disque de Cerrone, qu'il avait reçu par erreur, fonctionnait à merveille sur son dancefloor. Ses disques bondissent dans le Top 40 Albums du Billboard en 1977, notamment "Love in C Minor", par ailleurs classé dans le Top 200 des plus grands tubes des années 70 selon le magazine en ligne référence Pitchfork.

Patrick Juvet, dans un reportage de Temps Présent, évoque son aventure américaine

La Suisse n'est pas en reste. On entend de plus en plus parler du Montreusien Patrick Juvet, un ancien jeune élève du Conservatoire de musique de Lausanne. C'est une conversation au Studio 54 à New York entre le Patrick Juvet et le duo de producteurs Henri Belolo et Jacques Morali qui signera le début d'une grande épopée. Juvet aux Etats-Unis a été une star, au moins quelques années. Belolo et Morali étaient déjà responsables du lancement des Village People sur place. On leur doit l'éclosion du Vaudois à l'international. Neil Bogart, le président de Casablanca Records, dont le siège était installé à Los Angeles (le label distribue notamment les Village People), a regardé avec attention tous ces talents venus d'Europe débarquant sur le sol américain. Bogart qui avait demandé à Giorgio Moroder et son équipe de rallonger le "Love to love you baby" alors qu'il organisait une soirée très chaude dans sa villa de LA et que certains invités faisaient l'amour sur la version trop courte de la chanson de Donna Summer.

Le Top 5 américain

Revenons à Patrick Juvet. Le label Casablanca a la brillante idée de lancer le single «I Love America». C'est un carton et pour longtemps. La chanson sera samplée dans les années 90 pour le single "America" de Full Intention et cumule près de 300'000 écoutes rien que sur Spotify et plus d'un million de vues sur Youtube. Le single de Juvet se classera en 1978 dans le TOP 5 américain et dans tous les Top 50 des grands pays où la disco prospère. Deux autres singles "Lady Night" et "Got A Feeling" rencontreront aussi un succès certain. En Romandie ou en France, c'est la chanson "Où sont les Femmes?" qui sera sur toutes les lèvres. Le single avait posé les jalons d'une carrière phénoménale dans les clubs, avant la bombe "I Love America".

Les années disco en Europe sont aussi marquées par cette tendance des producteurs français à faire appel au savoir-faire new-yorkais en studio. Exemple avec le producteur d'une certaine Karen Cheryl, le magazine Temps Présent avait suivi Humbert Ibach (Umberto Petrucci de son vrai nom), le producteur de Karen Cheryl.

Les archives de la RTS
27 septembre 1979

Les clubs suisses passaient de la disco. Ils en raffolaient même. Avec toute la production italo-allemande incarnée par Giorgio Moroder, les artistes francophones comme Sylvie Vartan s'y mettent aussi à la toute fin des années 70. L'une des disco queens est d'ailleurs Sylvie l'ex-star des yéyés (ici à Genève dans le club de Bernard H. Grobet).

Sylvie Vartan invitée du Griffin's ici avec Bernard Grobet (collection Arnaud Grobet).

Le temple du disco, c'est à New York qu'on le trouve. Le Studio 54. Il inspire énormément de DJs en Suisse. Plusieurs clubs se veulent des carrefours de la danse et de la musique. A Montreux, le club de la musique (et de l'innovation technologique) à la fin des années 80 est le "Goldfinger", un club pionnier qui s'équipe pour projeter les premiers clips vidéo sur ses murs. Dans les Montagnes neuchâteloises, la "Pyramide" est LE nightclub de rêve. Installé au Locle, ce monument sera malheureusement détruit en 2014. Mais il symbolise la fête dans l'Arc jurassien. «La Coupole» était un autre haut lieu de la nuit, situé à Montreux. Il était autrefois appelé le «Hazyland», du nom de son patron le musicien Hazy Osterwald. Le "Club", un bar-dancing de la ville du Jazz était quant à lui installé à l'étage du Complexe «Nouveau Métropole», encore une fois à Montreux, capitale de la "night" et pas qu'en juillet pendant le Jazz.

Le "Club" ouvert de 1984 à 1987 (collection Jean-Claude Crisinel).

Mais le club qui a certainement le plus marqué le disco en Suisse, c'est bel et bien le Macumba à Saint-Julien-en-Genevois, en France voisine. Un club chéri de toute la Romandie. Roger Crochet, son propriétaire, en installera plus d'une vingtaine, d'abord aux Etats-Unis puis en Espagne et en France. Nombreux sont les héros du disco à y avoir joué en live. Enfin, Lausanne reste aujourd'hui, plus que Genève la capitale des lieux de fête populaires avec son D! Club souvent classé parmi les meilleurs au monde dans les classements de références et sa locomotive, le MAD, un discothèque, de plusieurs salles, devenue la référence pour l'electro mainstream ainsi que les soirées disco revival.

Igor Blaska, DJ d'origine neuchâteloise, aux platines de son "MAD" à Lausanne (DR).

Lausanne, c'est aussi une ville toujours aussi ouverte à la culture musicale gay, dans laquelle le disco tient une place de choix. Plus que de l'écouter, les Lausannois et les fêtards d'un soir peuvent rejoindre «Le Saxo» pour le chanter. Le bar gay propose en fin de semaine son karaoké traditionnel astucieusement appelé le «Karaogay» avec un large choix d'instrumentaux disco.

Les habitués du "Saxo" chantent les tubes de Dalida ou de Village People les soirs de week-end au 1er étage de ce bar gay de la rue des Grottes (collection notre Histoire).

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14 mars 2018
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